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Sociétaire de la Comédie-française, Denis Podalydès prend cette fois la plume pour raconter sa rencontre avec Thomas Ostermeier le grand metteur en scène allemand, ou plutôt celle de la troupe du Français avec sa méthode de travail lors de la mise en scène de ce dernier de La Nuit des rois de Shakespeare. L'auteur, car c'en est un, nous fait découvrir tout le déroulement du travail mis en place depuis la première rencontre jusqu'à la première justement. Cette évocation du travail derrière la scène, cette incursion presque sacrilège dans les coulisses d'un spectacle, Podalydès l'évoque au travers de son regard, son expérience personnelle de comédien, de metteur en scène, mais aussi de son empathie véritable pour le reste de la troupe, Thomas Ostermeier, et de son amour du théâtre. La relation de ses doutes, ses plaisirs, de son orgueil voire son narcissisme aussi, est une sorte de mise à nu, sans costumes donc, qui passe par une régression presque qui le fait replonger dans des souvenirs personnels émouvants (notamment la figure de son frère disparu): "à ce stade, si tant est que le chemin des répétitions me fait chaque fois reparcourir le chemin de mon existence comme je l'ai souvent expérimenté (de l'enfance des premiers pas sur la scène à l'épreuve de la générale, qui est l'entrée dans le monde adulte), j'en suis bel et bien à mon adolescence." Denis Podalydès est un grand déclamateur (il enregistre nombre de classiques de la littérature qu'il lit à haute voix), un grand raconteur, un metteur en scène, des mots également, qui a le sens du rythme, du suspens, car c'en est un, possède un vrai regard sincère, franc, généreux, sans apprêt, sur sa famille de théâtre (y compris toute l'équipe technique) et notamment par exemple en évoquant notre jeune compatriote Anna Cervinka. " Nous nous regardons, Anna et moi. Ses yeux rougissent, s'embuent, se chargent d'eau, débordent. Elle fond doucement en larmes. Je ne sais pas pourquoi. Je connais peu Anna. Jusqu'au présent, nous n'avons qu'à peine travaillé ensemble. Le rire monte en elle, la prend bientôt tout entière, et moi aussi. Je lui dis, je crois: tu es sensible. Elle me répond qu'elle n'est pas sensible, comme le veut l'exercice."