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Il y a deux ans lors du lancement de cette assurance, tous les hôpitaux étaient automatiquement partenaires de DKV. Depuis, l'assureur évalue ce partenariat chaque année. Pour rester partenaire, l'hôpital doit répondre à une série de critères, entre autres limiter la croissance des suppléments d'honoraires à maximum 1% au-dessus de l'indexation des tarifs Inami. L'augmentation des suppléments de chambre doit se limiter à l'indexation.Dans l'édition de décembre de JM-Hospitals, le trimestriel pour les décideurs du secteur hospitalier, Piet Calcoen, directeur médical de DKV Belgique, analyse cette problématique. Piet Calcoen a obtenu fin 2018 un doctorat à l'université Erasmus de Rotterdam pour sa thèse consacrée aux dépenses privées en soins de santé.Indépendamment de toute idéologie, Piet Calcoen distingue dans sa thèse relative aux suppléments d'honoraires cinq points névralgiques. Premièrement, le lien entre suppléments d'honoraires et chambres particulières est absurde. Deuxièmement, il est très étonnant que tant les médecins conventionnés que non-conventionnés demandent des suppléments d'honoraires, de façon aussi fréquente, et des montants aussi élevés. " Alors que les médecins conventionnés ont quand même un statut social de près de 5.000 euros pour se constituer une pension. "Un troisième point névralgique est que les suppléments d'honoraires sont exprimés en pourcentage du tarif officiel Inami. "Les tarifs Inami pour une transplantation pulmonaire, par exemple, sont très élevés. Disons 5.000 euros. Un supplément d'honoraires de 200% revient donc à 10.000 euros. Pour une prestation de par exemple 200 euros, le supplément n'est que de 400 euros. C'est un mode de calcul malsain. "Une caractéristique d'une assurance privée est le risque " d'antisélection " dans la phase de conclusion du contrat. "Les gens s'affilient obligatoirement à la sécurité sociale. Et ils ont tendance à attendre d'être malades pour conclure une assurance privée, ce qui fait que les dépenses augmentent pour l'assureur et que donc, il va augmenter leur prime. Ce faisant, les coûts augmentent à nouveau, ce qui entraîne que des assurés en bonne santé vont abandonner le système et seuls les malades vont y rester. Résultat : les coûts réaugmentent... Ce cercle vicieux explique pourquoi il faut une sélection médicale lors de la conclusion d'une assurance maladie privée."Une assurance privée comporte à la fois des avantages et des inconvénients : "Une assurance privée a deux grands avantages. Elle réduit le risque financier et l'étale dans le temps. Les gens paient une prime, mais s'ils doivent faire face subitement à des frais de plusieurs milliers d'euros, ils sont remboursés. Et ils ont accès à des soins d'excellence ou à des soins qui seraient sinon impayables. Des implants en dentisterie en sont un exemple type", analyse Piet Calcoen.Malheureusement, deux inconvénients sont aussi inhérents à une assurance maladie privée. "Premièrement, il y a les frais administratifs de l'assureur. Et deuxièmement, il y a un 'patient " et un 'provider-induced moral hazard'. Le patient sait que son assureur rembourse entièrement les suppléments d'honoraires qu'ils s'élèvent à 1000 ou 10.000 euros. Pour lui, peu importe et il ne discutera donc pas du montant de ceux-ci avec l'hôpital. Idem pour le médecin et l'hôpital. Ils raisonnent aussi en se disant que ce n'est pas le patient qui paie, mais bien l'assureur, et donc, ils ne se gênent pas. "Quatrième point névralgique : les assureurs privés - et également l'assurance maladie obligatoire - prennent trop peu de mesures pour lutter contre le moral hazard.Le cinquième problème - et le plus important - est que les dotations publiques insuffisantes ont pour conséquence que les suppléments d'honoraires sont de plus en plus utilisés pour financer l'hôpital.Pour chaque point névralgique, le Dr Calcoen a une solution à proposer. "Pour les deux premiers points - le lien avec les chambres individuelles et la facturation de suppléments d'honoraires quel que soit le statut conventionnel du médecin - nous pouvons nous inspirer de ce qui se fait en France. Les suppléments d'honoraires existent dans différents pays. La Belgique est toutefois unique par le lien qu'elle établit entre suppléments et chambres individuelles. Ce lien n'existe nulle part. Supprimons dès lors cette façon de faire et procédons comme en France. Là-bas, seuls les médecins non conventionnés peuvent facturer des suppléments."Pour éviter que de plus en plus de médecins se déconventionnent, on pourrait élargir leurs avantages sociaux, comme c'est le cas en France.Le Dr Calcoen entend solutionner le troisième problème en exprimant les suppléments d'honoraires non seulement en pourcents, mais aussi en euros. "Aujourd'hui, le règlement interne de l'hôpital mentionne un montant maximum pour les suppléments d'honoraires exprimé en pourcents. On pourrait y ajouter aussi un maximum par hospitalisation exprimé en euros. Les hôpitaux ne le voient pas d'un mauvais oeil."Exprimer les honoraires en euros pourrait aussi, selon Calcoen toujours, contribuer à un recalibrage de la nomenclature. "Il faudrait répartir les honoraires de manière plus équitable. Les suppléments d'honoraires sont liés à la nomenclature. Tant qu'il n'y a pas eu de révision de la nomenclature, on pourrait imaginer de revoir les suppléments d'honoraires via des montants en euros."La mesure la plus efficace pour lutter contre le moral hazard est de faire contribuer le patient, soit par un montant, soit par un pourcentage. L'option la plus forte est un pourcentage, par exemple 20%. Dans ce cas, le patient aura intérêt à discuter avec l'hôpital et le médecin. Et les médecins et les hôpitaux diminueront aussi leurs exigences.Selon Calcoen, en Belgique, le ratio entre supplément et chambre individuelle est introuvable. "Quelle est finalement la plus-value d'une chambre individuelle ? Pour des raisons médicales, il est évident que les hôpitaux, tout comme à l'étranger, ne mettent plus à disposition que des chambres individuelles. Mais chez nous, le lien avec les suppléments d'honoraires fait en sorte que le nombre de chambres individuelles reste à la traîne. C'est pourquoi on ferait aussi mieux de renforcer le lien avec le statut social."