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Élu Secrétaire perpétuel au mois de septembre et en fonction au 1er janvier, Yves Namur a réduit son activité médicale, même s'il conserve une journée entière de pratique médicale sur rendez-vous. Car sa nouvelle fonction occupe le médecin généraliste de Châtelineau pratiquement à plein temps. " Voilà pour la situation avant le déclenchement de l'épidémie", nous explique-t-il au téléphone depuis son cabinet, " car depuis trois semaines (ndla : l'interview date du 7 avril dernier) , mes collaborateurs et moi-même télé-travaillons. Parallèlement, j'ai rouvert mon cabinet de façon quotidienne, consacrant au moins trois heures à des télé-consultations". En se téléportant cette fois dans son passé, Yves Namur confie que la passion de la poésie fut chez lui antérieure à celle de la médecine. " J'étais sans doute déjà "contaminé" depuis l'âge de dix ans, ayant eu la chance d'avoir pour instituteur Christian Bierlaire, lui-même poète, écrivain et romancier, publié aux éditions Le Centurion, éditeur des oeuvres de Boris Vian". Par contre, la médecine est depuis longtemps chez le Dr Namur une passion concomitante, puisque le poète a publié son premier livre alors qu'il était... en première candidature. " Un péché de jeunesse", avoue-t-il aujourd'hui, " influencé que j'étais par des lectures adolescentes très rimbaldiennes. " Il avait dix-neuf ans. À l'époque, ce jeune homme curieux de tout, songe à faire le droit, du fait de son éloquence, et a même été tenté par l'IAD et l'Insas. " Mais là, je me suis heurté à un veto parental", raconte le généraliste."'Tu feras ce que tu veux après, cela ne t'empêchera pas d'écrire' , m'a dit mon père. Mon prof de rhéto abondait dans le même sens : 'De toute façon, qu'il fasse ce qu'il veut, il écrira quand même ! '" Il choisit donc médecine, par goût et pour la longueur des études, lui qui aurait souhaité devenir pédiatre. À Louvain, le candidat médecin se révèle un assidu des cercles littéraires et des cours de philo et lettres. Ce qui ne l'empêche pas de réussir brillamment sa médecine et de guérir les maux. " Affublé de cette double casquette, je me sens bicéphale, doté d'un cerveau peut-être plus féminin, ce qui me nourrit. Le fait d'avoir une seconde vie, m'a permis en tant que médecin de ne jamais tomber dans ce fameux burn-out du soignant. " Sa poésie ne puise pas pour autant ses racines dans la pratique de la médecine. Le poète médecin (ou l'inverse) distingue deux phases dans son écriture. " Entre 1974 et 1990, je fus considéré comme un jeune poète très avant-gardiste. J'ai ensuite modifié ma pensée en abandonnant l'écriture en langage pour sons et me tourner vers le sens, ce qui correspondait à des bouleversements personnels. À partir de là, j'ai porté un regard sur l'homme, développant une poésie philosophique, métaphysique... pensante aux dires de certains. " Auteur de nombreux recueils, lauréat d'une dizaine de prix littéraires, dont le prix Mallarmé en 2012, Yves Namur concède que les poèmes les plus difficiles à écrire sont ceux qui ont l'amour pour objet, thème de son dernier livre publié : Les lèvres et la soif ; une centaine de pages autour de la thématique du baiser qui d'ailleurs ont été mises en musique par la suite. " En fait, le poème se nourrit de tout, y compris du quotidien, mais également des préoccupations essentielles que sont la vie, la mort, l'amour." Il y a quelques mois, les membres de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique le sollicitent, alors qu'il est déjà membre de cette prestigieuse institution depuis 2001, afin de prendre la succession de Jacques De Decker, décédé ce 13 avril, lequel souhaitait prendre une retraite anticipée en tant que Secrétaire perpétuel, dont la "perpétuité" s'achève à 75 ans. Ce faisant, le généraliste a repris l'organisation du centenaire de l'institution avec, entre autres, le 7 novembre prochain, une réception solennelle en présence de Sa Majesté la Reine, du Secrétaire perpétuel de l'Académie française, et du président de l'Académie Goncourt. Également prévus, trois jours de portes ouvertes de l'Académie, située à deux pas du Palais Royal, au public et aux écoles, courant octobre, et ce, en présence de certains membres. Des membres qui ont chacun leur personnalité : " Notamment des individualités importantes dont le livre est la vie, comme Armel Job, Jean-Philippe Toussaint, Amélie Nothomb ou Éric-Emmanuel Schmitt. " Quant au regard que les académiciens portent sur Yves Namur, il est triple : ils le voient comme poète, Secrétaire perpétuel et... praticien : " fréquemment, les uns et les autres me sollicitent pour des prescriptions, des avis... et plus encore en ces temps de pandémie. Je suis le médecin de l'Académie ! Lorsque j'ai été élu en tant que membre, je me souviens leur avoir dit sous forme de boutade dans mon discours de réception que s'ils m'avaient élu si tôt, car je partage avec Simenon et probablement avec Marcel Thiry le privilège d'avoir été un des rares élus avant l'âge de cinquante ans, c'était sans doute parce qu'ils avaient besoin d'un médecin ! (il rit) Ceci dit, je suis déjà intervenu quelques fois de façon très sérieuse, une de mes interventions se concluant même par la pause d'un pacemaker, suite à une syncope en pleine séance !"