Le journal du Médecin: Depuis quand la médecine d'urgence fait-elle face à une pénurie de médecins ?

Pr Patrick Van de Voorde: Pour bien appréhender le problème, il faut comprendre son évolution. Il y a environ dix ans, la médecine d'urgence est devenue une spécialité à part entière. Jusque-là, beaucoup de gens pouvaient travailler dans les services d'urgence. Il pouvait s'agir de généralistes ayant suivi une courte formation supplémentaire, ou bien d'autres spécialistes également entraînés à la médecine d'urgence, le plus souvent des anesthésistes. Mais presque tout le monde pouvait le faire. C'était aussi un département très ouvert: les chirurgiens s'occupaient des patients chirurgicaux, les orthopédistes de la traumatologie, les pédiatres des enfants, et cætera... En fait, le seul élément qui nous unissait, c'étaient les infirmières de ce service.

Avec autant d'affluence et aussi peu de personnel, il y a définitivement un risque pour les patients." - Pr Patrick Van de Voorde, urgentiste à l'UZ Gent

Première évolution, bien sûr, elle est devenue une spécialité à part entière. Les besoins en termes de qualité des soins, de meilleure gestion et de continuité étaient énormes. Beaucoup de patients ne pouvaient pas être orientés vers une discipline spécifique dès le départ, donc ils devaient passer de médecin en médecin. Tout cela a fait de la médecine d'urgence une spécialité autonome. C'est donc une discipline très jeune. Chaque année, le nombre de médecins urgentistes augmente. Mais les services d'urgence sont également en pleine expansion! Si l'on regarde les chiffres sur dix ans, on a augmenté d'un tiers, voire de moitié. Le nombre de patients dans la plupart des services d'urgence a même parfois doublé. Cela s'explique: les gens vieillissent, il y a plus de soins prodigués, les séjours ambulatoires à l'hôpital sont plus courts... Ce qui a également changé, c'est qu'en première ligne, aujourd'hui, la majorité des patients relève désormais des médecins d'urgence. Voilà l'évolution: nous grandissons, mais la quantité de travail que nous recevons en tant que médecins urgentistes augmente également. Et ne fera que croître au cours des prochaines années.

Le quota actuel ne compense que les départs

Les jeunes médecins sortant des études ne suffisent pas à compenser ces besoins?

Il y a une tendance, même chez les urgentistes, à essayer d'avoir un peu de vie sociale. Travailler 80 ou 90 heures par semaine n'est plus considéré comme "normal". Pour faire ce que vous pouviez faire avec un seul médecin avant, vous avez donc maintenant besoin de 1,6 ou 1,7 équivalent temps plein. Cela aussi a un impact. C'est un problème pour les plus petits services: d'une part, vous avez besoin d'un nombre suffisant de personnel pour pouvoir répondre aux besoins. Le SMUR doit également être doté en personnel. Ensuite, vous avez besoin d'une personne sur votre plateforme 24h/24 car la médecine d'urgence fonctionne sans arrêt. Donc, même les plus petits services d'urgence ont besoin d'entre huit et dix équivalents temps plein juste pour fonctionner. S'ils en sont actuellement à deux ou trois, ce n'est pas très attractif pour un jeune médecin qui commence à travailler.

Ces services font donc vraiment face à de graves problèmes. Juste pour augmenter le nombre et maintenir l'activité, ils cherchent des personnes issues d'autres disciplines, ou travaillant dans des services différents de celui des urgences, mais ce ne sont pas toujours les meilleures personnes (voire des médecins de l'étranger, qui ont des problèmes de langue).

Comment se répercute cette pression sur le travail des médecins urgentistes?

Il y a beaucoup d'épuisement professionnel dans la discipline. Ce que l'on voit aussi souvent, c'est que les médecins tentent en quelque sorte de s'échapper. Il y a déjà plusieurs personnes en médecine d'urgence qui font d'autres choses à côté: les assurances, des tâches juridiques... Je connais même deux médecins d'urgence qui ont quitté la clinique. Il y a tellement de pression sur le travail que les gens abandonnent. C'est simple: avec autant d'affluence et aussi peu de personnel, il y a définitivement un risque pour les patients.

On doit donc continuer à augmenter le nombre de médecins urgentistes. On forme déjà pas mal de gens, mais juste assez pour remplacer ceux qui arrêtent. Donc, on n'est pas réellement renforcés. Je pense que nous sommes pour le moment environ 600 à 700 détenteurs d'un numéro Inami en soins aigus ou en médecine d'urgence - mais probablement moins. Mais tous ne pratiquent pas. On aurait probablement besoin de 1.200 à 1.500 médecins pour que ça fonctionne.

