"N ous avons vu ces innovations intégrées aux systèmes de santé, utilisées dans la pratique, sans hésitation, et la réglementation adaptée en un temps record. Nous avons également pu constater combien une vision collaborative et multidisciplinaire a permis de générer rapidement des innovations. Parmi elles, nous voudrions souligner celles-ci: l'utilisation étendue de la télémédecine, l'importance de la santé mobile, la polyvalence des institutions de santé dans l'utilisation des ressources, la flexibilité des professionnels", indiquent les auteurs du rapport, Eduard Portella, président d'Antares Consulting, et Marc Van Uytven, directeur, réalisé pour ING.

L'essor de la télémédecine

L'utilisation réelle de la télémédecine durant la pandémie varie fortement au sein des différents pays étudiés par les auteurs du rapport. "En raison du stress important que le Covid-19 a fait peser sur les institutions de santé, il était important de limiter l'utilisation des services d'hospitalisation par les patients non-Covid et les patients Covid les moins graves. De ce fait, les soins et l'assistance à domicile ont été fortement utilisés, notamment avec la mise en place de prestations de télémédecine en général et de téléconsultation en particulier. À titre d'exemple, en France, 601.000 téléconsultations ont eu lieu entre le 1er et le 28 mars 2020, contre 40.000 en février, une explosion en grande partie facilitée par l'assouplissement, le 10 mars, des règles à respecter pour une prise en charge par l'Assurance Maladie."

En Belgique, les autorités ont également rapidement pris les règles nécessaires à l'extension de la télémédecine, sous la pression du terrain. Entre les mois de mars et mai 2020, plus de deux millions d'affiliés des organismes assureurs ont participé à une téléconsultation.

Le recours à la m-santé

Selon Antares Consulting, la généralisation de l'utilisation des dispositifs mobiles par la population a fait de la santé mobile (m-santé) un protagoniste spécial durant la pandémie . "Les applications ont facilité l'autodiagnostic des personnes, ainsi que le suivi. En Belgique, on peut citer la start-up Bingli, fruit d'une collaboration public-privé à Anvers, qui a développé un questionnaire électronique pour le diagnostic du Covid-19, implémenté très rapidement." Faut-il rappeler que l'application Coronalert a déjà été téléchargée par plus de deux millions de Belges. Plus de 80.000 personnes ont reçu leurs résultats dans l'application.

Antares Consulting souligne aussi la polyvalence des ressources des institutions hospitalières. Ces dernières ont fait preuve d'imagination: utilisation de salles opératoires comme salles de soins intensifs, équipement des unités de soins "classiques" en unités de soins intensifs, etc. Des hôtels ont été médicalisés pour multiplier le nombre de lits et créer des ressources subaigües ou de convalescence . Ainsi, à Barcelone, le "Hospital Clínic", un des hôpitaux universitaires les plus importants d'Espagne, a médicalisé l'hôtel Catalonia Plaza qui a ainsi pu accueillir 500 patients. "Au total, près de 220 professionnels de l'hôpital y ont travaillé, dont des médecins, des infirmières, des pharmaciens et du personnel de soutien au nettoyage et à l'entretien. L'"Hôtel Santé" a pu effectuer différents types de tests de diagnostic (radiographies et tests analytiques), et a été doté d'une pharmacie et de sa propre installation d'oxygène pour les patients qui en avaient besoin."

Flexibilité

Selon les rapporteurs, le besoin de développer rapidement la prise en charge hospitalière des patients Covid a provoqué trois phénomènes importants pour les professionnels: la nécessité de compter avec les professionnels médicaux et de nursing pour absorber l'important volume d'activité Covid ; la contamination des professionnels et le déplacement ou l'annulation des actes médicaux "non Covid". "Nous avons vu dans plusieurs pays comment des médecins ayant une spécialisation non liée au Covid ont travaillé en première ligne avec des patients Covid ou comme support des spécialistes, démontrant la flexibilité des professionnels dans leurs rôles et responsabilités."

Antares Consutling souligne qu'en Allemagne, le gouvernement a promis des primes financières aux hôpitaux qui ont pu augmenter et maintenir des lits de soins intensifs. Un site internet a été créé pour permettre aux hôpitaux de mettre à jour quotidiennement leur capacité disponible de soins intensifs avec assistance respiratoire.

