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Si selon ONU Femmes, au plan mondial, 736 millions de femmes de plus de 15 ans ont subi au moins une fois une violence physique ou sexuelle de la part de leur partenaire ou une violence sexuelle de la part d'une autre personne, on considère, en l'absence de statistiques officielles, que plus d'une femme belge sur trois (36%) de plus de 15 ans aurait subi des violences physiques et/ou sexuelles au cours de sa vie. Dans ce contexte, Question santé est allé cette fois à la rencontre des hommes pour savoir ce qu'ils pensent de #metoo avec l'aide du regard du Pr Jacques Marquet, sociologue à l'UCLouvain. En mettant de côté les "masculinistes", un courant qui considère que le féminisme est l'origine de la misère sexuelle des hommes. La première catégorie d'hommes juge positivement les avancées de #metoo, tels ces trois étudiants: "J'ai été heureux qu'on en parle, qu'on prête enfin attention à ce problème, encore tabou dans certains milieux", assure Noah 1. "Là, il y a eu comme une vague, et c'est très bien." Younes va dans ce sens. "C'est intéressant que les filles lâchent leurs paroles. On savait que [les violences à l'égard des femmes] arrivaient, mais on avait beau le savoir, les gens, les femmes se taisaient. À présent, elles se libèrent. Cela peut contribuer à ce qu'elles se sentent mieux et plus en sécurité... L'époque où la parole était très masculine est terminée. Et c'est quelque chose de juste, tout simplement.""J'ai été heureux d'entendre les langues se délier, surtout dans le monde du sport, dans lequel je suis très impliqué", ajoute Simon. La deuxième catégorie d'hommes interrogés souligne que leur éducation, bien avant l'arrivée de #meetoo, les avait préparés à juger les femmes autrement, dans le respect. Pour certains, leurs soeurs (par ailleurs parfois victimes de drague appuyée voire de harcèlement) y ont contribué. Mathieu, par exemple, était déjà sensibilisé et engagé sur ces problématiques. "Tout ce qui est harcèlement ou certains comportements des hommes envers les femmes m'a toujours dérangé", explique-t-il. "Je n'ai jamais manqué de respect à une fille: ce sont les valeurs que m'ont transmis mes parents", remarque Younes. "Dans ma tête, toute inégalité est injuste et c'est aussi lié à mon éducation et à mon modèle familial, puisque j'ai toujours vu mes parents partager toutes les tâches", précise Ben, 24 ans. Rony estime "qu'en tant qu'homme blanc hétérosexuel - comme il me l'a été reproché lors d'une conversation avec des féministes - je n'ai pas attendu #Me Too pour me réjouir que les femmes puissent accéder aux postes importants (y compris en politique) et considérer qu'elles y jouent un rôle essentiel. Je suis aussi tout à fait d'accord pour un salaire égal pour une même fonction."La troisième catégorie d'hommes interrogés est toutefois "un peu saoulée par toutes ces histoires"."J'ai compris que je faisais partie de la lie de l'humanité, que c'est nul d'être un mec. On peut passer à autre chose?", se lamente Thierry. Toutes les femmes ne sont pas victimes et tous les hommes ne sont pas bourreaux, font remarquer certains hommes: "Il existe une hétérogénéité socio-économique parmi les hommes: certains occupent des positions dominantes, d'autres sont SDF! Tout le monde ne se reconnaît pas dans une position de dominant", insiste un certain Charles. Ben fait remarquer qu'actuellement, "la plainte d'un garçon victime de harcèlement reçoit moins d'audience que celle d'une fille, ou bien est minimisée ou bien fait rire. Le garçon est indistinctement perçu comme un agresseur, et on lui reproche d'oser venir parler de ses plaintes ou de ses souffrances..."Certains, à la lumière de certaines affaires très médiatisées doutent de la véracité des témoignages des femmes. Éric constate que "la situation s'est polarisée, avec des séances de justice expéditive au tribunal de la télévision et allant jusqu'au lynchage sur les réseaux sociaux. Je suis soucieux de la présomption d'innocence, même pour les cas qui semblent les plus monstrueux. Mais là, on l'a soigneusement reléguée au placard." Tristan regrette, lui, que "le bénéfice du doute semble avoir disparu".Bref, certains redoutent que #metoo n'envenime les rapports hommes-femmes au lieu de créer des complémentarités entre les genres et n'amène à une nouvelle guerre des sexes. Si les hommes interrogés sont conscients de la "domination naturelle" qu'ils exercent sur les femmes et sont prêts à s'amender, ils font remarquer que certaines femmes profitent allègrement du changement de paradigme et que certains hommes risquent d'être privés de possibilité de promotion sociale à l'avenir. La plupart pourtant assurent changer leur comportement, être moins "lourds" avec les femmes et plus protecteurs contre de potentielles violences à leur égard. A contrario, conscients qu'il revient souvent à l'homme de faire le premier pas, certains renoncent à la drague ou à conclure de peur d'être accusé de viol. Le Pr Jacques Marquet fait remarquer que certaines relations sexuelles ne sont consentantes qu'en apparence et que le consentement est parfois une notion floue tant pour l'homme que la femme. L'histoire des hommes et des femmes est-il en train de changer définitivement? "Celles et ceux qui aspirent à "ce que cela change", et vite, devront probablement composer avec "l'effet générationnel", présent sur toutes ces questions", conclut le Pr Marquet.