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Les auditions du rapport d'information sur les violences obstétricales débutées en octobre 2021 ont pour finalité de mettre en lumière les causes et les origines des violences obstétricales et d'identifier les meilleurs leviers pour permettre la réduction de ces traumatismes et leur impacts. C'est dans ce contexte que Véronique Durenne s'est rendue au CHU de Liège, afin de mieux comprendre les difficultés rencontrées et les solutions mises en place par le personnel soignant: " Le CHU a réalisé un beau projet", fait-elle remarquer. "Le service a mis en place des consultations postpartum pour débriefer de l'accouchement. Nous avons suivi également un exposé sur les formations des stagiaires, organisées sous forme de jeux de rôles, avec les gestes à adopter, ceux à ne pas faire, et les paroles à dire et à ne pas dire, qui ont également leur importance.Enfin, le CHU a également mis en oeuvre une charte de bientraitance obstétricale qui est affichée dans les couloirs", ajoute la sénatrice ."Jusqu'à présent, nous avons auditionné sur l'aspect formation, au niveau des futurs gynécologues, et nous allons voir maintenant l'aspect juridique. Nous demanderons par la suite une contribution écrite au niveau international, afin de réaliser une comparaison avec la France et d'autres pays limitrophes", conclut-elle. Le DrXavier Capelle, obstétricien en chef au service de gynécologie, auditionné au Sénat confirme que le CHU de Liège est sensibilisé aux violences obstétricales . "Et ce depuis longtemps", précise-t-il , "et spécialement depuis 2017, depuis que le problème a commencé à faire du bruit en France." Le gynécologue en chef souhaite apporter un regard différent de celui construit par le discours militant et médiatique sans remettre en cause la réalité ni les souffrances vécues par les patientes. "Le discours militant manque de nuance, accentue la polarisation et renforce les conflits entre les différents protagonistes", soutient-il. " Il y a une crispation entre les soignants et les soignées, et j'aimerais amener quelque chose qui permettrait de décrisper la situation." Et plutôt que de pointer du doigt la seule responsabilité médicale, il tient à aborder le problème du point de vue de la patiente et de son vécu traumatique, en considérant la maternité comme une expérience singulière. "Nous prenons au pied de la lettre le discours des patientes, leurs souffrances et nous en tenant compte grâce aux débriefings et aux témoignages", explique-t-il . "Et les situations mal vécues nous apprennent énormément."Par ailleurs, il faut considérer la particularité de la profession, ajoute le chef de service de gynécologie. " En situation routinière nos gestes nous paraissent banals mais sont pourtant une effraction de l'intime et peuvent être ressentis de manière traumatique, selon les éléments biographiques pas forcément connus et selon la manière dont nous les amenons", détaille-t-il . "En cas d'urgence obstétricale, les actes posés sont nécessairement violents. Nous sommes immunisés à ceux-ci en tant que pratiquant car il existe chez les soignants des mécanismes de protection et de détachement qui permettent d'être efficace et opérationnel", ajoute le médecin ."Nous voulons considérer le terme de violences obstétricales, comme un ensemble de situations dont le point commun est un vécu traumatique dans le cadre d'une prise en charge professionnelle de la grossesse et de l'accouchement. Plusieurs mécanismes ou situations peuvent amener à une situation de vécu traumatique, mais il faut pouvoir restituer dans la complexité spécifique du "devenir mère". Le discours militant contre les violences obstétricales pointe du doigt le machisme et le paternalisme comme les raisons principales des traumatismes dont certaines femmes sont victimes lors de leur accouchement. Or ce discours dénie la violence intrinsèque et les traumatismes inhérents liés aux processus organiques et psychiques de l'accouchement et de la maternité. Il ampute le débat d'une partie de sa complexité en renvoyant dos à dos soignants et soignés par leurs blessures réciproques. Sans disculper certains comportement médicaux, il nous a paru opportun de considérer la problématique du traumatisme obstétrical dans un contexte plus large", explique-t-il. Pour le Dr Capelle, l'identification de la problématique n'est pas correctement posée. "Il s'agit d'une grille de lecture qui ne prend pas en compte toutes les causes qui sont à l'origine des problèmes de traumatismes obstétricaux ou gynécologiques. Cela ne se réduit pas uniquement au problème de genre, et cela est à prendre en considération aussi dans la complexité du devenir mère avec tout ce que cela entraîne comme bouleversements psychique, somatique, biologique et tout cela est très complexe et délicat", précise-t-il . Même s'il est nullement question de remettre en cause le traumatisme des femmes victimes de violences obstétricales et que bien entendu les comportements et les paroles inappropriés issus de modèle patriarcal et autoritaire sont à bannir, insiste le chef de service. Par ailleurs, il rappelle que les causes psychiatriques dans les pays occidentaux sont la première cause de mortalité maternelle. "Depuis que l'OMS a défini la mortalité maternelle comme étant la mortalité pendant la grossesse, l'accouchement et jusqu'à un an après la naissance, on a un peu élargi et on a fait passer les causes psychiatriques dans les pays occidentaux comme la première cause de mortalité maternelle à cause des suicides, principalement. C'est donc un indicateur qui nous montre à quel point nous sommes dans un terrain sensible", conclut le Dr Capelle.