Au Royaume Uni, le General Medical Council a envoyé une communication à tous ses associés avec le message suivant: "Une épidémie importante obligera les professionnels de la santé à faire preuve de souplesse dans leurs activités. Cela peut impliquer de travailler dans des circonstances ou des environnements inconnus, ou de travailler dans des domaines cliniques en dehors de leur pratique habituelle pour le bénéfice des patients et de la population dans son ensemble... Une approche rationnelle de la pratique en cas d'urgence fait partie de cette réponse professionnelle..."

Revoir la logique de financement

" L'innovation est à la fois une source de valeur supplémentaire et un moyen de maîtriser les coûts", soulignent Eduard Portella et Marc Van Uytven dans la conclusion du rapport. " L'absence de lien entre la valeur créée par un investissement et son financement représente toujours un obstacle majeur dans un système fondé sur les prestations de soins et non sur les résultats. Il apparaît non seulement crucial de considérer les bénéfices apportés par l'innovation dans le calcul du financement, mais également de modifier la logique-même du modèle de financement. L'idée n'est pas d'augmenter le financement actuel, ni de modifier simplement le mode de facturation ou la valorisation des actes, ou encore d'actualiser la nomenclature. L'objectif est d'installer un mode de financement qui transfère le risque aux prestataires et qui les évalue sur leurs résultats et non sur leur respect des normes."

1. Antares Consulting. Health Prospecting 2020. Comment mieux intégrer l'innovation dans le système de santé belge? Bruxelles, ING Belgique, 2020

15 recommandations

Le rapport Antares Consulting- ING présente 15 recommandations qui permettraient de transformer le système de santé belge en un système innovant et créateur de valeur. Elles s'appliquent aux niveaux macro, méso et micro. Elles s'appuient sur des recherches scientifiques récentes, ainsi que sur l'avis des leaders d'opinion interrogés.

