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à quelques jours du 60e anniversaire de la première transplantation mondiale à partir d'un rein de donneur en mort cérébrale dont la fonction cardio-respiratoire persistait - c'était le 3 juin 1963 des mains du Pr Guy Alexandre à Saint-Pierre (Louvain) -, les chiffres récents montrent que cette époque où 50 ans constituait un âge limite en matière de transplantation est bel et bien révolue. Vieillissement de la population oblige, les candidats receveurs de plus de 60 ans, voire de plus de 70 ans, ne sont plus rares. Les taux de survie sont bons, il est donc légitime de transplanter également des patients plus âgés. À condition de bien les sélectionner. "L'âge biologique est plus important que l'âge chronologique", rappelle le Pr Jacques Pirenne (KULeuven) à l'occasion du symposium "World Liège Liver Day" organisé au CHU de Liège sous l'égide du Pr Olivier Detry, à l'occasion de la Journée mondiale du foie et de la 1.000e greffe hépatique de l'hôpital universitaire liégeois (lire par ailleurs). "À Louvain, nous avons par exemple regreffé un receveur de 75 ans avec le foie d'un donneur de 84 ans", illustre le Pr Pirenne. "Le foie est résistant à la sénescence et peut très bien fonctionner à long terme." En 2019, un donneur de foie était âgé de pas moins de... 93 ans. Au-delà de l'âge des protagonistes, l'un des critères essentiels de succès est le raccourcissement, autant que possible, du temps d'ischémie du greffon (c'était déjà le leitmotiv du Pr Alexandre en appliquant des critères de mort cérébrale proches de ceux du Ad hoc committee d'Harvard cinq ans plus tard). "Chaque heure gagnée (oxygénation, perfusion constante chaude, ...) permet d'avoir de meilleurs résultats. Ici encore, la Belgique a les meilleurs résultats au sein d'Eurotransplant", se réjouit le Pr Pirenne. Alors qu'en 2020, la pandémie avait fait dégringoler le nombre de donneurs d'organes par million d'habitants (pmi) à 21, la courbe est repartie à la hausse pour atteindre 26,6 donneurs pmi l'an dernier. Ce n'est pas encore le record de 2017 (30,6 pmi), mais la Belgique reprend la pole position devant la Croatie (23,5), la Slovénie (23,3) et l'Autriche (22,1), trois de ses partenaires au sein d'Eurotransplant. Parmi les 309 donneurs enregistrés en 2022 (versus 245 en 2020, en temps de covid), on distingue 135 patients DCD (mort cardiaque) et 174 DBD (à coeur battant, en mort cérébrale). "On espérait que les donneurs DCD permettraient d'augmenter le nombre de greffons disponibles mais non, car le nombre de donneurs DBD, lui, diminue...", soupire le Pr Pirenne. Désormais, deux tiers des donneurs ne viennent pas des hôpitaux académiques (on se souviendra du projet Gift, en 2006, pour mobiliser tous les hôpitaux aigus). Les contre-indications médicales constituent le premier motif de ne pas prélever (33%), suivi du refus de la famille (17%). L'opposition via le Registre national ne représente que 2,3% des non-prélèvements. L'an dernier, le registre comptabilisait 211.420 "non", contre 453.911 "oui" au don. Ce dernier chiffre a plus que quadruplé depuis 2010, bien que le système d'opting out soit en vigueur. À noter que depuis juillet 2020, le médecin traitant peut encoder la volonté de ses patients, et les citoyens peuvent eux-mêmes le faire via le portail masanté. be sans plus devoir passer par la commune. L'âge médian des donneurs en 2022 était de 55 ans, le plus jeune était un nouveau-né et le plus âgé avait 86 ans (DBD, foie). La Belgique a procédé à 63 transplantations cardiaques, 95 pulmonaires, 267 hépatiques (+2 split), 423 rénales et 25 de pancréas. Malgré cela, les listes d'attente ne désemplissent pas, et de nombreux patients décèdent encore faute d'organes: 83 personnes attendaient un coeur l'an dernier (7 décès), 111 des poumons (9), 130 un foie (39), 22 un pancréas et près de 1.200 un rein (43).