Depuis juillet 2013, les hôpitaux sont soumis à la législation des marchés publics. Cela veut dire qu'ils doivent lancer des marchés publics pour justifier les dépenses liées à leurs besoins en fournitures (appareils médicaux, médicaments et produits stériles, fournitures diverses, consommables,...), travaux (rénovations, nouvelles constructions,...) et services (consultance, maintenance,...).

"Pour un médecin, un marché public est quelque chose de totalement contre-intuitif", explique d'emblée le Dr Manfredi Ventura. "Les marchés publics sont des procédures complexes qui ne sont pas comprises. Ce sont des procédures relativement neuves dans les hôpitaux. Avant, c'était la loi du marché qui régnait tranquillement." Inutile de dire que les médecins ne reçoivent aucune formation en marchés publics. "Il faut, pour entendre parler de marchés publics, traîner dans les hôpitaux et avoir un rôle de décideur. Le médecin lambda n'a que vaguement entendu parler des marchés publics. C'est un concept vague, complexe qui est là pour lui compliquer la vie."

Pour le médecin, un marché public est nécessairement quelque chose de mauvais, ironise le Dr Ventura. "Lui seul sait ce qui est bon pour ses patients. Tous ceux qui interfèrent dans ce processus n'y connaissent rien." D'aucuns avanceront aussi que les marchés publics vont à l'encontre de la liberté thérapeutique. "Cette sacro-sainte liberté subit déjà de nombreuses contraintes, ne fût-ce qu'à cause de la pénurie de médicaments", balaie le médecin-chef.

Le circuit du médicament

Ce qui conditionne les réactions des médecins face aux marchés publics est le circuit des médicaments, la triade classique médecin, pharmacien et patient. "C'est simple: le médecin prescrit, le pharmacien délivre et le patient prend le médicament. Les choses évoluent et l'on est passé davantage à un quatuor, si pas à un philharmonique, avec la gestion du marché public qui tourne autour de la triade classique avec une cellule de marché public, un rédacteur, un juriste, un acheteur, une centrale d'achats... Le lien entre le médecin et le patient devient donc plus flou."

D'autant plus qu'il y a deux circuits du médicament pour le médecin hospitalier: l'un ambulatoire, l'autre intramuros. "En ambulatoire, le médecin qui fait une consultation se situe dans une triade classique car il peut presque tout prescrire sans contrainte. À l'hôpital par contre, c'est différent puisque le choix est plus restreint, donc plus complexe. L'utilisation de formulaires thérapeutiques dans les hôpitaux pour des raisons de rationalisation fait que le médecin prescripteur n'a pas accès à toutes les molécules, à toutes les galéniques, ni à toutes les marques. Le pharmacien doit donc parfois faire des substitutions, en particulier en cas de pénurie."

Le rôle du médecin dans les marchés publics

Le médecin, en tant qu'expert métier - personne qui possède des connaissances spécialisées dans un domaine particulier - doit s'impliquer dans les marchés publics. Il a tout à gagner, explique le Dr Ventura. "Que ce soit pour les médicaments ou les medical devices, que l'on soit interventionniste, chirurgien ou pharmacien, il faut s'impliquer.Sinon, après, il ne faut pas s'étonner de ne pas être content de certains choix posés par l'hôpital."

"Le médecin a un rôle important dans la prospection et dans l'évaluation du marché", avance même Manfredi Ventura. "En tant qu'expert métier, il connaît le marché, au contraire de l'acheteur qui, quand il découvre un nouveau produit, ne sait pas très bien où il met les pieds, ne connaît pas la fiabilité de telle ou telle firme. Les médecins, avec l'expérience, participent à des congrès, voient ce qui se fait à l'étranger. Ils ont discuté avec des collègues et ils savent ce qu'ils veulent, et surtout ce qu'ils ne veulent pas."

Le médecin doit, dans cette optique, participer à la rédaction du cahier des charges. "C'est en tout cas comme cela qu'on le conçoit dans mon institution", explique le directeur médical du GHdC. "Il faut évidemment certains prérequis: il ne faut pas avoir les idées arrêtées et ne pas venir avec des choix préconçus. Parfois, des médecins arrivent en demandant qu'un produit propose un emballage vert et blanc ou que la gélule soit jaune. Et je ne parle pas des medical devices au sujet desquels c'est encore pire! Ce n'est pas comme cela qu'il faut procéder."

Pour Manfredi Ventura, le médecin doit apporter sa vision, notamment au sujet de la qualité du produit. "Il doit évaluer davantage la conformité et la qualité d'un produit que son prix, qui doit finalement rester quelque chose dont il n'a pas vraiment conscience pour rester relativement neutre. De toute manière, en pratique, ce n'est pas lui qui paie. S'il met l'hôpital en déficit à cause d'un choix de médicaments, cela aura par contre une influence pour son portefeuille. Certains ont du mal à comprendre cela."

Marchés publics et exigences médicales

"Marchés publics et exigences médicales, ce n'est donc pas antinomique", explique le médecin chef. "Un médecin peut très bien fonctionner avec des marchés publics. Il suffit de savoir s'y prendre, mais c'est un travail en profondeur. Il faut comprendre ce qu'est un marché public et il y a un besoin de formation dans ce domaine."

In fine, tout le monde au sein de l'hôpital doit être convaincu de l'intérêt des marchés publics. "Cela permet d'élever le niveau d'exigence, de réfléchir sur les produits que l'on prescrit et de réfléchir sur la qualité du produit et pas seulement son prix. Car le marché public n'est pas seulement un outil pour calculer des prix. Le marché public permet au contraire de faire abstraction des biais commerciaux." Et Manfredi Ventura de conclure: "La compréhension et l'implication des médecins dans les marchés publics ouvrent l'esprit des médecins et de nouvelles réflexions."

