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Prenant pour socle l'Exposition universelle de Bruxelles de 1897 qui vit plus de 267 Congolais mis en pâture dont sept mourront de maladie, l'expo met en exergue cette pratique qui eut cours du milieu du 18e siècle jusqu'au milieu du 20e, attirera plus d'un milliard et demi de spectateurs et consistera aussi bien en du voyeurisme que de la science et du racisme, justifiant au passage le colonialisme. Un tableau introductif intitulé La civilisation au Congo montrant un Blanc usant de la chicotte et signé Edmond Mandau, illustre parfaitement dans quelle optique se trouve l'oeuvre du colonisateur. Si la première exposition coloniale belge "exposant" des Africains à lieu à Anvers en 1885, ce n'est pas une nouveauté. Comme l'explique très bien l'expo au travers de plus de 500 objets, documents, affiches photographies et films, notamment les premiers des frères lumières qui montrent notamment le bain des Africains au Jardin d'acclimatation de Paris, où les badauds jettent de la nourriture à leurs frères humains! , tout cela a débuté avec la Vénus hottentote exhibée notamment pour ses fesses au début du 18e, montrée en Europe, disséquée en France et dont la dépouille sera ramenée en Afrique du Sud à la demande de Nelson Mandela, en 2002 et cérémonieusement enterrée chez elle. Barnum et Buffalo Bill ne firent pas mieux, tout comme les cabinets de curiosité, homme éléphant, siamois... tout concourt à montrer l'autre comme différent, bizarre ou difforme. Bref: autre et pas normal, pas comme nous. Ceci dans un 19e qui tente de justifier l'oeuvre coloniale en déterminant les races suivant la longueur et la largeur du cerveau à l'aide d'un craniographe montré dans l'expo: il servait à montrer la différence entre Français et Allemands, Wallon et Flamand et bien sur civilisés donc Occidentaux et "Sauvages". Accrochée à la vitrine qui présente cet "instrument", une citation d'Abd El-Kader en 1866: " ne demandez jamais quelle est l'origine d'un homme ; interrogez plutôt sa vie, son courage, ses qualités, et vous saurez qui il est." Outre quantité de photos édifiantes de l'Exposition universelle d'Anvers en 1894, notamment celle qui montre deux Africains en pagne avant, et habillés à l'occidentale après l'expo!, les bustes de Congolais anthropologiques d'Arsène Matton réalisés au Congo en 1911, l'on voit que dans ses zoos humains, l'on exhibe également des Indiens, des Inuits, des Javanais ou des Lapons... Parfois avec des visées d'unité nationale lorsqu'à Nancy, en 1909, l'on exhibe des Alsaciens et leurs coutumes en provenance de la province perdue à l'ennemi allemand et qu'il s'agit de reconquérir. L'expo de Bruxelles en universelle de 97 (affiche art nouveau de Privat-Livemont, est l'occasion des premières critiques dans L'assiette au beurre de Paris qui montre un Léopold II pendu avec pour titre Le cimetière libre du Congo. Outre les massacres de villages perpétrés et l'usage connu de la chicotte, la presse nationale, Le National justement et Bruxelles Exposition ne cachent pas leurs doutes et critiques. Paul Panda Farnana, recueilli en Belgique et élevé par la fortunée Madame Derscheid, devint un violoniste distingué au tournant du siècle et devint un fer de lance dans la lutte anticoloniale. L'implication des Africains dans le premier puis le deuxième conflit mondial, les protestations croissantes verront les zoos humains peu à peu disparaître (une exposition coloniale aura lieu en Afrique à Elisabeth ville en 1931). le fameux gouverneur du Congo Pierre Ryckmans qui mit le Congo belge et son uranium au service des Alliers durant la guerre, plaidera, celle-ci enfin terminée, pour la non-exportation des pièces uniques de l'art de la colonie dont écrivait-il " les Belges sont responsables en tant que tuteurs". Au début des années 50, des Noirs "éduqués" rendent hommage à Tervuren aux victimes de l'exposition de 1897. Le cinéma a, au cours des années 30, remplacé les zoo humains, notamment au travers de King Kong ou Freaks et dans un autre domaine que celui de la fiction, celui du documentaire, le dernier produit par la Belgique et intitulé Les seigneurs de la forêt, réalisé par Henry Brandt, date de 1958. Le dernier zoo humain également, puisque, durant l'exposition universelle de Bruxelles, une "Cité africaine" voit le jour, où des Congolais sont exposés, dont un bébé de huit mois, Juste Bonaventure, qui décèdera de maladie le 22 mai 58... Il est enterré à Tervuren, où une stèle rappelle sa disparition, non loin de ses sept prédécesseurs et, comme lui,... victimes.