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L'exposition de Bilbao se concentre sur la période 1948-1958, car un an plus tard l'artiste signe le manifeste néo-concret et se lance dans la sculpture géométrique, abstraite et organique puisque ses oeuvres en trois dimensions entrent alors en interaction avec le public, à qui il est demandé de les manipuler, pour qu'elles fonctionnent réellement. Trois salles forment un triptyque intéressant où l'artiste passe rapidement de natures mortes aux fusains, portraits et peintures figuratives. Déjà portée vers l'architecture lorsqu'elle décrit des escaliers, son épiphanie artistique a lieu dans sa rencontre au travers d'Isaac Dobrinsky, de Fernand Léger et de son oeuvre : O violoncelista et son influence marquée au niveau des couleurs et de l'architecture de la toile, atteste de ce choc pictural. Ses compositions, souvent sans titres, sous forme de travaux préparatoires à la gouache, au crayon ou de toiles, ont des allures de paysages architectoniques. Son art se fait vibrant et ses Escada (escaliers) aux couleurs lumineuses ressemblent à des vitraux... peints et acquièrent une dimension supplémentaire. La deuxième salle se concentre sur l'abstraction géométrique des années 1953 à 1956, époque où Lygia Clark rejoint le Grupo Frente en opposition à l'art figuratif : sa composicao de 53, influencée par De Stijl évoque une version tropicale de Mondrian ; tandis que Discoberta da linha orgânica, un an plus tard semble imiter le suprématisme de Malevitch. Voyageant de manière récurrente entre le Brésil et l'Europe, la plasticienne intègre toutes ses influences et finit par renoncer à la toile pour peindre sur bois et avec des peintures industrielles. Son but ? Faire de la peinture un objet et tenter comme Fernand Léger d'unir celle-ci à l'architecture, de l'y intégrer : ce que montre les trois maquettes de projets architecturaux jamais réalisés, mais qui lorgnent sur le modernisme de Le Corbusier dans la facture, associé à la peinture murale que Léger produit pour celui qui fut longtemps son ami. Pareillement, elle intègre l'architecture à sa peinture, toujours géométrique, en jouant de la perspective des couleurs et de leur association. Bien sûr, elle n'est pas la seule au monde à suivre cette voie : l'on pense à Gaston Bertrand et, parfois, dans son agencement de morceaux de bois géométriques peints, à un Mondrian encore, en trois dimensions... ou du moins en puzzle. Son art de triangles surtout et d'autres formes géométriques s'épure de plus en plus vers 1957-1958, tendant soit à des monochromes noirs surlignés de blanc, ou d'abord d'avions triangles isocèles, décrits comme positifs lorsqu'ils sont blancs et négatifs lorsqu'ils sont opaques. Des oeuvres montrées à la Biennale de Venise en 1968 qui font l'objet de travaux préparatoires, parfois sous formes de collages. Ses Planos em superficie modulado procèdent également du jeu de perspective, de compositions et de couleurs blanche, grise et noire. Les monochromes, deux carrés peints séparément, finissent par s'emboîter pour déboucher sur une oeuvre finale : un losange parfait, qui peint en noir sur trois de ses quatre triangles qui le constituent, se drape de blanc sur le quatrième pour sortir du reste de la surface et prendre du relief. D'artiste peintre, cette femme devient alors... " sculpturale ".