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Né à Espoo en Finlande, Miikka Vikkula a commencé à s'intéresser aux anomalies vasculaires et lymphatiques dans les années 90. Venu s'installer à Bruxelles en 1997, il a rejoint l'Institut de Duve de l'UC Louvain où il a développé son propre laboratoire de génétique moléculaire humaine. Devenu chercheur WELBIO en 2011, il a reçu en 2019 le premier prix belge Generet for Rare Disease Research pour ses recherches en génétique des anomalies vasculaires (malformations veineuses, angiomes...). Parmi les anomalies vasculaires, le domaine des lymphoedèmes étant moins documenté, le Pr Vikkula s'en est emparé il y a une vingtaine d'années. Depuis lors, il tente de reconstituer le puzzle responsable de cette pathologie très invalidante qui affecte tout de même plus d'un million de personnes en Europe. " Les travaux de recherche de plusieurs équipes ont permis de découvrir 28 gènes dont au moins 5 identifiés par la nôtre", précise Miikka Vikkula . "Ces 28 morceaux du puzzle se sont avérés être à l'origine d'un lymphoedème primaire, lequel provient d'une cause inconnue au moment du diagnostic, et/ou prédisposer à la forme secondaire, qui, elle, résulte de vaisseaux lymphatiques réséqués ou endommagés, par exemple après une intervention chirurgicale, le plus souvent pour le traitement du cancer du sein, ou une infection." " Mais ces 28 gènes ne représentent qu'environ 30% des patients, chaque gène expliquant un pourcentage défini de cas, sachant aussi que le nombre exact de pièces n'est pas connu. Récemment, nous venons de trouver un nouveau gène impliqué." Avec le Centre des anomalies vasculaires, le Centre de génétique médicale des Cliniques universitaires Saint-Luc, et un réseau international de collaborateurs, l'équipe du Pr Miikka Vikkula a collecté des échantillons de près de 900 patients et de membres de leur famille souffrant de lymphoedème primaire. Pour les analyser, en collaboration avec le groupe du Pr Kari Alitalo en Finlande, elle a utilisé le Whole-Exome Sequencing, une technique de séquençage de toutes les parties codantes des gènes de notre génome. " Nous avons ensuite comparé ces séquences avec celles de référence de l'être humain, en filtrant les variants un à un", raconte le Pr Vikkula . "Nous avons découvert des mutations dans un gène appelé ANGPT2 dans cinq familles avec survenue d'un lymphoedème. Il avait déjà été démontré que ANGPT2 influence le développement lymphatique chez la souris, mais c'est la première fois qu'on constate que des mutations de ce gène provoquent une maladie chez l'être humain." " ANGPT2 code pour la molécule d'angiopoïétine 2, un ligand du récepteur TIE2," poursuit Miikka Vikkula . "Ce récepteur se trouve sur les cellules qui forment les parois des vaisseaux lymphatiques. Il contribue donc au développement du système lymphatique." " Par ailleurs, parmi les mutations identifiées, trois d'entre elles entravent partiellement la sécrétion de la protéine produite à partir de l'allèle normal restant, ce qui entraîne la perte de la fonction normale de cette protéine, et une autre inhibe complètement la sécrétion de la protéine ayant ainsi un effet dit dominant négatif. Ces quatre mutations induisent le développement de trop peu de vaisseaux lymphatiques. Une cinquième mutation a démontré une liaison altérée à une intégrine, ce qui entraîne, à l'inverse, une prolifération accrue de vaisseaux lymphatiques. Dans un cas comme dans l'autre, trop peu ou trop de vaisseaux, ces mutations empêchent le système lymphatique de se développer normalement et causent un lymphoedème primaire chez les patients." Sachant qu'il n'existe à l'heure actuelle aucun remède au lymphoedème - " la thérapie se limite à des drainages lymphatiques manuels répétés et à l'utilisation de vêtements compressifs, et, dans certains cas plus sévères, la chirurgie peut être nécessaire", souligne le Pr Vikkula - considérant que seulement dans une minorité de cas, la pathologie se résout ou s'améliore avec le temps, l'identification des causes génétiques est dès lors cruciale. " Elle permet un diagnostic plus précis et plus fiable, là où aujourd'hui de nombreuses personnes atteintes de la maladie ne sont toujours pas diagnostiquées. Cela aide aussi à mieux comprendre les mécanismes cellulaires sous-jacents, qui peuvent devenir des cibles pour le développement de nouvelles thérapies. C'est ainsi que nous avons procédé pour d'autres anomalies vasculaires: des essais cliniques sont en cours grâce au fait que nous ayons pu identifier le disfonctionnement moléculaire." " Chaque nouveau gène découvert nous rapproche d'un traitement et donne de l'espoir aux patients", se réjouit Miikka Vikkula . "C'est pourquoi, en plus de s'attarder sur ANGPT2, nous allons continuer à analyser les échantillons et à reconstituer les pièces manquantes du puzzle. Si on arrive à trouver 70% des pièces, je pense que nous aurons déjà une image assez complète des causes du lymphoedème. Je suis confiant, notamment parce que les technologies évoluent à une très grande vitesse."