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Les maladies non transmissibles (MNT) comme les maladies cardiovasculaires, AVC, cancers, BPCO ont en commun des facteurs de risque comportementaux et des facteurs contributifs physiopathologiques (stress oxydatif, inflammation, activité sympathique). " Nous proposons l'hypothèse du nerf vague et un nouveau paradigme pour prédire, comprendre, prévenir et éventuellement traiter ces maladies en se basant sur la neuro-immunologie", a expliqué Yori Gidron, professeur de psychologie médicale (Université de Haïfa, Israël), lors des Journées d'enseignement postuniversitaire de l'AMUB qui se sont tenues en décembre dernier .(1) L'activité du nerf vague est évaluée par la mesure de la variabilité de la fréquence cardiaque (VFC ou HRV, Hearth Rate Variability). Elle est corrélée à l'activité parasympathique et se mesure par l'index SDNN (moyenne des écarts-types des intervalles R-R successifs, en milliseconde). " Est-ce que le nerf vague peut prévenir les maladies? Est-il corrélé avec les facteurs de style de vie? Peut-il intervenir dans la biologie de la maladie? La réponse est oui", indique-t-il. Sur le plan épidémiologique, une activité vagale élevée permet de prédire une réduction du risque de MNT: le HRV est inversement associé à la résistance à l'insuline et au taux d'HbA1C, au syndrome métabolique et aux complications du BPCO. Cet index permet de prédire la survie dans le cancer(2) et le risque post-infarctus: une méta-analyse a montré que les patients souffrant d'un IM et qui ont une réponse vagale basse (SDNN<70 msec) ont un risque de mortalité approximativement quatre fois plus élevé que ceux avec un HRV élevé (SDNN>70 msec). L'activité vagale est positivement corrélée avec le cortex préfrontal qui nous aide à prendre des décisions et qui règle les émotions. " La relation entre HRV et comportements à risque est bidirectionnelle: plus l'alimentation est de type méditerranéen, plus le HRV est élevé, mais cet index est inversement lié à l'obésité et au tabagisme. Chez l'homme, le bio feed-back HRV (en respirant en rythme) augmente l'activité du nerf vague, ce qui permet de réguler les facteurs de risque comportementaux (les obèses mangent moins, par exemple)." Biologiquement, le nerf vague inhibe le stress oxydatif, l'inflammation et l'activité sympathique, c'est ainsi qu'il est associé à la pathophysiologie des MNT. Il s'agit par exemple des trois principaux déclencheurs de l'apparition du cancer et des prédicteurs de son pronostic: " Les patients souffrant d'un cancer du foie et qui ont beaucoup de stress oxydatif et de dommages à l'ADN, meurent plus vite que les autres groupes ; des études ont montré que l'inflammation est liée à la tumorigenèse et aux métastases ; enfin, la migration des cellules cancéreuses est sous le contrôle sympathique", précise-t-il. " Il existe des preuves préliminaires des effets bénéfiques de l'activation du nerf vague dans le diabète, les AVC, l'infarctus du myocarde et peut-être le cancer. Nous proposons donc de mettre en place une mesure systématique du HRV pour prédire le risque de ces maladies chroniques et de tester, dans des essais contrôlés randomisés, les effets de l'activation non invasive du nerf vague sur la prévention et le traitement de ces affections", souligne le chercheur. Yori Gidron et ses collègues ont donc développé un modèle de neuromodulation vagale intégrant les trois voies: épidémiologique (l'HRV prédit les MNT et leur pronostic), biologique (le nerf vague inhibe les trois principaux facteurs biologiques de MNT), et comportementale (le NV peut inhiber les facteurs de risque comportementaux de MNT). (3) En pratique, l'activité du nerf vague peut être facilement mesurée grâce à un oxymètre connecté à une application sur smartphone qui renseigne sur l'HRV. " Une étude japonaise sur des chiens chez qui on induit un infarctus montre que si on active le nerf vague immédiatement après l'infarctus, on réduit la taille des dégâts dans le ventricule gauche de 80%, et de 60% si on attend une heure et demie", apprend Yori Gidron. De son côté, il collabore avec différentes équipes, notamment françaises et belges, pour étudier les effets de l'autoactivation du nerf vague sur la santé. " On peut augmenter notre réponse vagale grâce à la respiration vagale (bio feed-back): on apprend aux gens à inspirer, retenir leur respiration et puis expirer. En France, nous avons mené une étude pilote d'intervention sur un petit échantillon (50 patients), avec un groupe expérimental (3x20 min de respiration vagale/j, pendant une semaine) et un groupe contrôle (trois fois par jour de sensibilisation au stress par la réception d'un sms 'soyez calme'). Résultats: on a observé une forte réduction du stress perçu et des symptômes physiques dans le groupe intervention. (Menuet, Giangreco & Gidron, à paraître)". Avec Marijke De Couck et Jo Nijs (VUB), il a publié une étude qui montre l'intérêt de l'activation du nerf vague dans la gestion de la douleur, parce que ce nerf inhibe l'inflammation, l'activité sympathique et le stress oxydatif, et aussi parce qu'il active les régions du cerveau qui peuvent s'opposer à la 'matrice de la douleur' et parce qu'il pourrait influencer les effets analgésiques des opioïdes.(4) Il s'agit donc aujourd'hui de documenter les effets potentiels de la neuromodulation sur la santé. C'est pourquoi Yori Gidron planifie d'autres études chez des patients ayant fait un infarctus, un AVC ou ayant un cancer pour tester l'efficacité de l'activation non invasive du nerf vague.