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Le musée Arp abrite plus de 250 oeuvres du peintre strasbourgeois né dans la ville alsacienne lorsqu'elle était allemande. Trois fondations s'occupent de son oeuvre: l'une à Paris, la deuxième à Berlin et la troisième à Lugano. L'installation de ce musée dans ce qui est encore la gare - un magnifique édifice du 19e - de la petite cité rhénane, est due à Johannes Wasmuth, un galeriste de Bonn toute proche, qui sauva le bâtiment de la destruction et en fit par ailleurs sa galerie, ainsi qu'une résidence pour nombre d'artistes. Il eut pour idée de confier à Richard Meier, grand architecte américain qui fut notamment l'auteur du Getty Center à Los Angeles et de la Fondation Burda à Baden Baden, la construction d'une annexe contemporaine (un quadrilatère blanc), à flanc de coteaux et invisible depuis les rives du Rhin. Il fallut 30 années pour parvenir à le terminer, en 2000, grâce notamment aux subsides reçus par Bonn dans la foulée de la perte de son statut de capitale fédérale. Ce lieu a hérité de la collection de Gustav Rau, héritier lui-même de l'industrie automobile, businessman devenu pédiatre qui ouvrit une école-hôpital au Congo, à Bukavu. Dans son testament, ce dernier qui, discrètement, collectionnait de l'art, a cédé une bonne part de sa collection à l'Unicef, exigeant que cette dernière, à sa mort (en 2001), exhibe les oeuvres qui la constituent pour une période de 25 ans. Ce qui explique que depuis, et au moins jusqu'en 2026, le musée Arp, qui accueille désormais cette collection, multiplie les petites expos temporaires afin d'exhiber les 250 joyaux parmi les oeuvres réunies. L'âge d'or de la peinture des Pays-Bas met ainsi en dialogue 16 oeuvres de cette collection avec celles de Ilone et George Kremer, collectionneurs... hollandais. Dans ses trois salles éclairées avec ferveur, "Le vieil homme au ruban" de Rembrandt se détache de l'espace consacré au portrait, aux côtés de celui d'un bourgeois réformé de noir vêtu par Frans Hals, flanqué d'une "Vue d'atelier" par un disciple anonyme du même, mis en regard d'un "Cabinet de peintures d'un amateur" d'art signé Jan Siberechts et d'un autre atelier par Michiel Sweerts. Parfois, le lien se fait via l'artiste: Gerrit Dou peint une cuisinière breugheulienne donnant une cuillère de soupe à une personne hors cadre au travers d'une fenêtre (collection Unicef), à côté d'un petit autoportrait en pied, d'une grande délicatesse et précision, totalement différent, issu de la collection Kremer. Comparaison également de deux scènes de bateaux de Willem van de Velde, avant de pénétrer dans les salles des thèmes mythologiques, mais surtout bibliques, illustrés par des caravagistes comme Wtewael, Bloemaert, ter Brugghen ou Matthias Stom ; lequel, dans sa vision de saint Jérôme, affiche un côté épuré à la Zurbaran. Se font face également deux Vierges à l'Enfant avec le jeune saint Jean Baptiste: la toile de Ferdinand Bol est plus nette, lumineuse, le tableau d'Abraham Janssens, plus embué et romantique. Les vues pastorales donnent à une bergère de Moreelse des airs d'Hélène Fourment, la femme de Rubens, présentée dans un flouté arrondi qu'envierait Renoir, tandis qu'une autre jeune bergère signée Flinck évoque par sa clarté les visages de Gainsborough. Melchior d'Hondecoeter peint des oiseaux ou un combat de coqs avec une précision remarquable, les natures mortes mettant quant à elles en exergue le grand talent de De Heem, de Davidsz De Heem (son presque homonyme) et de Judith Leyster, seule femme dans ce mâle monde (son père était lui-même artiste). Teniers II s'associe à Lievens pour décrire un paysage dans lequel des paysans prennent du repos, un autre, marin, est l'oeuvre de van Ruysdael, tandis que van Goyen signe une magnifique tempête en approche: le rai de lumière qui vient frapper le personnage inquiet le dispute au tourment des nuages. Terminons ce petit panorama du siècle d'or hollandais par deux oeuvres lumineuses, car en émane la même lumière que chez de La Tour: "L'avarice" de Gerrit van Honthorst voit une vieille examiner une pièce à la lumière d'une lanterne ; l'autre, signé Matthias Stom (le seul à être présent avec trois oeuvres), montre une femme comptant ses pièces d'or à la lueur d'une bougie. Des oeuvres qui en effet valent de l'or... et pour bien plus d'un siècle.