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Pourtant, de nombreuses questions ont circulé cet été, entre autres concernant la potentielle réduction du nombre de commissaires. Le bruit circulait aussi qu'aucun commissaire européen ne serait peut-être nommé à la santé, alors que les défis y sont légion. Les mutuelles belges avaient donc tiré le signal d'alarme en mai dernier déjà, mais personne au sein de la Commission européenne de l'époque n'avait voulu/pu confirmer ou infirmer. L'espoir est donc permis.Faire de l'Europe le premier continent climatiquement neutre, mieux harmoniser les dimensions sociale et économique, préparer l'Europe à l'ère digitale, autant de défis qu'Ursula von der Leyen entend relever. L'empreinte de l'Europe sur notre quotidien est elle aussi importante. Près de 80% de la législation belge trouve son origine dans la processus décisionnel européen. Ces notions ont pris un tour beaucoup plus concret avec le Brexit. Imaginez les conséquences potentielles de l'effondrement du cadre législatif européen en cas de No Deal, y compris en termes de santé : manque de médicaments, médecins et personnel médical quittant le territoire dans la crainte de perdre leurs droits sociaux, abandon de la carte européenne d'assurance maladie, manque de radio-isotopes du fait du retrait du RU de l'Euratom, arrêt des programmes de recherche financés par l'UE, etc. Paradoxalement, le Brexit fait également la promotion de l'Union européenne. Les matières précédemment ennuyeuses deviennent tout à coup plus concrètes et les médias abordent pour une fois d'autres sujets que les gros salaires des fonctionnaires européens.Quelles sont donc les priorités en matière de santé et de politique sociale ? A l'approche des élections européennes, les mutualités belges publient un mémorandum reprenant quelques dossiers urgents pour les années à venir. La demande d'une Europe plus sociale par exemple, qu'Ursula von der Leyen a d'ores et déjà ajouté à sa to-do list. A ce titre, l'intégration d'une dimension sociale plus forte dans le semestre économique européen pourrait constituer une piste. De surcroît, l'UE dispose, avec son Socle européen des droits sociaux, d'un cadre permettant le bon fonctionnement du marché du travail et la garantie des systèmes de protection sociale (cf flexijobs). Il importe par ailleurs de se focaliser durablement sur la prévention. Les états-membres consacrent en moyenne seulement 3% de leurs budget santé à la prévention. La Commission européenne doit poursuivre son travail de sensibilisation auprès des états-membres. Le message : allouer 5% du budget à la prévention, et ce dans tous les domaines (Health in all policies). Par prévention, on entend également la diminution de l'impact de la pollution sur notre santé. Par ailleurs, l'Europe doit aussi durcir les normes relatives à la qualité de l'air et aux substances chimiques qui polluent notre quotidien (le glyphosate par exemple).L'accès à des médicaments abordables constitue l'un des grands défis de l'Europe. Pas plus tard que la semaine passée, le ministre de l'Economie Wouter Beke demandait encore à la Commission européenne de procéder urgemment à l'évalution de la réglementation européenne en matière de médicaments orphelins, suite à l'affaire de l'entreprise pharmaceutique italienne Leadiant. L'Europe ne doit-elle pas aussi fixer un prix maximal pour les nouveaux médicaments, en tenant compte de paramètres tels que la recherche et le développement, la production, le groupe cible... ? Une collaboration plus étroite s'impose de toute façon entre les étatsmembres. A ce titre, l'initiative BeNeLuxA constitue déjà un bon début, mais cette union pèserait plus lourd dans la concertation si davantage de pays y prenaient part.En matière d'accord de libre échange, la nouvelle Commission européenne doit faire preuve de plus de transparence, avec approbation du Parlement européen du mandat de négociation, avec une portée claire pour la Commission européenne. Les évaluations de l'impact, comme la Sustainability Impact Assessment (SIA), semble être une bonne manière de s'assurer que les mesures commerciales proposées cadrent avec l'accès aux soins de santé et la protection de l'environnement. La proposition de Donald Trump de placer également le National Health Service (NHS) à l'agenda des négociations sur l'accord commercial avec le Royaume-Uni illustre parfaitement le danger potentiel qui entoure de tels dossiers.Préparer l'Europe à l'ère digitale, cela vaut également pour les soins de santé. En 2018, la Commission européenne publiait un communiqué sur la transition digitale dans les soins de santé. En outre, l'innovation technologique ne doit pas être un objectif en soi, mais bien un moyen d'améliorer les soins et la santé publique. Autres points importants : l'interopérabilité et la certification des solutions digitales au sein des systèmes liés à la santé (l'installation d'un système européen de labellisation par exemple).Le nouveau Parlement européen compte 21 membres belges aux profils très variés. Certains peuvent jouer un rôle de premier plan dans la poursuite des objectifs : Petra De Sutter (Groen), en sa qualité de présidente de la Commission Marché intérieur et Protection du consommateur, Frédérique Ries (MR), membre de la Commission de l'Environnement, de la santé publique et de la Sécurité alimentaire et Cindy Franssen (CD&V), membre de la Commission de l'Emploi et des Affaires sociales. Il faudra attendre le printemps 2024, lors de la présidence belge de l'Union européenne, pour faire le bilan de la Commission von der Leyen. D'ici là, espérons effectivement que l'Union européenne aura placé la barre plus haut.Un agenda plus social attend la présidente de la Commission européenne.