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"Nous avons obtenu quatre chouettes succès ces derniers mois", confie la médecin cheffe du service de médecine générale au Centre hospitalier Jean Titeca (Schaerbeek). Marie (*), une jeune fille de 22 ans, institutionnalisée depuis l'âge de 12 ans, présentait une obésité morbide et fumait une soixantaine de cigarettes par jour. "Elle est venue un jour me voir en me demandant de pouvoir bénéficier d'une chirurgie bariatrique parce qu'elle n'en pouvait plus. Nous avons entamé les démarches. C'est un vrai succès collectif. Nous avons collaboré avec la cuisine pour lui permettre de suivre le régime très strict qu'elle doit suivre depuis l'opération. Elle a déjà perdu 30 kilos en quelques mois. Ce qui lui permet aujourd'hui de refaire des choses qu'elle était incapable de faire avant, par exemple, se laver toute seule. Elle est parvenue également à réduire sa consommation de cigarettes. Marie a retrouvé le sourire." Le Dr Patricia Kirkove ne cache pas qu'il est nécessaire d'encadrer cette patiente pour qu'elle suive son nouveau régime et garde sa perte de poids. "Une chose est certaine: si elle n'avait pas décidé de se faire opérer, elle aurait eu une espérance de vie limitée, de seulement dix à 15 ans. Le bénéfice était non discutable. D'autant plus que c'était son choix de le faire.""Nous faisons le pari que les personnes ayant des troubles en santé mentale sont capables de prendre des décisions et d'être autonomes. Il ne faut pas être naïf, cette approche nécessite beaucoup de concertation entre les différents prestataires", ajoute Pierre Oswald, directeur médical du CHJT. Alex, un patient interné, atteint d'un lymphome hodgkinien, était en complet déni par rapport à son cancer. "L'équipe a trouvé que cette situation était tellement injuste qu'elle a porté le projet pour lui permettre de se faire soigner correctement", explique Patricia Kirkove. "Elle a convaincu sa femme de pousser son mari à consulter un spécialiste. Finalement, il n'a fallu que huit séances de radiothérapie pour qu'il puisse être complètement guéri. Ce patient, qui a été porté par toute l'équipe, est maintenant resplendissant. Il s'est ouvert aux autres et participe désormais à des activités. Il a toujours ses problèmes psychiatriques, mais on lui a donné une qualité de vie différente et il a un nouvel enthousiasme."Felix souffrait d'une bronchopneumopathie chronique obstructive importante (saturation en oxygène à 40%). "Il ne voulait ni se rendre à l'hôpital, ni arrêter de fumer. Nous avons pu lui proposer des soins palliatifs. Nous avons pu le soulager grâce à de la morphine. Cet accompagnement était assez innovant. Nous avons dû expliquer aux équipes qu'il s'agissait d'un traitement palliatif. Nous avons accompagné ce monsieur dans la fin de vie qu'il voulait avoir. Cette histoire se finit moins bien, mais Felix, qui n'avait pas de famille, a pu être entouré de façon qualitative par l'équipe", témoigne le Dr Kirkove. Yousef avait du psoriasis du cuir chevelu aux orteils et du diabète. "Ce monsieur devait donc parvenir à suivre deux traitements somatiques. Il devait se rendre chez le dermatologue tous les mois durant six mois pour pouvoir bénéficier d'une immunothérapie. Dans un premier temps, il n'y est pas parvenu. Ensuite, il a décidé de recommencer son traitement. Aujourd'hui, il est totalement guéri. Il peut à nouveau s'approcher des gens sans que ceux-ci ne reculent en pensant qu'il a la lèpre", se réjouit la médecin cheffe du service de médecine générale. "Dans ce cas précis, nous avons intégré le dermatologue dans la boucle. Des visioconférences ont été organisées", précise le Dr Oswald. "Il est important de travailler sur les préjugés. C'est ce qui se fait, entre autres, dans le cadre de la Semaine de la santé mentale qui se tient du 10 au 16 octobre. Il faut parfois aussi expliquer aux médecins qu'ils ne risquent rien lors d'une consultation avec un patient psychiatrique."Le Dr Oswald souligne que l'objectif de cette approche globale n'est pas de se substituer à l'hôpital général. "Nous n'avons ni les ressources, ni le matériel pour le faire. Nous sommes vraiment complémentaires. Nous le sommes aussi avec les médecins traitants. Évidemment à Bruxelles, il y a le problème de la disponibilité des médecins généralistes, déjà débordés. Lorsqu'un patient psychiatrique a un médecin généraliste, nous lui proposons de participer à la concertation. L'hôpital psychiatrique n'a pas vocation à faire le travail des autres, mais veut mieux s'intégrer dans le trajet de soins et réunir les expertises autour du patient lorsque celui-ci vient à l'hôpital psychiatrique. Cela permet d'initier la vaccination, d'adapter l'alimentation..." "Nous essayons également d'intégrer les familles ou les proches des patients pour, par exemple, les accompagner en consultation. Cela favorise une dynamique commune", ajoute Patricia Kirkove.