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"Nous avons une vision assez progressiste de la médecine", explique Ahmed Goubella, président du Modes. "Nous voyons le médecin non seulement dans son environnement de travail, mais également dans les soins de santé en général. La place d'un syndicat est de proposer des solutions face aux défis futurs."La difficulté d'un syndicat qui regroupe tous les spécialistes est d'avoir une voix commune. "Chacune des professions a des particularités et des besoins propres. Néanmoins, il y a des éléments qui les rassemblent. L'un des défis est de trouver sa place au sein de l'hôpital, avec, en ligne de mire, la réforme de la nomenclature. La transition écologique est également très importante, notamment aux yeux de la jeune génération. Et d'autres thématiques sont transversales et rassemblent toutes les spécialités, à l'instar de la santé mentale, du vieillissement."Face aux autres syndicats, le Modes ne choisit pas la confrontation, mais désire faire connaître ses idées et montrer des ambitions progressistes. "Progressistes ne veut pas dire inféodées: notre ambition est d'abord de défendre le médecin, et la place du médecin au sein du système de santé."Inévitablement, on retrouve le syndicat dans le débat sur la réforme du financement hospitalier et de la nomenclature. Le Dr Jonathan Brauner, médecin biologiste et administrateur délégué à ces réformes pour le Modes, fait actuellement partie de la task force fédérale menée par Johan Kips sur la réforme de la nomenclature. Concernant le financement hospitalier, Ahmed Goubella estime que "l'on ne peut plus rendre les hôpitaux dépendants des suppléments d'honoraires. C'est malsain. Il faut réfléchir à une autre voie." Enfin, "les médecins doivent avoir un mot à dire sur l'organisation générale d'un hôpital et sur son mode de fonctionnement. C'est un combat que nous menons avec Thomas Gevaert, président du Cartel et coprésident de l'ASGB."Le syndicat se distingue également au sujet de la planification de l'offre médicale. "Il y a des zones, des spécialités en pénurie. Les projections sont affolantes. Depuis dix ans, nous militons pour une certaine idée de la planification, celle d'une couverture médicale qui permette d'apporter des soins de qualité à toute la population. Cela fédère l'ensemble des médecins et cela nous différencie des autres syndicats défendant les professionnels de la santé."Ce qui différencie surtout le Modes, c'est l'attrait des jeunes pour le syndicat, singulièrement depuis la crise du covid. L'appel à cotisation lancé pour 2023 a vu la moyenne d'âge des cotisants passer sous la barre des 40 ans. "Une surprise agréable", commente Ahmed Goubella, "car on dit souvent que les médecins manquent de conscience politique. On constate le contraire.""Au départ, l'objectif n'est pas d'intégrer spécifiquement des jeunes médecins", explique le Dr Élisa Kottos, porte-parole du Modes. "Mais tous les enjeux que nous défendons nécessitent l'intégration des jeunes. La transition écologique, la qualité de vie du médecin sont des enjeux qui doivent être discutés par les jeunes médecins. Les aspirations des hommes et des femmes médecins, le besoin d'un équilibre entre vie privée et vie professionnelle et la vision du travail du médecin ne sont plus du tout les mêmes qu'il y a 20 ans. Les jeunes médecins sont attirés par le Modes car ils se rendent compte qu'ils ne peuvent pas évoluer dans un système de soins sans se préoccuper de qui l'organise, du pourquoi, du comment."Des initiatives sont prises, à l'instar des cafés débats, pour permettre à tous les médecins que leur voix compte. "Notre but est d'ouvrir les horizons et offrir une écoute à des personnes qui ne se sentent pas entendues dans le système de santé actuel", continue le Dr Kottos. "Ils sont nombreux, malheureusement, à se sentir démunis malgré toutes les structures qui existent actuellement. L'idée est d'offrir un nouveau moyen pour eux de s'exprimer. C'est comme ça que je suis arrivée. Le système de santé dans lequel j'évolue ne me convient pas. Je suis déroutée. J'ai eu besoin d'un nouveau canal pour prendre en main mon destin de médecin belge et pour avoir le sentiment de faire partie du système de santé, et pas seulement de le subir. C'est la force du Modes: offrir une nouvelle possibilité aux médecins qui se sentent démunis et seuls face à leurs frustrations d'évoluer dans un système qui ne leur convient pas.""Le syndicalisme est l'une, si pas la seule, des représentations où l'on peut faire entendre notre voix en tant que médecin au sein du système de soins. Le problème, c'est la méconnaissance du syndicalisme médical", estime le président du Modes. "Pendant les études, les cours sur le sujet sont marginaux et, sans froisser personne, ce ne sont pas les cours qui intéressent le plus car il n'y a pas de conscience du monde dans lequel on va évoluer en tant que professionnel des soins. Cette conscience vient plus tard. Je pense qu'il est important d'avoir une attitude pédagogique à cet égard en tant que syndicat. Une grande partie de l'absence de votes lors des dernières élections est liée au manque d'informations: beaucoup ne savaient même pas que c'étaient les élections et ne connaissaient pas les enjeux. Je suis confiant que nombre voteront. C'est important car au sein des centres de décision, on entend parfois des remarques. Des syndicats qui ne récoltent que 18% des votes de l'ensemble des médecins, qui représentent-ils? C'est la question. Nous lançons donc un appel solennel à tous nos confrères et consoeurs: nous ne voulons plus entendre ça, alors votez."