...

La polykystose hépatique (PKH) est une maladie génétique bénigne peu fréquente, caractérisée par la présence dans le foie de plusieurs dizaines de kystes remplis de liquide. Dans 80% des cas, la maladie sera associée à une polykystose rénale (polykystose rénale autosomique dominante ou PKRAD), sensiblement plus courante, mais la majorité des patients porteurs de kystes à la fois hépatiques et rénaux n'auront jamais de problèmes de foie. Le sous-groupe des femmes de 30 à 50 ans est toutefois sujet aux kystes à croissance rapide, qui s'accompagnent de symptômes invalidants. Il est donc important que le généraliste pense à garder ces patientes à l'oeil. La PKH devient symptomatique lorsque les kystes hépatiques grandissent au point d'engendrer une hépatomégalie à brève échéance. Les plaintes caractéristiques sont une sensation de tension dans l'abdomen, qui finit au fil du temps par nécessiter la prise d'antalgiques, et une compression de l'estomac qui limite fortement la quantité de nourriture que les patients sont capables d'absorber. Ce second problème peut être responsable, à terme, des complications les plus redoutables de la maladie: la malnutrition et la sarcopénie. " Une éventuelle contraception hormonale devra être interrompue dès le moment où une PKH devient symptomatique - c'est probablement le message le plus important à faire passer à la première ligne", estime le Pr Nevens. "Il a en effet été clairement démontré que la pilule stimule les kystes hépatiques à poursuivre leur croissance." La polykystose hépatique ne débouchera jamais sur une cirrhose ou une dysfonction de l'organe, et une évolution maligne n'est pas à craindre. " Il est vraiment question d'une situation bénigne, et il conviendra donc de ne pas exposer les patients à des risques inutiles", souligne l'expert. "Un suivi radiologique annuel n'est pas indiqué. L'imagerie (et l'exposition aux rayons qui y est associée) n'est utile que lorsqu'elle poursuit un objectif concret, comme par exemple le diagnostic initial ou l'exclusion d'une appendicite aiguë en présence de plaintes localisées2." La chirurgie non plus n'est pas indiquée pour les kystes diffus. L'ablation d'une partie du foie s'accompagne en effet d'une morbidité (fuites biliaires, p.ex.) et d'une mortalité considérables, alors qu'elle n'offre même pas une solution définitive, puisque les kystes finiront inévitablement par revenir. " Il ne faudrait l'envisager que pour des kystes isolés de grande taille qui provoquent des plaintes", précise le Pr Nevens. Une consultation génétique, enfin, n'est pas utile en cas de PKH. "Plusieurs mutations peuvent en être responsables et il n'est pas démontré qu'une mutation donnée soit associée à un risque plus élevé de souffrir d'une forme progressive (contrairement à ce que l'on observe pour la PKRAD)", explique le Pr Nevens. En outre, il peut aussi être question d'une mutation spontanée en l'absence de tout antécédent familial de kystes hépatiques ou rénaux. La génétique de la PKH est encore loin d'avoir livré tous ses secrets et il s'agira donc surtout, pour le médecin traitant, de rassurer les parents. "Même si leur enfant devait hériter de leur PKH, il faut savoir que 15% des patients seulement développent effectivement des symptômes", souligne l'hépatologue. Il recommande personnellement une échographie vers l'âge de 18 ans. Si celle-ci révèle des kystes et que des symptômes se manifestent par la suite, la première mesure à prendre sera, là aussi, le cas échéant, d'arrêter la pilule. Le fait d'être une maladie bénigne n'empêche malheureusement pas la PKH de provoquer de nombreux problèmes. " Les plaintes doivent vraiment être prises au sérieux et, dans certains cas, un traitement sera nécessaire", poursuit le Pr Nevens. On commencera alors par examiner si le patient est candidat à un traitement médicamenteux par analogues de la somatostatine. Ces injections, qui doivent être administrées de façon prolongée, vont soulager la pression au niveau du foie et permettre ainsi aux patients de mieux manger et de se passer d'antalgiques. "Pour l'heure, cela reste une utilisation off-label, en-dehors des indications reconnues. Des études sont toutefois en cours pour faire breveter certains analogues dans la PKH afin que ces produits puissent être plus largement utilisés." Si cette approche échoue et que le patient présente des signes manifestes de malnutrition et une mauvaise qualité de vie, on pourra envisager une greffe de foie. "C'est le seul traitement curatif. Le nouveau foie ne développera pas de nouveaux kystes", souligne l'hépatologue. Cela peut sembler une indication assez curieuse pour une transplantation, puisqu'il n'est question ni d'une défaillance hépatique ni d'un cancer. Elle est toutefois acceptée dans le système d'allocation des organes d'Eurotransplant, en partie parce que le risque de complications (au cours de l'intervention et après) est faible dans cette population. Dans la mesure où les listes d'attente se basent sur la fonction hépatique et le risque de décès, ces patients doivent toutefois se voir accorder une exception. "Cela reste une intervention très invasive et le nombre de foies disponibles est très limité. Les critères pour bénéficier de cette mesure d'exception sont donc draconiens", précise encore le Pr Nevens.