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Les chercheurs ont examiné le statut vitaminique D de 186 patients atteints d'une infection sévère à Covid-19, qu'ils ont comparés à une importante population contrôle pré-pandémique similaire en termes de distribution des âges et dont les taux de vitamine D avaient été mesurés à la même période de l'année. Les résultats sont éloquents : les patients covid-19 présentaient des taux médians sensiblement plus faibles de 25(OH)-vitamine D (18,6 ng/mL versus 21,5 ng/mL ; P = 0,0016) et une prévalence fortement accrue de carences en vitamine D, définies par un taux de 25(OH)D < 20 ng/mL (58,6 % versus 45,2 %, P = 0,0005). Ce phénomène s'accompagnait en outre d'une différence tout à fait frappante entre les sexes, puisque le risque de carence en vitamine D ne semblait présent que chez les hommes (voir cadre). En outre, les investigateurs ont pu coupler la gravité de la déficience au stade de la maladie, évalué par le biais de CT-scans pulmonaires détaillés. Ces observations sont confirmées par un certain nombre d'autres données, à commencer par celles de cinq autres études qui sont parvenues aux mêmes conclusions. Une analyse de grands ensembles de données a également constaté que l'infection à Covid-19 est plus sévère aux hautes latitudes, là où l'exposition à la lumière du soleil est plus limitée et où les carences en vitamine D sont plus fréquentes. La pandémie frappe d'ailleurs particulièrement durement des pays ou régions où la prévalence des carences en vitamine D est élevée, comme l'Espagne, l'Italie, (le pourtour méditerranéen de) la France... et la Belgique. Aux États-Unis, on observe en outre davantage de cas graves dans la population afro-américaine, dont la peau sombre produit moins de vitamine D. " À l'AZ Delta, nous disposons d'une base de données des taux de vitamine D de quelque 16.000 patients hospitalisés pour des raisons diverses au cours de l'année 2019 ", expliquent Geert Martens et Dieter De Smet. " Elle révèle des différences en fonction des saisons (avec une amélioration des valeurs en été), mais aussi en fonction du sexe (les hommes sont plus souvent carencés). Nos chiffres révèlent toutefois aussi que le statut vitaminique D est meilleur chez les 18 ans ou moins que chez leurs aînés. Un constat intéressant, sachant que le Covid-19 est aussi sensiblement moins fréquent chez les enfants et adolescents. " Comment expliquer cet effet protecteur potentiel de la vitamine D ? " La vitamine D est une hormone qui est surtout mise en avant pour son rôle essentiel dans l'ostéoformation, mais elle agit aussi comme une cytokine favorisant la tolérance ", explique le Pr Martens . " Globalement, la recherche a révélé qu'elle inhibe légèrement l'activité du système immunitaire. Il peut sembler paradoxal que ceci s'accompagne d'un effet protecteur contre une infection sévère, mais à y regarder de plus près, cela s'explique. " En effet, " chez une partie des patients Covid-19 gravement atteints, l'évolution défavorable n'est pas due à l'infection virale elle-même, mais à une réaction anormale du système immunitaire. On assiste à une réponse inflammatoire disproportionnée, qui peut dans des cas extrêmes déboucher sur un choc cytokinique... et il semble que l'effet inhibiteur de la vitamine D protège contre cette réaction excessive. " L'étude a été diffusée sur le serveur de prépublication medRxiv.org, un site géré par le Cold Spring Harbor Laboratory où les chercheurs ont la possibilité de partager leurs résultats avant peer review. En cette période particulièrement agitée, on se doute qu'il s'agit d'un canal bien utile pour diffuser rapidement de nouvelles données, qui sont aussi avidement partagées, et les travaux des médecins flamands ont déjà suscité bien des commentaires sur les réseaux sociaux. Les sceptiques observent ainsi qu'une corrélation n'est pas forcément synonyme de lien de causalité et qu'il pourrait exister des facteurs confondants. Il est en effet possible que les sujets présentant une carence en vitamine D souffrent aussi d'autres problèmes sous-jacents qui constituent le véritable facteur de risque. Les patients qui souffrent de diabète ou de maladies vasculaires, par exemple, pourraient manger moins sainement ou être moins mobiles ; dans ce cas de figure, la carence en vitamine D ne serait donc pas tant un facteur de risque qu'un indicateur d'un autre risque sous-jacent. " Nous avons réalisé une analyse plus poussée afin de déterminer si les patients carencés souffraient aussi davantage de BPCO, de maladies coronariennes ou de diabète, et il est apparu que ce n'était pas le cas ", rétorquent les chercheurs . " Nous maintenons donc notre conclusion qu'il existe un lien causal entre le statut vitaminique D et le risque d'infection sévère à covid-19. " L'équipe de l'AZ Delta voit sa position confirmée par un groupe britannique, qui a appliqué à ses propres résultats un modèle d'inférence causale et en a également tiré la conclusion que le lien de cause à effet était bien réel. " Certains font remarquer que l'effet protecteur d'une supplémentation en vitamine D n'a jusqu'ici pas pu être établi dans des essais randomisés et contrôlés, que le critère d'évaluation soit la protection de l'os ou celle du coeur et des vaisseaux ", commente le Dr Dieter De Smet, premier auteur de l'étude belge . " Ces recherches portaient toutefois toutes sur des populations qui n'étaient pas carencées en vitamine D à l'inclusion. " " Il est vrai que nos résultats restent à confirmer. Nous sommes néanmoins conscients que la carence en vitamine D représente, en Belgique, un problème de santé grave et méconnu. C'est pour cela que nous voulons attirer l'attention sur le fait qu'une intervention simple, sûre et bon marché telle que l'administration de suppléments de vitamine D aux sujets carencés pourrait, d'après notre étude, avoir une influence positive sur l'impact du Covid-19 indépendamment de ses autres effets sur la santé. "