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Il arrive encore souvent que des médecins attribuent les symptômes des voies respiratoires inférieures (en particulier lorsqu'ils sont récurrents ou chroniques) à l'asthme ou à la BPCO et initient un traitement sur la seule base d'un diagnostic clinique. Un exemple: dans l'étude de population BOLD (Burden of Obstructive Lung Disease) couvrant une vingtaine de pays, 63% des patients qui se disaient porteurs d'une BPCO diagnostiquée par un médecin n'avaient pas bénéficié d'une spirométrie. Et on ne parle pas d'une époque lointaine, puisque la publication date de 2019 [1]. Pourtant, les études prospectives n'ont pas manqué pour montrer que les symptômes évoqués lors de l'anamnèse clinique ne permettent pas d'affirmer avec certitude l'existence réelle d'un asthme ou d'une BPCO. La dyspnée et le wheezing n'ont en effet rien de spécifique. Au final, d'après une étude publiée récemment par le BMJ[2], on peut estimer qu'environ un tiers des diagnostics d'asthme et de BPCO posés sur la seule base de critères cliniques sont erronés. Les auteurs ont effectué une recherche de la littérature pour identifier les articles publiés au sujet des diagnostics erronés d'asthme et de BPCO dans le cadre des soins primaires, des conséquences qui en découlent et des facteurs tant favorables que défavorables à l'utilisation de la spirométrie à ce niveau. Ils ont ainsi pu confirmer dans les grandes lignes l'étude BOLD, en observant au travers des études existantes que plus de la moitié des patients diagnostiqués porteurs d'un asthme ou d'une BPCO n'ont pas bénéficié d'un examen objectif de la fonction pulmonaire. Dans des études canadiennes de population, 43% seulement des patients ayant reçu un nouveau diagnostic d'asthme avaient subi un test de la fonction pulmonaire dans l'année qui avait suivi le diagnostic. Une étude des données administratives américaines a débouché sur un chiffre comparable (48%). Plus près de nous, une étude italienne plus modeste a trouvé que les patients vus dans un laboratoire de spirométrie et ayant déclaré un diagnostic médical d'asthme n'étaient que 55% à avoir bénéficié d'une spirométrie antérieure. Les auteurs de l'étude publiée dans le BMJ[2] rappellent que les guidelines internationales, notamment GINA (Global Initiative for Asthma) et GOLD (Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease), recommandent des tests objectifs de la fonction pulmonaire, en commençant par une spirométrie pré/post-bronchodilatation en cas de suspicion d'asthme chez des personnes âgées d'au moins six ans et en cas de suspicion de BPCO chez n'importe quel individu. Si, en routine clinique, on craint plus souvent le sous-diagnostic que le surdiagnostic lié à l'absence de tests de la fonction pulmonaire, le risque de ce dernier doit être bien pris en compte. Plusieurs études en ont montré les inconvénients: - Traitements inutiles, - Effets indésirables de ces traitements, - Absence ou retard dans le diagnostic et le traitement de l'affection réellement présente (dont la cardiopathie ischémique, les bronchectasies, le reflux gastro-oesophagien ou l'anxiété), - Impact sur la qualité de vie du patient par la perception erronée d'une maladie chronique, - Coût individuel et sociétal des médicaments inutiles. Il est clair que les obstacles à l'utilisation des tests de la fonction pulmonaire pour le diagnostic de l'asthme (et de la BPCO) dépendent fortement du contexte, avec un accès à la spirométrie qui varie d'un pays à l'autre - et même entre les différentes régions d'un pays. Dans le cadre des soins primaires, certains médecins proposent une spirométrie en cabinet tandis que d'autres envoient leurs patients dans un laboratoire d'analyse de la fonction pulmonaire ou chez un pneumologue. Les obstacles au testing au niveau de l'échelon primaire comprennent le manque de connaissances du médecin sur le rôle de la spirométrie et sur sa nécessité (y compris dans le suivi du patient) et le manque de compétences en la matière. Mais il s'y ajoute plus fréquemment, dans certains pays comme la Belgique, des avis contrastés sur le niveau de remboursement pour un acte jugé parfois trop chronophage (ce que contestent de nombreux spécialistes) dans un contexte de pénurie médicale et de surcharge de travail. Par ailleurs, certains médecins affirment que les patients ne sont pas rares à exprimer de la réticence à réaliser le test, par crainte ou (soi-disant?) par manque de temps. Un autre piège: croire un peu vite un nouveau patient qui affirme en toute bonne foi souffrir d'asthme depuis longtemps mais sans pouvoir présenter le moindre rapport médical pour l'attester. Le pseudo- diagnostic aurait été posé par un médecin difficilement joignable, quand ce n'est pas, chez les migrants, par la famille restée au pays. Certains médecins réticents face à la réalisation d'une spirométrie se basent encore sur la débitmétrie de pointe (peakflow), qui est peu onéreuse et très simple à réaliser. Il ne faut cependant pas perdre de vue que les résultats manquent de précision, et qu'ils dépendent notamment de l'effort que le patient est capable de fournir. Bien sûr, on pourra toujours affirmer qu'un tiens vaut mieux que deux tu l'auras, et que la mesure du débit de pointe peut toujours servir de base à l'initiation d'un traitement provisoire, dans l'attente d'une spirométrie confirmant ou infirmant le diagnostic.