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"A ujourd'hui, personne ne peut contester que les patients vaccinés sont très efficacement protégés vis-à-vis des formes sévères du Covid-19. Bien entendu, un petit nombre peut échapper mais l'arbre ne doit pas cacher la forêt. On veut aussi prévenir la transmission du virus: ici, il y a débat mais on a montré que les gens doublement vaccinés pouvaient être infectés et véhiculer le virus, mais de façon beaucoup moins importante", explique Michel Goldman (I3 h Institute). Le spécialiste regrette qu'on ne parle plus de la quarantaine et qu'on en oublie les conséquences sociales, économiques... et il en appelle à une extrême prudence concernant la levée des barrières sanitaires, rappelant que l'immunité collective est encore loin d'être atteinte. Concernant la sécurité des vaccins, Michel Goldman est revenu sur les effets secondaires rares: " Lorsque vous vous mettez à l'échelle de l'individu, les chiffres seuls ne vont pas le convaincre. Il faut pouvoir reconnaître qu'il y a effectivement des associations qui aujourd'hui sont établies mais très rares, expliquer que le corps médical les connaît bien et qu'on a des moyens si elles surviennent ou même pour empêcher qu'elle surviennent." Pour les vaccins à adénovirus (AstraZeneca, J&J), trois associations sont documentées: les thromboses thrombocytopéniques, le syndrome de Guillain-Barré et le syndrome de fuite capillaire, avec le conseil d'éviter ces vaccins chez les patients présentant des antécédents de thrombocytopénie à l'héparine, de syndrome de G-B ou souffrant d'une gammapathie monoclonale bénigne. Pour les vaccins à ARNm, " après des milliards de doses délivrées, la situation est très claire: le seul effet secondaire significatif ce sont les myocardites et péricardites, le plus souvent chez de jeunes garçons. Ces myocardites répondent très bien aux anti-inflammatoires et, dans la majorité des cas, ces patients rentrent à la maison au bout de 48 à 72 heures. On peut donc être très rassurant. Vous serez plus crédibles en expliquant que tout le reste ce sont des allégations qui ne sont pas soutenues par les faits et qui ne doivent pas inciter à ne pas se faire vacciner, au contraire." Autre point très important, la persistance de la réponse. " Le vaccin Pfizer confère une meilleure protection que celui d'AstraZeneca mais, au fil des mois, les taux d'anticorps induits par le premier diminuent plus que ceux induits par le second. C'est une de nos préoccupations", admet le Pr Goldman. Quid des infections dites 'de percée'? " Ce terme n'est pas très clair, on parle d'échappement à la réponse immune induite par le vaccin. Il faut faire la différence entre la réponse immune qui s'affaiblit au fil des semaines et la réponse vaccinale déficitaire d'emblée chez ceux qui n'ont pas développé d'anticorps ou très peu, en raison d'une immunodéficience ou d'une immunosénescence. L'immunosénescence est un phénomène qu'on connaît mal et il faut faire la part des choses entre le vieillissement du système immunitaire et les comorbidités fréquentes chez les seniors". Récemment, le gouvernement a autorisé les immunodéficients à recevoir une troisième dose. " Certains vont bien y répondre mais environ la moitié restera en-dessous du seuil de protection", estime Michel Goldman qui précise que les AC monoclonaux peuvent être une bouée de sauvetage et met en avant les résultats d'une étude menée à l'hôpital Érasme et au CHU Sart-Tilman démontrant l'efficacité de ce traitement afin d'éviter le développement de formes graves du Covid-19 chez des patients transplantés. " Face à des patients âgés prenant des médicaments ou plus jeunes mais prenant des immunosuppresseurs, il faut d'abord leur expliquer leur vulnérabilité: c'est important qu'ils comprennent que les masques et les mesures barrière dans leur environnement immédiat sont essentiels. Il faut qu'ils évitent autant que possible les contacts étroits, en particulier avec des enfants (qui peuvent véhiculer le virus) et des non vaccinés (notamment du personnel soignant non vacciné, c'est une aberration! )". Il insiste: " Il faut aussi expliquer à ces patients qu'au moindre symptôme suspect, il faut tester dans la journée. On sait qu'avec le variant Delta, il y a les symptômes classiques et d'autres moins évidents (gastro-entérite...). Testez rapidement les patients hautement vulnérables, s'ils sont positifs, contactez un des hôpitaux qui ont des stocks d'anticorps monoclonaux. Ces AC ne sont efficaces que s'ils sont donnés très tôt, dans les 48 à 72 heures suivant le diagnostic". Que dire aux patients qui veulent mesurer leur taux d'anticorps? " Aujourd'hui, on ne dispose pas d'évidence formelle que ce taux d'AC mesuré par les tests habituels permet effectivement de quantifier le niveau de protection". La situation est en train d'évoluer parce que l'OMS commence à proposer des unités standardisées (BAU/ml, unités d'anticorps de liaison). " Ceci dit, si un patient hautement vulnérable est inquiet et vous demande de doser ses anticorps, on peut le faire: si son taux égale zéro, il y a un problème, s'il est très bas, il doit faire particulièrement attention. Il ne faut pas en faire une obsession mais, lorsqu'il y a un doute, cela peut avoir un intérêt, le médecin généraliste a un rôle essentiel, il connaît son patient, ses médicaments... Est-ce que ça va déboucher sur une troisième dose? Je n'en sais rien mais ça peut en tout cas déboucher sur des recommandations par rapport à la protection vis-à-vis de l'environnement", conclut Michel Goldman.