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En 2014, 8,5% de la population mondiale adulte (18 ans et plus) étaiten diabétiques. En 2015, le diabète a été la cause directe de 1,6 million de décès et l'OMS prévoit qu'en 2030, le diabète sera la 7e cause de décès dans le monde. Pour le Pr Thissen, " 90 % des cas sont des diabètes de type 2 (D2) avec probablement l'obésité comme étiologie principale et plus largement le style de vie. Ceci n'exclut pas que d'autres facteurs entrent en ligne de compte comme les perturbateurs endocriniens ou le microbiote". Cette " épidémie " a-t-elle changé la patientèle?" Dans les années 2000, je voyais à ma consultation de nombreux patients obèses non diabétiques, aujourd'hui de plus en plus de patients arrivent déjà avec un prédiabète ou un diabète franc. Ce qui frappe aussi, c'est l'âge d'apparition. Le D2 n'est plus une maladie du sujet d'âge mûr. Le diagnostic de diabète est posé chez des sujets de plus en plus jeunes, surtout quand il y a des antécédents familiaux. On hérite en fait d'une susceptibilité pour le diabète, comme pour l'obésité, du fait qu'il s'agit de maladies polygéniques, où de nombreux gènes contribuent à augmenter le risque. Dans ce contexte, il faut se garder de faire du D2 une maladie du sujet âgé et du D1 une maladie du sujet jeune"."Fondamentalement, rien n'a changé", explique le Pr Thissen, "hormis le fait qu'on accepte maintenant un diagnostic de pré-diabète ou de diabète sur base de l'HbA1c alors qu'avant seule la glycémie comptait. Une HbA1c entre 5,7 % et 6,4 %, correspond à un pré-diabète, une HbA1c ? 6,5 % correspond à un diabète sucré. Les seuils pour la glycémie n'ont pas changé avec une glycémie normale à jeun< 100 mg/dL, anormale entre 100 et 125 et signant un diabète si> 126 mg /dL. Le triangle est réservé à des cas douteux (T0 + 120 min) ou lorsqu'on recherche des hypoglycémies réactionnelles (temps tardifs) ". L'HbA1c est-elle fiable à 100 % ? Pour le Pr Thissen, " elle a quelques limites. La première tient au fait que la corrélation entre la glycémie moyenne et le taux d'HbA1c peut varier d'un individu à l'autre, peut-être en raison d'un variant génétique impliqué dans la glycation. La deuxième est l'insuffisance rénale (ou hépatique) et les anémies en général qui lui font perdre une partie de sa valeur. La troisième limite vient des hémoglobinopathies génétiques qui font que l'Hb se glycate plus ou moins bien. Mais l'HbA1c reste malgré tout un très bon outil de diagnostic et de suivi du traitement".La metformine est le premier choix sauf c/i rénales ou hépatiques, apnées du sommeil ou hypoxémie grave. " Mais ", pour le Pr Thissen, " le diabète est une maladie évolutive et au fil du temps, un 2ème anti-diabétique oral s'imposera ". Lequel ? " Le choix s'opère entre les sulfonylurées (SU), les inhibiteurs de DPP4 (iDPP4 ou gliptines), les agonistes du GLP-1 ou les inhibiteurs du SGLT2 (iSGLT2 ou gliflozines). Les SU ont pour elles leur coût faible mais contre elles, le risque d'hypoglycémies, de prise de poids et une certaine inquiétude, controversée, quant au risque cardiovasculaire en tous les cas pour les plus anciennes. Pour ces raisons, on se tourne vers les glipitines que l'on peut prescrire en 2ème ligne ou même en 1ère ligne en association avec la metformine si l'HbA1c est> 7%. Pour les gliptines, nous avons un recul de 10 ans qui est rassurant, sans risque d'hypoglycémies, de prise de poids, quasiment sans effets secondaires et avec très peu de c/i en terme d'âge ou de fonction rénale". Est-on plus fort à 2 ? Pour le Pr Thissen, " tout est fonction du contexte. Nous connaissons la puissance des anti-diabétiques oraux. Face à un patient avec une HbA1c à 11%, la metformine seule ne permettra probablement pas d'atteindre l'objectif de 7 %. Il faut donc parfois d'emblée utiliser une bithérapie. Quant aux agonistes du GLP-1, ils s'utilisent en 3ème ligne en association avec la metformine et une SU'".Les gliflozines (empagliflozine, canagliflozine, dapagliflozine) offrent une absence d'hypoglycémies, une perte de poids, une amélioration de la TA, un effet bénéfique cardiovasculaire et rénal, au prix d'effets secondaires gérables (infections génitales chez la femme) et une c/i en cas d'insuffisance rénale. Faut-il raisonner en terme de risque cardiovasculaire pour orienter le choix ? Pour le Pr Thissen, cela se discute au cas par cas, sachant que dans la majorité des situations, les gliflozines et les gliptines seront souvent équivalentes en terme de puissance hypoglycémiante. Mais chez une patiente âgée avec des antécédents de vaginite, une insuffisance rénale, sans insuffisance cardiaque et avec un faible risque cardiovasculaire, les gliptines seront probablement un premier choix. Par contre chez un patient hypertendu, obèse, fumeur, à haut risque cardiovasculaire, avec une fonction rénale normale, les gliflozines seront un bon choix. " Quant à l'insuline, elle reste la mal aimée du patient et du généraliste ", constate le Pr Thissen, " alors que c'est un bon médicament, efficace, maniable et qui va très vite réduire la glucotoxicité ".Faut-il encourager la chirurgie bariatrique ? Pour le Pr Thissen, " le D2 est une belle indication avec à la clé un espoir de guérison parfois totale car on sait que la perte de poids est le meilleur traitement du D2. La réserve serait de dire que le bénéfice sera faible chez des patients sous insuline depuis 20 ans, à l'inverse de ce qu'on pourra observer dans une maladie peu évoluée ". Faut-il encourager la télémédicine et les applications sur smartphone ou i-Phone ? " C'est certainement promis à un bel avenir mais il faudra motiver nos autorités. Trois aspects sont à considérer : les coûts, la responsabilité et la confidentialité ". Les patients sont-ils demandeurs ? " Aujourd'hui la demande est faible mais nous devons nous y préparer ". A l'issue de cet entretien, quels seraient vos messages ? " Je dirais : 1/ il est plus facile de prévenir que de guérir le D2, 2/ la perte de poids est le meilleur traitement du D2 débutant, 3/ quand vous pensez diabète, pensez aussi aux autres facteurs de risque cardiovasculaire, comme la tension artérielle, la dyslipidémie, le tabagisme etc. "