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Autrefois, on recommandait aux femmes enceintes de se reposer et d'éviter tout effort physique conséquent. La pratique d'un sport trop "intense" était jugée dangereuse et responsable de fausses couches, particulièrement au premier trimestre ou en cas de grossesse multiple. "Or, les études ont démontré que ces fausses croyances sont totalement infondées!", explique la Dr Sara Engels, gynécologue exerçant à la Clinique de pelvi-périnéologie du CHU Brugmann et spécialisée dans le suivi des sportives. "La pratique d'un sport n'augmente pas les risques de fausse couche. Bien sûr, il y a certaines précautions à prendre en fonction du trimestre et de la nature de l'activité, mais pour les grossesses non compliquées, aucune discipline n'est proscrite. Seuls la plongée sous-marine et le hot yoga sont interdits, la première parce que les différences de pression et les gaz contenus dans les bonbonnes sont néfastes pour le foetus, le deuxième en raison des températures élevées. Mis à part ces exceptions, le sport est autorisé et même fortement encouragé durant la grossesse. Ainsi, si son périnée tient le coup - en l'absence de fuites urinaires à l'effort - et sauf si elle présente des symptômes de descente d'organes tels qu'une sensation de lourdeur et de pesanteur, une femme enceinte peut continuer à courir jusqu'à son terme!"Car l'activité physique est bénéfique à plusieurs niveaux. Outre ses nombreux bienfaits habituels - au rang desquels on citera le soulagement des jambes lourdes et des lombalgies - faire du sport pendant la grossesse diminue les risques de diabète gestationnel, d'hypertension artérielle et de (pré)éclampsie, de macrosomie (c'est-à-dire un poids de naissance supérieur à 4 kg) et de dépression postnatale. Les Collèges américain et britannique de médecine recommandent donc aux femmes enceintes de pratiquer au moins 150 minutes d'activité physique modérée par semaine, soit l'équivalent d'une demi-heure de marche active (à un bon pas) par jour, cinq jours sur sept, en plus des activités quotidiennes. "Évidemment, il faut adapter ces recommandations au mode de vie habituel de la patiente", précise la Dr Engels. "Si elle est plutôt sédentaire, il y a peu de chance qu'elle se mette au sport pendant sa grossesse! Mais il faut l'encourager à pratiquer une activité qui lui plait et qui, de préférence, n'exercera pas de pression sur son périnée. Exemples: la marche (active), le vélo (si elle en a l'habitude), la natation, l'aquagym, etc."Pour les sportives aguerries et les athlètes de haut niveau, l'enjeu est plutôt d'éviter le déconditionnement induit par une diminution trop importante des entrainements et l'arrêt provisoire des compétitions - non parce que celles-ci sont interdites, mais parce que la grossesse influe sur les performances. De fait, il faut parfois tenir compte de la discipline et adapter l'intensité ou la nature des efforts en fonction de l'avancement de la grossesse. "Au premier trimestre, hormis la plongée, elles peuvent tout faire, car le foetus est encore situé (et protégé) dans le bassin. Même les sports de combat (judo, karaté, etc.) et de contact (hockey, basket, etc.) sont autorisés." À partir du deuxième trimestre, les changements physiologiques et le fait que le foetus se développe davantage dans la cavité abdominale impliquent certaines adaptations. En effet, plusieurs paramètres influencent les capacités et/ou performances de la sportive. Exemples: · Le centre de gravité de la femme enceinte se déplace. Ce qui peut augmenter les déséquilibres et, par conséquent, le risque de chute. · Le poids croissant du foetus et la prise de poids de la mère diminuent la mobilité. "En athlétisme, par exemple, le saut en hauteur ou en longueur devient physiquement compliqué à partir du deuxième trimestre", explique la Dr Engels. "Ces athlètes-là s'en abstiennent d'ailleurs car on reste toujours très prudents. En revanche, elles peuvent continuer à faire de la cardio et des exercices de renforcement musculaire."· Le dos est en hyperlordose (forte cambrure), particulièrement au troisième trimestre, ce qui provoque des douleurs lombaires. "Si la natation ne pose aucun problème et peut même soulager ces lombalgies, tout ce qui implique de courir ou de sauter peut les majorer", commente la Dr Engels. À noter que le raccourcissement prématuré du col utérin (cervix court, deuxième trimestre) ordonne l'arrêt total de l'activité sportive. Deux paramètres sont améliorés par la grossesse, mais peuvent s'avérer à double tranchant pour les sportives: la souplesse et l'endurance. "La progestérone et la relaxine [1] induisent une hyperlaxité des ligaments pelviens. Les femmes qui pratiquent le yoga, la gymnastique ou encore la danse doivent faire attention à ne pas aller trop loin dans leurs exercices d'assouplissement, notamment au niveau du bassin, car il y a un vrai risque de blessure ligamentaire."Quant à l'endurance, elle est aussi améliorée, surtout durant les deux premiers tiers de la grossesse, grâce notamment à la testostérone et à l'augmentation de l'éjection systolique. "Au troisième trimestre, cette endurance majorée est contrebalancée par l'anémie (relative) induite par l'augmentation du volume plasmatique", poursuit la Dr Engels. "Or, les sportives ont déjà un sang plus fluide. Il convient donc de doser régulièrement leur taux d'hémoglobine, surtout si elles se plaignent de fatigue excessive et, a fortiori, de vertiges." Signalons encore que les sports d'endurance ne seront pas guidés par la fréquence cardiaque, qui augmente de toute façon pendant la grossesse. Le ressenti de la femme deviendra dès lors le critère déterminant pour moduler l'effort. Un important point d'attention concernant le sport pendant la grossesse, c'est le périnée. "On n'informe pas assez les femmes à ce sujet!", estime la Dr Engels. "Tous les médecins généralistes, les sages-femmes et les gynécologues de première ligne devraient en parler systématiquement aux patientes ayant un projet de grossesse ou une grossesse avérée, mais aussi à toute femme désirant pratiquer ou pratiquant déjà une discipline ou des mouvements pouvant potentiellement exercer une pression sur le périnée. Exemples: les sauts, le crossfit, soulever des poids, etc."Le prestataire de soins est invité à demander d'emblée à ces patientes si elles sont sujettes aux fuites urinaires, "car elles en parlent rarement de façon spontanée. Tous les professionnels de la santé connaissent l'importance de la kiné périnéale en postpartum, mais rien n'empêche les médecins de première ligne de prescrire quelques séances pendant ou même avant la grossesse. Car, en définitive, mieux vaut apprendre à connaitre et gérer son périnée plutôt que d'arrêter de faire de l'exercice pendant la grossesse."