Niveau macro

1. Financer les structures de santé en fonction de la valeur ajoutée apportée

2. Encourager les recherches sur la mesure de la valeur

3. Renforcer le cadre politique et réglementaire: objectifs clairs et concertation trans-sectorielle

4. Favoriser la transparence en permettant l'utilisation des données

5. Mettre en oeuvre des mécanismes d'achats innovants

Niveau méso

1. Faire évoluer la mission des hôpitaux

2. Encourager une culture de l'innovation

3. Financer l'innovation par les gains qu'elle génère

4. Encourager la "fertilisation croisée" et faciliter la co-création

5. Maximiser la valeur apportée aux patients et optimiser leur expérience

Niveau micro

1. Incorporer les résultats et la valeur apportée aux modèles de rémunération des professionnels

2. S'appuyer sur l'expérience patient pour construire l'innovation

3. Introduire de nouveaux profils professionnels dans les hôpitaux

4. Développer une culture de l'innovation chez les professionnels

5. Impliquer les professionnels dans la détermination des actes créateurs de valeur

"N ous avons vu ces innovations intégrées aux systèmes de santé, utilisées dans la pratique, sans hésitation, et la réglementation adaptée en un temps record. Nous avons également pu constater combien une vision collaborative et multidisciplinaire a permis de générer rapidement des innovations. Parmi elles, nous voudrions souligner celles-ci: l'utilisation étendue de la télémédecine, l'importance de la santé mobile, la polyvalence des institutions de santé dans l'utilisation des ressources, la flexibilité des professionnels", indiquent les auteurs du rapport, Eduard Portella, président d'Antares Consulting, et Marc Van Uytven, directeur, réalisé pour ING.L'utilisation réelle de la télémédecine durant la pandémie varie fortement au sein des différents pays étudiés par les auteurs du rapport. "En raison du stress important que le Covid-19 a fait peser sur les institutions de santé, il était important de limiter l'utilisation des services d'hospitalisation par les patients non-Covid et les patients Covid les moins graves. De ce fait, les soins et l'assistance à domicile ont été fortement utilisés, notamment avec la mise en place de prestations de télémédecine en général et de téléconsultation en particulier. À titre d'exemple, en France, 601.000 téléconsultations ont eu lieu entre le 1er et le 28 mars 2020, contre 40.000 en février, une explosion en grande partie facilitée par l'assouplissement, le 10 mars, des règles à respecter pour une prise en charge par l'Assurance Maladie."En Belgique, les autorités ont également rapidement pris les règles nécessaires à l'extension de la télémédecine, sous la pression du terrain. Entre les mois de mars et mai 2020, plus de deux millions d'affiliés des organismes assureurs ont participé à une téléconsultation. Selon Antares Consulting, la généralisation de l'utilisation des dispositifs mobiles par la population a fait de la santé mobile (m-santé) un protagoniste spécial durant la pandémie . "Les applications ont facilité l'autodiagnostic des personnes, ainsi que le suivi. En Belgique, on peut citer la start-up Bingli, fruit d'une collaboration public-privé à Anvers, qui a développé un questionnaire électronique pour le diagnostic du Covid-19, implémenté très rapidement." Faut-il rappeler que l'application Coronalert a déjà été téléchargée par plus de deux millions de Belges. Plus de 80.000 personnes ont reçu leurs résultats dans l'application. Antares Consulting souligne aussi la polyvalence des ressources des institutions hospitalières. Ces dernières ont fait preuve d'imagination: utilisation de salles opératoires comme salles de soins intensifs, équipement des unités de soins "classiques" en unités de soins intensifs, etc. Des hôtels ont été médicalisés pour multiplier le nombre de lits et créer des ressources subaigües ou de convalescence . Ainsi, à Barcelone, le "Hospital Clínic", un des hôpitaux universitaires les plus importants d'Espagne, a médicalisé l'hôtel Catalonia Plaza qui a ainsi pu accueillir 500 patients. "Au total, près de 220 professionnels de l'hôpital y ont travaillé, dont des médecins, des infirmières, des pharmaciens et du personnel de soutien au nettoyage et à l'entretien. L'"Hôtel Santé" a pu effectuer différents types de tests de diagnostic (radiographies et tests analytiques), et a été doté d'une pharmacie et de sa propre installation d'oxygène pour les patients qui en avaient besoin."Selon les rapporteurs, le besoin de développer rapidement la prise en charge hospitalière des patients Covid a provoqué trois phénomènes importants pour les professionnels: la nécessité de compter avec les professionnels médicaux et de nursing pour absorber l'important volume d'activité Covid ; la contamination des professionnels et le déplacement ou l'annulation des actes médicaux "non Covid". "Nous avons vu dans plusieurs pays comment des médecins ayant une spécialisation non liée au Covid ont travaillé en première ligne avec des patients Covid ou comme support des spécialistes, démontrant la flexibilité des professionnels dans leurs rôles et responsabilités."Antares Consutling souligne qu'en Allemagne, le gouvernement a promis des primes financières aux hôpitaux qui ont pu augmenter et maintenir des lits de soins intensifs. Un site internet a été créé pour permettre aux hôpitaux de mettre à jour quotidiennement leur capacité disponible de soins intensifs avec assistance respiratoire. Au Royaume Uni, le General Medical Council a envoyé une communication à tous ses associés avec le message suivant: "Une épidémie importante obligera les professionnels de la santé à faire preuve de souplesse dans leurs activités. Cela peut impliquer de travailler dans des circonstances ou des environnements inconnus, ou de travailler dans des domaines cliniques en dehors de leur pratique habituelle pour le bénéfice des patients et de la population dans son ensemble... Une approche rationnelle de la pratique en cas d'urgence fait partie de cette réponse professionnelle..." " L'innovation est à la fois une source de valeur supplémentaire et un moyen de maîtriser les coûts", soulignent Eduard Portella et Marc Van Uytven dans la conclusion du rapport. " L'absence de lien entre la valeur créée par un investissement et son financement représente toujours un obstacle majeur dans un système fondé sur les prestations de soins et non sur les résultats. Il apparaît non seulement crucial de considérer les bénéfices apportés par l'innovation dans le calcul du financement, mais également de modifier la logique-même du modèle de financement. L'idée n'est pas d'augmenter le financement actuel, ni de modifier simplement le mode de facturation ou la valorisation des actes, ou encore d'actualiser la nomenclature. L'objectif est d'installer un mode de financement qui transfère le risque aux prestataires et qui les évalue sur leurs résultats et non sur leur respect des normes."