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Fabrice et Fabienne filent le parfait amour dans un univers où tout tourne rond: le hublot de la machine à laver est rond, l'oeuf sur le plat est rond, comme le rond-point et la roue dans laquelle trottine sans se lasser le hamster. Parti faire les commissions, Fabrice, acteur de film comique, se rend compte qu'il a oublié sa carte de fidélité dans le pantalon qu'il a mis dans le lave-linge hier. Interpellé par l'agent de sécurité, il le menace avec un poireau avant de prendre la fuite: fini les courses, place à la course-poursuite. Adaptation réussie par François Dosagna de la bande dessinée éponyme de Fabcaro, qui se révèle fidèle à l'esprit et à la lettre de l'album, à savoir une métaphore et critique d'une société lisse et aseptisée où tout se ressemble (mêmes univers pavillonnaires, voitures identiques) où la surveillance est de tous les instants: le GPS de la voiture de Fabrice s'arrête lorsqu'à l'injonction de la voix synthétique de se rendre au commissariat de police, le "fugitif" choisit une autre direction dans le but de s'échapper. Sur le mode satirique, le film est également une charge contre la bien-pensance hypocrite (on ne juge pas, on condamne), la bienséance obligée (le bio, le conformisme, le langage éculé d'expressions convenues et d'une gestuelle approuvée), le complotisme, l'antisémitisme, l'humanisme dégoulinant(la chanson de soutien à Fabrice genre We Are The World) ou le publié-avéré: le comédien Jérôme (eric ramzy) qui va jouer le rôle de Fabrice dans la transposition du film qui lui sera consacré rend visite à son épouse afin de s'informer sur son personnage est surpris par un paparazzi ; les photos évoquant leur relation publiée, ils se sentent obligés de se mettre ensemble... pour se conformer. Cette comédie cynique (porté en Belgique au théâtre par le collectif Mensuel) - qui a des relents étranges de la vieille série Le prisonnier avec Patrick McGoohan mais sans l'énorme boule blanche-, intelligente, assez drôle et heureusement de courte durée, est portée par Jean-Paul Rouve dans le rôle de Fabrice, lequel est épaulé par Julie Depardieu (Fabienne) et dans les rôles secondaires, Yolande Moreau, Eric Ramzy ou Julie Gayet. "Zaï zaï zaï zaï", chanté par Joe Dassin, dans Siffler sur la colline, instille chez le spectateur une petite musique qui l'enjoint à se prémunir contre la normalisation, la perte d'intimité, l'épure ou l'épuration puritaine du "on n'a rien à cacher", de la société de surveillance sans aspérité et lissée par l'ennui. Tout cela sans être... ennuyeux