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Christian Sicot envisage ces questions dans son livre " Le patient et l'erreur médicale "1. Le constat est implacable : au moins dix mille accidents mortels d'origine iatrogène sont recensés annuellement en France (pages 29-42). En se référant au trafic aérien, un tel pourcentage représente un crash hebdomadaire sur les seules lignes intérieures françaises. Dès lors, deux questions nodales émergent. La première est celle de l'erreur imputable au médecin, avec toutes les implications juridiques et assurantielles connotées par ce terme. La seconde est celle de la vigilance du patient, dûment informé par son médecin (une exigence légale) et par le réseau de sites " comparatifs " et " informatifs " mis à sa disposition sur le net, envers sa sécurité lors de sa propre prise en charge. Le terme d'EIAS2 est à la fois plus neutre quant à la causalité et plus large d'un point de vue sémantique que celui d'" erreur médicale ", seule justiciable. Prenons à titre d'exemple la prise en charge d'un STEMI/non-STEMI au domicile d'un patient par son médecin traitant (MT). Il y a erreur médicale si et seulement si le MT n'a pas envisagé cette possibilité et a posé le diagnostic de douleur musculaire. En revanche, si le diagnostic exact a été posé et si aucun SMUR n'est disponible (problème d'organisation) ou si le SMUR est embouti par un chauffard (aléa non médical) ou si toute intervention cardiaque est impossible (aléa médical), aucune erreur n'a été commise. Par définition, l'erreur est involontaire, autrement dit, non délibérée3. Se référant au travail pionnier de James Reason, l'auteur distingue entre les erreurs de routine (survenant dans le cadre d'un fonctionnement fondé sur les habitudes), les erreurs liées à la difficulté de mobiliser les bonnes connaissances dans un contexte donné (l'hématome comprimant la moelle dans le post-op d'une intervention, que le chirurgien n'a pas envisagé malgré l'apparition de troubles de la sensibilité), les erreurs par manque de connaissances (rares). Ces bases étant fixées, les deux questions-clefs peuvent être abordées. Comment organiser les soins de manière à les éviter ? (chapitre 4) Comment obtenir réparation le cas échéant ? (chapitre 5) Le droit du patient à une information claire et exhaustive, l'essor des protocoles internationaux régissant les différentes prises en charge (et qui, en cas de conflit, peuvent acculer les praticiens à devoir rendre compte de leurs démarches diagnostiques et thérapeutiques), la prise en charge par une équipe multidisciplinaire au sein de laquelle le médecin, souvent absent, joue néanmoins le rôle de chef d'orchestre {disposant en tout cas d'un pouvoir décisionnel en matière de traitement} (cette pratique s'étendant à la médecine générale), la multiplication des sites " comparatifs " (page 124-129) et " informatifs " (pages 129-130) à destination des usagers des soins de santé ont modifié en profondeur le colloque singulier entre le médecin et son malade. Ce dernier a cessé d'accepter le paternalisme. Alerté sur les risques inhérents à l'incertitude grevant toute intervention médicale, l'usager se positionne de plus en plus comme un " co-acteur " de sa propre sécurité, que ce soit par lui-même ou à travers des associations agréées (page 114) participant éventuellement à la gestion des établissements de santé. L'auteur témoigne d'une très grande maîtrise des différentes structures actuellement en place. Le temps du " Si j'avais su " doit donc appartenir définitivement au passé. Cette expression date de cette époque du colloque singulier souvent paternaliste entre le patient et son médecin, celui-là même défini par Georges Duhamel. Cette relation a subi une très profonde mutation en raison notamment des législations (inter)nationales sur les droits des patients, l'évolution des mentalités, des nombreux scandales iatrogènes qui ont miné le piédestal sur lequel trônaient les médecins, la constitution d'une jurisprudence, .... Le patient est devenu de plus en plus le " co-acteur " de sa propre sécurité. Il reste que des erreurs médicales ont encore lieu. L'ouvrage est émaillé d'exemples (la troisième partie est d'ailleurs entièrement consacrée à la présentation d'événements fautifs en chirurgie et en médecine générale {les faits}, avis de l'expert, commission de conciliation et d'indemnisation versus tribunal, commentaire) permettant au lecteur de confronter ses connaissances avec les réalités de terrain. Bref, l'auteur signe un ouvrage de synthèse, témoignant d'une réelle maîtrise des relais associatifs, des dispositions légales, des réalités de terrain (on sent une réelle familiarité avec le vécu dans la présentation des cas), de la jurisprudence, du droit médical, ..., susceptible d'éclairer le médecin sur ses responsabilités potentiellement judiciaires.