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Les réactions de nos lecteurs vont souvent dans le même sens: manque de compréhension de la part des autorités pour le travail du médecin qui doit se déplacer, parfois rapidement, au domicile du patient et pouvoir y stationner son véhicule sans risquer de se retrouver avec une amende salée ou de voir sa voiture embarquée par une "dépanneuse" et absence d'une politique cohérente permettant au prestataire de soins de disposer, pour une somme modique, de facilités de stationnement. Les bouchons, les limitations de vitesse à 30 km/h dans certains quartiers et les politiques communales de mobilité irritent également plusieurs de nos lecteurs et lectrices. Le Dr Sam Ward se plaignait récemment dans nos colonnes du manque de concertation autour de l'instauration du plan de mobilité Good Move à Bruxelles, qui a perturbé le bon fonctionnement des ambulances de plusieurs hôpitaux durant plusieurs jours et rend plus difficile l'accès aux institutions de soins du centre de la capitale pour de nombreux travailleurs. "Les services de police, les stewards de contrôle de stationnement et les scancars sont dans l'ignorance totale de l'existence des cartes de stationnement prioritaires pour le personnel soignant ; les billets de stationnement sont déposés sous les essuie-glaces, devant les dites cartes - un comble", témoigne le Dr Fabrice Lauwers. "Chaque mois, je dois payer des amendes pour une centaine d'euros pour mes visites à domicile parce qu'il est de plus en plus difficile de trouver une place de parking à proximité du domicile de mes patients", se plaint un généraliste ucclois qui estime important de pouvoir encore faire des visites au domicile ou en maisons de repos. L'Observatoire de la santé de la Région de Bruxelles-Capitale a mené, en collaboration avec les cercles FAMGB et BHAK, une enquête (1) sur les moyens de transport utilisés par les médecins sur le territoire bruxellois. Selon cette étude, un tiers des médecins a abandonné la voiture pour adopter la moto (6%), le vélo (18%), la marche à pied (8%), les transports en commun (2,5%), voire la trottinette. Les auteurs constatent des différences importantes au niveau du genre: 85% des hommes utilisent une voiture ou une moto pour 59% des femmes. Ce sont surtout les jeunes qui ont abandonné ou réduit l'utilisation d'une voiture individuelle: 43% des moins de 35 ans effectuent leur tournée à pied, en vélo, trottinette ou transports en commun. Chez les 35-44 ans, on atteint presque un médecin sur deux. La durée du trajet conditionne naturellement le choix du moyen de déplacement. En région bruxelloise, dans la majeure partie des cas, le trajet (simple) pour une visite à domicile nécessite 15 minutes ou moins (70%). Cependant, 31% des médecins généralistes ont également indiqué dans cette étude qu'ils avaient souvent ou très souvent besoin de 15 à 30 minutes pour un trajet simple. L'étude de l'Observatoire montre également que les généralistes travaillant en pratique pluridisciplinaire utilisent davantage que leurs confrères exerçant en solo les modes alternatifs de transport (voir graphique). Les solos utilisent encore à 81% leur voiture pour se déplacer. Les généralistes travaillant en pratique pluridisciplinaire ne le font plus qu'à 46%. Au niveau local, des initiatives se développent pour favoriser la mobilité douce. Par exemple, la maison médicale du Laveu (Liège) met des vélos électriques à disposition de son personnel pour les visites à domicile. Elle demande d'ailleurs clairement dans une offre de recrutement pour un médecin généraliste qu'il soit titulaire d'un permis de conduire ou accepte de faire ses visites en vélo électrique. Elena Sanchez, médecin généraliste à Houyet, se rend depuis des mois aux domiciles de ses patients et à sa maison médicale de Houyet en vélo électrique. Elle effectue une quarantaine de kilomètre par jour entre son domicile et son cabinet. "J'ai mis un bac de maraîcher sur mon vélo. J'ai une housse pour la pluie. J'ai mon électrocardiogramme. J'ai ma mallette avec tout le matériel dont j'ai besoin, mon ordinateur. C'est comme dans une voiture. Quand j'arrive le matin à la maison médicale, après avoir fait ma route, je suis en pleine forme. J'aime bien aussi en parler avec mes patients. Pour la santé, le sport est important", confie la généraliste à nos collègues de Matélé. Pour les visites à domicile trop éloignées, le Dr Sanchez emprunte une voiture à ses collègues. De nombreux hôpitaux mettent en place des stratégies pour favoriser la mobilité douce pour les patients et les travailleurs. Le CHU Saint-Pierre de Bruxelles, par exemple, a souscrit au projet Bike Project de Bruxelles Environnement. Ce projet s'inscrit dans le cadre du Plan de déplacements entreprise. Quarante membres du personnel de l'hôpital ont chacun reçu un vélo électrique à tester durant 15 jours et ont bénéficié d'un accompagnement individualisé de la part des experts de Pro Velo, une asbl qui accompagne les particuliers, les entreprises et les pouvoirs publics dans leur transition vers le vélo. Les modes de transport vers l'hôpital évoluent également. Verra-t-on bientôt, comme à Paris, des médecins urgentistes s'équiper de vélo-cargo électrique pour pouvoir se déplacer plus rapidement et ne pas craindre d'être verbalisés pour un stationnement gênant?