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En médecine générale et dans d'autres spécialités, après quelques années de suivi, les médecins ont une connaissance approfondie du patient. Celle-ci peut s'avérer cruciale chaque fois qu'il faut peser le pour et le contre d'une option thérapeutique.Quelques semaines après une intervention de chirurgie lourde en milieu académique, un patient doit être hospitalisé près de chez lui pour une vilaine plaie infectée à la jambe. Les médecins s'inquiètent de l'absence de bourgeonnement des bords de la plaie. Les rapports antérieurs mentionnent une artérite totalement asymptomatique en dépit d'activités physiques intenses. Une nouvelle imagerie montre des lésions proximales sévères impropres au stenting, avec une circulation distale encore correcte. Néanmoins, le chirurgien juge l'artérite en cause dans la torpeur de la plaie et estime une revascularisation indispensable, évoquant même un risque d'amputation. Pour des raisons techniques, un pontage en matériel synthétique s'impose. Le clinicien connaissant le patient depuis des années pense qu'avant un nouveau geste chirurgical, mieux vaudrait continuer à soigner la plaie, le temps de voir si elle ne va pas commencer à guérir. Aucune ischémie ne menace. Ici, le dialogue entre médecins serait bien utile. Mais chacun sait combien de bonnes et moins bonnes raisons freinent les possibilités des médecins traitants de peser sur les décisions hospitalières. L'intervention a lieu, se complique d'une septicémie à staphylocoque et le pontage doit être retiré au prix d'une 3ème intervention. Antibiotiques, victoire sur le staphylocoque et... guérison de la plaie. Ouf ! Facile à dire à posteriori, mais la suggestion d'attendre avait du sens.Autre histoire. Un patient suivi pour une affection évolutive présente des symptômes et des signes objectifs en faveur d'une intervention. Le chirurgien spécialiste de ce domaine pointu confirme et lance un bilan préopératoire, dont une angiographie. Elle est évidemment faite par des spécialistes découvrant le cas d'abord par le dossier. Tout se passe bien puis arrive une lettre de sortie qui renvoie l'intervention aux calendes. La lettre considère le patient asymptomatique. Petit hic, il existe des symptômes et ils appuient l'indication opératoire. Étonnement du patient qui contacte son médecin. Trois minutes de contact direct remettent les pendules à l'heure.Confrontés à telles situations, les patients perdent confiance dans notre capacité de dialoguer entre nous toutes spécialités confondues.Le défi : comment organiser des contacts directs entre des praticiens distants les uns des autres et tous très occupés ? Des initiatives très pragmatiques peuvent se prendre à tous les étages des soins de santé.Récemment, j'ai demandé par e-mail à un secrétariat de m'entretenir avec un chef de service d'un hôpital académique éloigné. Deux heures après il m'appelait au téléphone. Cela montre une grande disponibilité. Elle s'est avérée aussi grande avec les patients eux-mêmes qu'avec les confrères. Cela veut dire que le médecin individuel peut user des outils de communication modernes pour obtenir le bon vieux contact personnel.Certains médecins de salle demandent que lorsqu'un médecin traitant téléphone et qu'ils ne peuvent répondre, le numéro de l'appelant leur soit communiqué pour le joindre plus tard. Simple, non ? Mais je connais aussi des cas où les médecins de salles surchargés, proches du burn-out, font barrage à toute communication avec les médecins extérieurs. Qu'ils essaient l'expérience du contact direct et ils iront mieux !Ces petits moyens s'instaurent d'autant plus facilement que les responsables de service donnent l'exemple et favorisent ainsi une véritable culture de la communication directe dans toute l'équipe.Ils disposent des plus grands leviers pour mettre en exergue la communication comme une qualité de leur établissement, surtout s'ils ne cèdent pas à la tentation d'imposer de lourdes procédures.A ce niveau, rien à redire : de nombreux textes légaux, comme la loi sur les droits des patients, prônent une bonne communication entre professionnels au service des malades. Mais sans les actions évoquées ci-dessus, les bonnes intentions du législateur restent lettre morte. Au demeurant, de nombreux médecins n'ont pas attendus des lois pour être ouverts à la bonne communication entre eux.D'aucuns diront que ces belles idées risquent de transformer la pratique médicale en parlottes inutiles. Rien n'est plus faux. Dans toutes les activités complexes, la bonne décision va de pair avec des relations humaines faites toujours de contacts directs en sus des relations formelles basées sur des documents techniques. Les nouveaux outils de l'intelligence artificielle ne changent rien à cette réalité.De toute façon, un autre étage est appelé à se développer : celui des patients de plus en plus nombreux à vouloir stimuler le dialogue entre leurs médecins et s'informer de son contenu.Appui à ma thèse : au moment de conclure je découvre la phrase : " ... I ignored the importance of direct communication. "