Le journal du Médecin: Depuis quand la médecine d'urgence fait-elle face à une pénurie de médecins ?Pr Patrick Van de Voorde: Pour bien appréhender le problème, il faut comprendre son évolution. Il y a environ dix ans, la médecine d'urgence est devenue une spécialité à part entière. Jusque-là, beaucoup de gens pouvaient travailler dans les services d'urgence. Il pouvait s'agir de généralistes ayant suivi une courte formation supplémentaire, ou bien d'autres spécialistes également entraînés à la médecine d'urgence, le plus souvent des anesthésistes. Mais presque tout le monde pouvait le faire. C'était aussi un département très ouvert: les chirurgiens s'occupaient des patients chirurgicaux, les orthopédistes de la traumatologie, les pédiatres des enfants, et cætera... En fait, le seul élément qui nous unissait, c'étaient les infirmières de ce service.Première évolution, bien sûr, elle est devenue une spécialité à part entière. Les besoins en termes de qualité des soins, de meilleure gestion et de continuité étaient énormes. Beaucoup de patients ne pouvaient pas être orientés vers une discipline spécifique dès le départ, donc ils devaient passer de médecin en médecin. Tout cela a fait de la médecine d'urgence une spécialité autonome. C'est donc une discipline très jeune. Chaque année, le nombre de médecins urgentistes augmente. Mais les services d'urgence sont également en pleine expansion! Si l'on regarde les chiffres sur dix ans, on a augmenté d'un tiers, voire de moitié. Le nombre de patients dans la plupart des services d'urgence a même parfois doublé. Cela s'explique: les gens vieillissent, il y a plus de soins prodigués, les séjours ambulatoires à l'hôpital sont plus courts... Ce qui a également changé, c'est qu'en première ligne, aujourd'hui, la majorité des patients relève désormais des médecins d'urgence. Voilà l'évolution: nous grandissons, mais la quantité de travail que nous recevons en tant que médecins urgentistes augmente également. Et ne fera que croître au cours des prochaines années. Les jeunes médecins sortant des études ne suffisent pas à compenser ces besoins? Il y a une tendance, même chez les urgentistes, à essayer d'avoir un peu de vie sociale. Travailler 80 ou 90 heures par semaine n'est plus considéré comme "normal". Pour faire ce que vous pouviez faire avec un seul médecin avant, vous avez donc maintenant besoin de 1,6 ou 1,7 équivalent temps plein. Cela aussi a un impact. C'est un problème pour les plus petits services: d'une part, vous avez besoin d'un nombre suffisant de personnel pour pouvoir répondre aux besoins. Le SMUR doit également être doté en personnel. Ensuite, vous avez besoin d'une personne sur votre plateforme 24h/24 car la médecine d'urgence fonctionne sans arrêt. Donc, même les plus petits services d'urgence ont besoin d'entre huit et dix équivalents temps plein juste pour fonctionner. S'ils en sont actuellement à deux ou trois, ce n'est pas très attractif pour un jeune médecin qui commence à travailler. Ces services font donc vraiment face à de graves problèmes. Juste pour augmenter le nombre et maintenir l'activité, ils cherchent des personnes issues d'autres disciplines, ou travaillant dans des services différents de celui des urgences, mais ce ne sont pas toujours les meilleures personnes (voire des médecins de l'étranger, qui ont des problèmes de langue). Comment se répercute cette pression sur le travail des médecins urgentistes? Il y a beaucoup d'épuisement professionnel dans la discipline. Ce que l'on voit aussi souvent, c'est que les médecins tentent en quelque sorte de s'échapper. Il y a déjà plusieurs personnes en médecine d'urgence qui font d'autres choses à côté: les assurances, des tâches juridiques... Je connais même deux médecins d'urgence qui ont quitté la clinique. Il y a tellement de pression sur le travail que les gens abandonnent. C'est simple: avec autant d'affluence et aussi peu de personnel, il y a définitivement un risque pour les patients. On doit donc continuer à augmenter le nombre de médecins urgentistes. On forme déjà pas mal de gens, mais juste assez pour remplacer ceux qui arrêtent. Donc, on n'est pas réellement renforcés. Je pense que nous sommes pour le moment environ 600 à 700 détenteurs d'un numéro Inami en soins aigus ou en médecine d'urgence - mais probablement moins. Mais tous ne pratiquent pas. On aurait probablement besoin de 1.200 à 1.500 médecins pour que ça fonctionne.