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Sachant que la proportion de cancers du sein qui se transforment en cancer métastatique est estimé à 30% et que ce dernier est plus difficile à traiter et reste actuellement fondamentalement incurable, le Breast International Group (BIG) a lancé en 2014 Aurora, un programme de recherche académique international basé sur le screening moléculaire, qui a pour but de mieux comprendre le cancer du sein métastatique (CSM). Établi à Bruxelles, le BIG a été constitué en 1999 par les Drs Martine Piccart et Aron Goldhirsch dans le but de lutter contre la fragmentation de la recherche contre le cancer du sein en Europe, de contribuer au développement plus rapide de meilleurs traitements et d'augmenter la probabilité de guérison pour les patients. L'initiative Aurora implique quant à elle 60 hôpitaux dans 11 pays européens, dont la Belgique. Jusqu'à présent, elle a porté sur 1.150 patientes et patients (car les hommes sont parfois concernés) atteints d'un CSM, mais elle ambitionne d'élargir son champ de recherche à l'avenir. Ce programme est unique en son genre, par son large éventail d'échantillons appariés de tumeurs primaires et métastatiques, provenant de patientes avec un CSM se trouvant soit au stade du diagnostic de la maladie métastatique soit après un premier traitement, ainsi que par sa collecte longitudinale d'échantillons biologiques et de données cliniques de haute qualité. Au total, quelque 30.000 échantillons de sang et de tissu tumoral seront collectés et 411 gènes analysés. " L'analyse approfondie des échantillons de sang et de tumeurs primaires et métastatiques prélevés sur les 381 premières patientes du programme, nous a permis d'étudier les changements moléculaires les plus fréquents qui se produisent lorsque le cancer du sein commence à se propager, et ensuite tout au long de l'évolution métastatique", commente le Dr Philippe Aftimos, co-investigateur principal du programme Aurora et responsable du développement des essais cliniques à l'Institut Jules Bordet. " Ces changements portent sur les gènes conducteurs et sur les variabilités du nombre de copies d'un gène dans respectivement 10% et 30% des échantillons." Grâce à Aurora, les scientifiques ont par ailleurs pu constituer ce qui représente aujourd'hui le plus grand ensemble de données de séquençage ARN (RNAseq) dans le CSM. " Les analyses des données RNAseq d'échantillons appariés primaires et métastatiques de mêmes premières patientes révèlent que, dans 36% des cas, le sous-type intrinsèque du cancer mammaire - au-delà de la classification par les récepteurs des hormones, triple négatif ou HER2+ - se modifie entre la maladie primaire et la maladie métastatique, généralement vers une forme plus agressive", poursuit Philippe Aftimos . "Cette deuxième observation peut avoir des implications thérapeutiques et mérite une évaluation plus approfondie." D'autres observations intéressantes ont été faites. " Nous avons également remarqué que les métastases ont exprimé moins de gènes liés au système immunitaire comparativement à la tumeur primaire et qu'elles présentaient une composition cellulaire immunitaire différente, pouvant engendrer un microenvironnement plus propice à leur développement", commente le Dr Aftinos. " L'analyse de la durée de survie des patientes avec la maladie révèle aussi que les personnes atteintes d'un cancer mammaire à récepteurs hormonaux positifs (HR+) et HER2- qui présentaient simultanément une charge tumorale mutationnelle élevée (TMB - tumour mutational burden) dans leurs tumeurs primaires, se caractérisaient d'une part par une survie globale plus courte et d'autre part par un délai de récidive moins long. Ce résultat montre que la TMB est un facteur indépendant de mauvais pronostic." Enfin, les chercheurs ont également constaté que plus de 50% des patientes présentaient des changements moléculaires pouvant être associés à des thérapies ciblées soit existantes sur le marché, soit en cours de développement avancé, ce qui montre l'utilité clinique potentielle du profilage moléculaire. Fruit d'un formidable effort logistique, s'inscrivant dans une vaste démarche collaborative à laquelle les patientes ont massivement contribué par leurs échantillons et leur temps, Aurora offre une opportunité sans précédent de produire des observations fiables, qui aideront à mieux comprendre l'évolution du CSM, cause n°1 de décès lié au cancer chez les femmes dans le monde. " Les connaissances que nous avons déjà acquises dans le cadre de ce programme constituent une précieuse ressource", assure Philippe Aftimos . "Elles feront l'objet d'une validation additionnelle pour l'ensemble de la cohorte. Et surtout, elles pourraient mener au développement de nouveaux médicaments ou de nouvelles stratégies thérapeutiques pour les patientes atteintes d'un CSM. Nous sommes déterminés à poursuivre nos efforts dans cette voie, afin de permettre à nos patientes de vivre plus longtemps et dans de meilleures conditions."