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Très complète, l'exposition suit pas à pas le développement... photographique d'un artiste qui fut d'abord - la partie consacrée aux archives en atteste - peintre dans la veine d'un Gerhard Richter des débuts, mais en beaucoup moins bon. Riche idée dès lors de sa part de choisir la photographie, médium dans lequel il commence par photographier des paysages urbains en noir et blanc puis en couleur à la mode de Walker Evans, de Saint-Pétersbourg, Düsseldorf, villes saisies dans un état de sidération ou de vide intersidéral, puisqu'elles se révèlent étonnamment vides : ce qui fait en partie l'attrait de ses photographies. Un côté en pleine face, qui rappelle les cartes postales de Cologne que l'artiste collectionne dans sa jeunesse.Une mélancolie profonde sourd de ses vues qui évoquent celle des paysages industriels en déshérence de Bernd et Hilla Bercher, dont Struth se réclame. Les clichés, notamment de buildings de Tokyo, sont mis en regard de portrait de la famille Ma à Shanghaï en 96. Au départ basé sur un travail en compagnie d'un psychothérapeute allemand qui voulait se servir de photographies familiales dans le cadre de sa thérapie, ces grands portraits de famille, posés, racontent chacun, au travers de chaque visage, une histoire, l'épopée d'un clan que le spectateur ne peut s'empêcher d'imaginer. Un tableau qui, comme chez Hopper, suscite un récit bien plus grand que la simple vue qu'il propose au premier abord, notamment au point de vue du contexte social, dans le décor où la famille prend la pose : dans un jardin, un parc ou une cuisine. D'ailleurs, l'impression de voir les paysages prendre la pause prévaut également quand on y pense : de la réalité, Struth fait des portraits plutôt que des prises de vues.Portraits peintures, les photos de musées du photographe allemand renforcent encore l'idée du photographe comme peintre à la caméra qui ambitionne de s'inscrire dans l'histoire de l'art dans ses grands clichés qui saisissent le public devant les toiles du Prado, du Louvre ou de L'Ermitage devant les oeuvres de Velasquez, Seurat ou des Primitifs flamands. D'ailleurs, l'une des photographies, de dimension plus humble, montre l'autoportrait de Dürer conservé à la Pinacothèque de Munich montrant l'épaule du photographe à sa droite. Sa signature ?Quand, dans d'immenses tirages, il décrit superbement le paradis retrouvé, en photographiant une végétation luxuriante au Brésil, en Australie, en Chine, au Japon ou en Allemagne, dans la tradition luthérienne de l'amour des forêts, il évoque une sorte de Douanier Rousseau réaliste, paradisiaque en effet : un Eden dont auraient été chassés hommes et animaux.Même lorsqu'il photographie Disneyland, il parvient à évacuer toute figure humaine ou Disney : ces décors se retrouvant alors nus sont soudain dépouillés de kitsch, deviennent de beaux paysages qui ne sont plus souillés par l'Homme, qui les a pourtant fabriqués.Passant de la macrophotographie pour des clichés floraux destinés aux chambres du nouvel hôpital de Winterthur en Suisse, aux grands paysages montrant la partition israélo-palestinienne dans les Territoires occupés (Ramallah, Jérusalem-Est), dans leurs contrastes (flaques d'eau croupie d'un côté, cités-dortoirs de l'autre), évoquant même l'occupation annexion du Golan (vue du Mont Bental), Struth se fait soudain plus politique.Si sa technique de peinture de la réalité à l'aide de clichés semble vertigineuse, notamment dans les grandes photographies montrant l'activité humaine, une plate-forme pétrolière amarrée, une salle d'opération, un aquarium à Atlanta, le laboratoire de chimie de l'université d'Édimbourg, une colonne de distillation à Gladbeck, on a parfois l'impression d'une simple performance (technique), voire d'une installation.Pourtant, Struth reste peintre lorsque, à partir de 2016, collaborant avec l'institut Leibniz de recherche zoologique et faunique de Berlin, il photographie des animaux morts (zèbre, renard, aigle de mer, panthère....) sous forme de nature... morte : son objectif se voulant aussi précis dans son détail des plumes ou du pelage que les peintres animaliers renaissants flamands, comme Fyt notamment.Si Dürer fut un maître en gravure, Struth qui semble s'en réclamer, a délaissé la photogravure pour exceller en photo-peinture...