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Le journal du Médecin: Comment définiriez-vous la santé mentale en quelques mots? Marie Lambert: C'est une question très sensible et délicate de parler de santé mentale. C'est plus que l'absence de maladie mentale ou d'infirmité. Elle se définit en fonction de tout un contexte de vie, des cultures, et elle comprend plusieurs dimensions. On est dans quelque chose d'évolutif et de dynamique, en fonction des événements de vie et des trajectoires de vie. La santé mentale peut être à certains moments plus fragilisée que d'autres en fonction des événements. Julie Delbascourt: La santé mentale est faite d'un ensemble de choses comme du temps passé avec sa famille et ses amis, mais aussi le temps passé au travail, les apprentissages, le sport, les projets ainsi que le sentiment d'être utile. La santé mentale ce n'est pas un ensemble de symptômes qui fait qu'on est bien mais c'est aussi une question de sens. On a vu avec la crise sanitaire que la santé mentale de tout un chacun a été mise à mal parce qu'il y avait une question d'utilité que l'on n'a plus quand on est coupé de ses contacts sociaux, de son lien social à l'autre. C'est un cocktail d'ingrédients qui est propre à chacun, où chaque élément cité prendra une place importante selon sa personnalité et son parcours de vie. Au final la santé mentale ça serait peut-être le sentiment de se sentir suffisamment bien avec soi et avec les autres pour pouvoir construire, interagir et participer à la vie de la communauté. Il y a eu une évolution culturelle et sociale de la notion de la santé mentale, mais est-elle toujours stigmatisée? M. Lambert: C'est vrai que l'on constate une évolution. Probablement, la crise sanitaire a permis de faire avancer les choses en terme de représentation de santé mentale. On en n'a jamais autant parlé que depuis un an et demi, donc on peut dire qu'il y a des choses qui évoluent. Mais malgré tout, cela reste une thématique qui, à certains égards reste encore tabou. Il y a toujours à la fois une stigmatisation des personnes qui souffrent de santé mentale et une stigmatisation des lieux de soins en tant que tel. Quand on parle d'hôpital psychiatrique ou d'hôpital de santé mentale, cela reste des structures dont on ne sait pas trop si on peut "s'en approcher". J. Delbascourt: il y a eu une évolution culturelle assez évidente. Depuis 30-40 ans, on n'est plus dans un modèle strictement médical et biologique où l'on isole des facteurs bien précis. On est actuellement dans un modèle plutôt bio-psycho-social, c'est-à-dire qu'on reconnaît qu'il y a une série de dimensions qui vont impacter notre santé et notre santé mentale et il faut les prendre en compte dans l'interprétation des troubles psychiques. On a aussi la dimension environnementale qui est d'ailleurs mise en avant actuellement car on sait que l'environnement - c'est à dire là où l'on vit, ce que l'on mange et la qualité des relations sociales - vont avoir un impact sur la santé mentale. C'est sûr qu'il y a eu une évolution dans l'interprétation de la santé mentale mais on constate quand même que les principales représentations restent encore de l'ordre du médical. Or, il y a, à côté de cela, tout une palette de prises en charge et de soutien qui existe, proposée par des services pluridisciplinaires tels que les centres PMS et les centres d'aides aux jeunes. Pourquoi organiser une semaine de la santé mentale? M. Lambert: La semaine de la santé mentale a été créée pour donner de la visibilité aux dispositifs d'aides et de soutien qui peuvent exister en santé mentale et montrer cette diversité. Les changements de représentations sur ce qui est de la santé mentale, ce sont des changements au long court et tout ce qui peut oeuvrer pour faire bouger les lignes sur ces représentations est vraiment à soutenir. La semaine de la santé mentale contribue vraiment à pouvoir faire évoluer les représentations dans ce domaine. C'est sa finalité en tout cas. Mercredi soir, un webinaire sur la santé mentale a été organisé par l'Aviq pour les médecins généralistes. Sollicité par le cercle des médecins généralistes de l'ULB, ce webinaire n'était en réalité pas programmé dans le cadre de la semaine de la santé mentale, mais le Cresam y a contribué. "L'idée était de présenter l'offre de soins en santé mentale de façon la plus claire possible, et de donner des pistes d'actions concrètes pour les MG ; des coordonnées, des services,... car on sait que les MG sont aux premières loges quand il s'agit de santé mentale mais qu'ils se trouvent souvent démunis par rapport à l'offre de soins: vers qui orienter? Quels sont les signes qui doivent alerter quant à la santé mentale?", explique Marie Lambert. Quelles sont les différentes pistes évoquées lors de ce webinaire? M. Lambert: Les équipes ambulatoires qui sont sur l'ensemble du territoire wallon 1. 65 services de santé mentale sont répartis sur l'ensemble de la Wallonie, ce qui correspond à plus de 120 équipes pluridisciplinaires avec un secrétariat, des psychologues, des psychiatres, des assistants sociaux et en fonction du public cible, des logopèdes et des psychomotriciens. Il y a des équipes mobiles de crise et des équipes mobiles chroniques. On a parlé également des services psychiatriques d'aide à domicile. Et puis, sur chaque territoire, il y a des coordinateurs de réseaux qui peuvent être des ressources intéressantes et qui ont une bonne connaissance de toute l'offre disponible. J. Delbascourt: Un autre outil important sur notre site, c'est l'offre de soin en santé mentale sous forme de pyramide 2. Elle part de la base avec les soins informels provenant des pairs par exemple et plus on monte dans la pyramide, plus on arrive dans des soins spécialisés. Ça ne présente pas toute l'offre de soins mais des catégories de services qui potentiellement sont des acteurs de santé mentale. Un petit descriptif de chaque catégorie y est proposé.