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Le caisson hyperbare permet d'exposer un patient à une pression supérieure à la pression atmosphérique, ce qui permet principalement d'accroître l'oxygénation des tissus. Un médicament, le plus souvent un gaz thérapeutique comme l'oxygène médical ou un mélange de gaz médicinaux (héliox, nitrox...), peut être administré via un masque à oxygène. Utilisé pour traiter les intoxications aux oxycarbonées comme le monoxyde de carbone (CO) provoquant des troubles neurologiques, le caisson est aussi employé en situation d'urgence pour des accidents de plongée sous-marine, des embolies gazeuses ou un syndrome d'écrasement. Mais le grand public ignore généralement qu'on peut l'employer pour l'aide à la cicatrisation des plaies difficiles, contre des lésions tissulaires après une radiothérapie ou lors d'infections de l'os. C'est à une nouvelle application que le Pr Jean-Eric Blatteau, chef du service de médecine hyperbare à l'hôpital Sainte-Anne de Toulon, a songé: "Le virus du Covid-19 atteint généralement les poumons et génère une dette majeure en oxygène dans l'organisme qui rend les malades dépendants d'un moyen d'oxygénation. Or, un des moyens les plus puissants pour oxygéner l'organisme est le caisson hyperbare". Les patients de son essai, tous volontaires, sont équipés d'une cagoule étanche pendant 75 minutes. Proposer un traitement par oxygénothérapie hyperbare aux patients atteints de pneumonie à cause du coronavirus pourrait peut-être améliorer leur état. Des essais cliniques similaires sont menés notamment en Russie ou aux États-Unis. Les cagoules à oxygène peuvent s'adapter à la morphologie des patients et sont réutilisables après désinfection. Mais les caissons hyperbares étant par définition un endroit très confiné, se pose la question de la transmission du virus entre les patients et les soignants. "La cagoule étant étanche à 100%, il n'y a aucun risque de contamination entre le patient, les autres patients et le personnel soignant", expliquent les concepteurs de la cagoule. Le Pr Jean-Eric Blatteau, qui est président sortant de la Société de physiologie et de médecine subaquatiques et hyperbares de langue française (MEDSUBHYP) et vice-président de l'European Underwater Baromedical Society, décrit le principe d'une séance au caisson: "Le patient rentre dans le caisson hyperbare, s'assoit dans un fauteuil et il respire de l'oxygène pur pendant 75 minutes à une pression de deux atmosphères, équivalent à la pression d'une plongée à dix mètres de profondeur. La cagoule permet une arrivée plus ou moins importante d'oxygène d'un côté et l'expiration grâce à un tuyau qui évacue le CO2 à l'extérieur du caisson".L'objectif est d'éviter que les patients doivent être admis en réanimation. "En les oxygénant très fortement avant qu'il y ait des complications, on espère qu'il y ait moins de risque de dégradation respiratoire, qui nécessiterait un passage en réanimation. On agit en prévention", explique le scientifique. L'équipe entend enrôler 50 patients avant de publier des résultats, mais selon des données préliminaires, un patient passé par le caisson hyperbare aurait besoin de "trois à cinq jours d'hospitalisation, tandis qu'une personne seulement soumise au traitement habituel aura une durée d'hospitalisation de sept à huit jours".Un espoir réaliste? Pour le Dr Sara Verscheure, anesthésiste et intensiviste au groupe CHC à Liège, qui a traité de nombreux patients atteints par le Covid-19, cela peut constituer une piste digne d'intérêt, mais d'emblée limitée par le nombre de caissons hyperbares disponibles. "Les patients Covid sont des 'hypoxiques heureux', ils manquent d'oxygène, mais tolèrent leur hypoxie jusqu'à un degré important avant de manifester des symptômes de fatigue. Quand le mal s'aggrave, aux soins intensifs, nous pouvons utiliser les lunettes à oxygène, qui nous permettent de délivrer jusqu'à 90 litres d'oxygène dans les fosses nasales, afin d'obtenir une fraction inspirée en oxygène proche de 100%. L'étape suivante, c'est l'utilisation des respirateurs de dernière génération, qui permettent de rencontrer quasi tous les besoins. Au-delà, si le besoin s'en fait ressentir et s'il n'y a pas de contre-indications, on oriente notre patient plutôt vers un centre réalisant de l'ECMO "extracorporeal membrane oxygenation"." Pour l'intensiviste expérimentée, "utiliser un caisson exige du personnel spécialisé et rompu à l'emploi de cette technologie". Si l'essai mené auprès de 50 patients à Toulon est concluant, "un problème de logistique sera clairement l'obstacle à son emploi plus large". Une quinzaine de centres hyperbares existent en France, une dizaine en Belgique. "Cette technique me semble donc complexe et coûteuse en ressources humaines pour un résultat qui n'est pas encore prouvé. Il existe par contre des masques de provenance italienne, des sortes de scaphandres légers, qui montrent une excellente efficacité et qui sont bien tolérés. Mais ce type de masque n'a pas montré une supériorité par rapport aux dispositifs classique que nous utilisons en Europe", souligne le Dr Sara Verscheure, qui insiste sur le fait que fournir de l'oxygène n'aboutit qu'à soulager un des symptômes de la maladie, tandis qu'il existe actuellement peu de solutions thérapeutiques. "Sur base des données provenant de la littérature, seuls les corticoïdes et les bloqueurs de l'interleukine-6 ont montré une diminution du recours à une ventilation dite invasive, c'est-à-dire tube dans la trachée plus ventilateur. Car les cas les plus sévères de Covid-19 montrent une hyper inflammation qui peut aboutir à des fibroses des poumons. Lors des 1ère et 2e vagues, de nombreux essais ont été lancés avec une série de médicaments, mais seuls les régulateurs de l'inflammation ont finalement donné de bons résultats", conclut la spécialiste du CHC.