Depuis juillet 2013, les hôpitaux sont soumis à la législation des marchés publics. Cela veut dire qu'ils doivent lancer des marchés publics pour justifier les dépenses liées à leurs besoins en fournitures (appareils médicaux, médicaments et produits stériles, fournitures diverses, consommables,...), travaux (rénovations, nouvelles constructions,...) et services (consultance, maintenance,...). "Pour un médecin, un marché public est quelque chose de totalement contre-intuitif", explique d'emblée le Dr Manfredi Ventura. "Les marchés publics sont des procédures complexes qui ne sont pas comprises. Ce sont des procédures relativement neuves dans les hôpitaux. Avant, c'était la loi du marché qui régnait tranquillement." Inutile de dire que les médecins ne reçoivent aucune formation en marchés publics. "Il faut, pour entendre parler de marchés publics, traîner dans les hôpitaux et avoir un rôle de décideur. Le médecin lambda n'a que vaguement entendu parler des marchés publics. C'est un concept vague, complexe qui est là pour lui compliquer la vie."Pour le médecin, un marché public est nécessairement quelque chose de mauvais, ironise le Dr Ventura. "Lui seul sait ce qui est bon pour ses patients. Tous ceux qui interfèrent dans ce processus n'y connaissent rien." D'aucuns avanceront aussi que les marchés publics vont à l'encontre de la liberté thérapeutique. "Cette sacro-sainte liberté subit déjà de nombreuses contraintes, ne fût-ce qu'à cause de la pénurie de médicaments", balaie le médecin-chef. Ce qui conditionne les réactions des médecins face aux marchés publics est le circuit des médicaments, la triade classique médecin, pharmacien et patient. "C'est simple: le médecin prescrit, le pharmacien délivre et le patient prend le médicament. Les choses évoluent et l'on est passé davantage à un quatuor, si pas à un philharmonique, avec la gestion du marché public qui tourne autour de la triade classique avec une cellule de marché public, un rédacteur, un juriste, un acheteur, une centrale d'achats... Le lien entre le médecin et le patient devient donc plus flou."D'autant plus qu'il y a deux circuits du médicament pour le médecin hospitalier: l'un ambulatoire, l'autre intramuros. "En ambulatoire, le médecin qui fait une consultation se situe dans une triade classique car il peut presque tout prescrire sans contrainte. À l'hôpital par contre, c'est différent puisque le choix est plus restreint, donc plus complexe. L'utilisation de formulaires thérapeutiques dans les hôpitaux pour des raisons de rationalisation fait que le médecin prescripteur n'a pas accès à toutes les molécules, à toutes les galéniques, ni à toutes les marques. Le pharmacien doit donc parfois faire des substitutions, en particulier en cas de pénurie."Le médecin, en tant qu'expert métier - personne qui possède des connaissances spécialisées dans un domaine particulier - doit s'impliquer dans les marchés publics. Il a tout à gagner, explique le Dr Ventura. "Que ce soit pour les médicaments ou les medical devices, que l'on soit interventionniste, chirurgien ou pharmacien, il faut s'impliquer.Sinon, après, il ne faut pas s'étonner de ne pas être content de certains choix posés par l'hôpital.""Le médecin a un rôle important dans la prospection et dans l'évaluation du marché", avance même Manfredi Ventura. "En tant qu'expert métier, il connaît le marché, au contraire de l'acheteur qui, quand il découvre un nouveau produit, ne sait pas très bien où il met les pieds, ne connaît pas la fiabilité de telle ou telle firme. Les médecins, avec l'expérience, participent à des congrès, voient ce qui se fait à l'étranger. Ils ont discuté avec des collègues et ils savent ce qu'ils veulent, et surtout ce qu'ils ne veulent pas."Le médecin doit, dans cette optique, participer à la rédaction du cahier des charges. "C'est en tout cas comme cela qu'on le conçoit dans mon institution", explique le directeur médical du GHdC. "Il faut évidemment certains prérequis: il ne faut pas avoir les idées arrêtées et ne pas venir avec des choix préconçus. Parfois, des médecins arrivent en demandant qu'un produit propose un emballage vert et blanc ou que la gélule soit jaune. Et je ne parle pas des medical devices au sujet desquels c'est encore pire! Ce n'est pas comme cela qu'il faut procéder."Pour Manfredi Ventura, le médecin doit apporter sa vision, notamment au sujet de la qualité du produit. "Il doit évaluer davantage la conformité et la qualité d'un produit que son prix, qui doit finalement rester quelque chose dont il n'a pas vraiment conscience pour rester relativement neutre. De toute manière, en pratique, ce n'est pas lui qui paie. S'il met l'hôpital en déficit à cause d'un choix de médicaments, cela aura par contre une influence pour son portefeuille. Certains ont du mal à comprendre cela.""Marchés publics et exigences médicales, ce n'est donc pas antinomique", explique le médecin chef. "Un médecin peut très bien fonctionner avec des marchés publics. Il suffit de savoir s'y prendre, mais c'est un travail en profondeur. Il faut comprendre ce qu'est un marché public et il y a un besoin de formation dans ce domaine."In fine, tout le monde au sein de l'hôpital doit être convaincu de l'intérêt des marchés publics. "Cela permet d'élever le niveau d'exigence, de réfléchir sur les produits que l'on prescrit et de réfléchir sur la qualité du produit et pas seulement son prix. Car le marché public n'est pas seulement un outil pour calculer des prix. Le marché public permet au contraire de faire abstraction des biais commerciaux." Et Manfredi Ventura de conclure: "La compréhension et l'implication des médecins dans les marchés publics ouvrent l'esprit des médecins et de nouvelles réflexions."