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La prise en charge des formes modérées à sévères de Covid à l'hôpital a beaucoup évolué depuis le début de la pandémie et évoluera probablement encore. Au printemps 2022, il y avait toutefois un consensus autour de la stratégie thérapeutique suivante (1): - De la dexaméthasone (cortisone). - Une prophylaxie anti-thromboembolique (anticoagulants). - Des anti-interleukines 6 (du tocilizumab, par exemple) pour bloquer une réaction inflammatoire excessive. - Un apport supplémentaire en oxygène par masque, sonde ou intubation. - Patients à risque n'ayant pas besoin d'oxygénothérapie: anticorps monoclonaux et antiviraux. Mais qui sont exactement ces patients à (plus haut) risque de développer une forme modérée à sévère ou une forme chronique de type Covid long? Passons-les en revue. Dès le début de la pandémie, l'obésité (indice de masse corporel supérieur à 30 kg/m2) et même le surpoids (IMC > 25 kg/m2) se sont avérés être des facteurs de risque majeurs. D'après une étude britannique portant sur près de 7 millions de patients hospitalisés (2), ceux présentant un IMC supérieur à 23 kg/m2 étaient surreprésentés dans les services de soins intensifs et un risque accru de mortalité était apparu dès 28 kg/m2, surtout lors des premières vagues. "Il a été observé que ces patients étaient plus à risque de développer une forme sévère de Covid-19, notamment à cause des comorbidités associées à l'excès pondéral (maladies cardiovasculaires, diabète, etc.)", commente le Dr Julien Guiot, pneumologue et chef de clinique au CHU de Liège. "Dans les formes sévères et morbides d'obésité, le surpoids occasionne un surcroit de dyspnée de par la limitation de l'ampliation thoracique, secondairement au relèvement passif des coupoles diaphragmatiques. Ce qui favorise et/ou aggrave la détresse respiratoire liée au Covid."Sans surprise, les patients immunodéprimés, que ce soit d'origine congénitale ou acquise secondaire à une pathologie ou un traitement immunomodulateur, sont aussi particulièrement exposés aux formes sévères de Covid. Maladies auto-immunes, greffes et transplantations d'organe, VIH, traitements oncologiques en cours, cancers hématologiques... Autant de conditions à risque, qui permettent au SARS-Cov-2 de proliférer et de submerger les défenses immunitaires. "Tout patient immunodéprimé et infecté par le Covid doit être discuté avec un spécialiste référent, même en cas de symptômes légers", préconise le Dr Guiot. "En effet, l'administration d'un traitement antiviral ou d'anticorps monoclonaux bloquants endéans les jours suivant l'apparition des symptômes peut réduire le risque de forme sévère dans certaines populations et est généralement ajusté en fonction du variant à l'origine de l'infection. Cependant, pour une question de stock stratégique, ce traitement est conditionné à l'avis positif d'un panel d'experts. Raison de plus pour référer rapidement ces patients."Une relation bidirectionnelle entre les diabètes (de type 1 et 2) et le Covid a été établie dès le début de la pandémie. Non seulement les premiers sont associés à un risque accru de morbidité et de mortalité, mais le Covid induit aussi des anomalies métaboliques durant sa phase aigüe et/ou dans les semaines et les mois suivant le rétablissement. Au point que d'aucuns se demandent si le Covid pourrait être responsable du développement de nouveaux diabètes (3). La question fait débat, car les données épidémiologiques sont contradictoires et les mécanismes en cause pas encore tout à fait élucidés. La mise en place du CoviDiab Registry par un consortium international devrait bientôt nous permettre d'y voir plus clair. En attendant, une chose est sure: à l'instar de tous les états infectieux, les patients diabétiques voient souvent leur diabète déséquilibré par le Covid. Ce phénomène est à la fois dû à l'infection par le Sars-CoV-2 lui-même - qui peut toucher tous les organes et tend à "stresser" les cellules ß du pancréas -, mais peut aussi être accentué par l'administration de dexaméthasone, préconisée dans le traitement des formes moyennes à sévères de Covid. Pendant et après la maladie, les patients diabétiques doivent donc faire l'objet d'une vigilance accrue. Un bilan de la glycémie et de l'hémoglobine glyquée et, le cas échéant, un ajustement du traitement diabétique seront peut-être nécessaires. Si l'asthme ne s'est pas révélé un facteur favorisant les formes sévères de Covid, en revanche, le virus s'est montré redoutable en cas de BPCO ou de fibrose pulmonaire idiopathique. Lors des premières vagues, un risque majoré de développer des formes sévères a été constaté chez ces patients. Heureusement, les vaccins anti-Covid ont changé la donne dans le bon sens, mais en cas de suspicion de Covid, on peut administrer un traitement à base d'anticorps monoclonaux ou antiviraux en phase initiale de maladie non sévère ou référer au plus vite à un pneumologue. Cependant, une question se pose: le Covid peut-il donner lieu à une fibrose secondaire? "Rarement", répond le Dr Guiot. "Très peu de patients ont développé une maladie fibrotique évolutive suite à une infection au Sars-CoV-2. Par contre, suite à un séjour aux Soins intensifs, certains patients présentent des cicatrices pulmonaires. Ces séquelles peuvent donner lieu à un essoufflement persistant d'origine multifactorielle, qui peut constituer un tableau séquellaire chronique." Il faut distinguer les séquelles causées par la dégradation de certains organes durant une forme sévère de la maladie d'une part, et le Covid long d'autre part. L'OMS définit ce dernier comme des symptômes qui surviennent ou persistent au moins 8 semaines après une infection au Sars-CoV-2, indépendamment du degré de sévérité, et qui ne s'expliquent par aucun autre diagnostic (4). Il s'agit principalement de fatigue, d'essoufflement, de troubles cognitifs ou de troubles persistants du goût et/ou de l'odorat. De nombreuses études sont en cours pour comprendre les mécanismes du Covid long et définir la meilleure prise en charge. "En attendant, il convient d'identifier la nature de la séquelle", commente le Dr Guiot. "C'est essentiel pour guider le patient vers le bon spécialiste ou la stratégie thérapeutique la plus indiquée. En cas de déconditionnement musculosquelettique, la revalidation est recommandée. Si le patient présente une limitation respiratoire à l'effort, un bilan s'impose afin d'exclure - ou de découvrir! - une séquelle parenchymateuse, une embolie pulmonaire infraclinique, une atteinte des glomi carotidiens ou encore une myocardite. Quant au syndrome de stress post-traumatique et aux troubles de l'humeur (dépression, anxiété), ils requièrent une prise en charge psychologique ciblée."