La pandémie Covid-19 a d'ores et déjà un impact économique sur notre société (lire en page 2). Mais elle a également un impact sur la santé mentale de la population. Les enquêtes menées depuis le début de la crise témoignent une détérioration significative de la santé psychique des Belges. Selon le rapport du Bureau fédéral du Plan, environ 50 % des personnes interrogées présentent des symptômes indiquant un éventuel trouble mental. En commission, chaque acteur de terrain le confirme : si une vague de demandes de soins parvenait aux services de santé mentale, notre pays ne sera pas capable d'y faire face. " De nombreux services manquent de places, à tel point que l'on parle aujourd'hui d'hyper-saturation. Le maillage actuel est très en deçà des besoins ", confirme Yahyâ Hachem Samii directeur de la Ligue bruxelloise francophone pour la santé mentale, qui regrette que le groupe d'experts en charge du déconfinement, le GEES, n'ait pas inclut d'expert en santé mentale " malgré des appels en ce sens à sa création. Un groupe de travail santé mentale a enfin été mis sur pied, mais trop tardivement. "

Le Covid-19, force de déliaison

Le Dr Andy De Witte, chef du service de psychiatrie adulte des hôpitaux du GasthuisZusters Antwerpen (GZA) et également président de l'ASBL Dokters for dokters (D4D), constate sur le terrain la santé déclinante de ses patients. " Je perçois tous les jours l'urgence des patients. Elle traduit leur fatigue, leur douleur mentale mais aussi physique face à la situation. Les mesures d'isolement et de quarantaine ont rendu notre santé mentale vulnérable. Des mesures préventives sont nécessaires afin de prévenir de ce que d'aucuns nomment déjà le 'coronaburnout', la dépression ou plus grave encore, stress post-traumatique. "

Florence Ringlet, directrice thérapeutique au sein du Centre wallon de prévention du suicide et d'accompagnement (ASBL Un pass dans l'impasse), confirme la tendance. " Il faut rappeler que le suicide est un acte fréquemment lié à la perte de repères identitaires ou à une fracture sociale. La crise actuelle attaque précisément ce lien social. Il s'agit d'une véritable force de déliaison. On constate, dans nos services, une très nette baisse de consultations (-31%) pour les mois de mars-avril par rapport à l'an passé et près de la moitié des suivis " en attente " voire carrément interrompus à l'heure actuelle. Quant aux nouvelles demandes, elles ont chuté de 53%. "

Un financement insuffisant

" Avant le coronavirus, nous figurions parmi les leaders mondiaux des soins somatiques, un secteur financé de manière adéquate et qui ne générait pas de files d'attente ", analyse Peter Kraewinkels. " Concernant les soins de santé mentale, la situation est très différente. Nous étions en dessous du niveau des pays voisins, avec un sous-investissement chronique et des files d'attente généralisées. "

" La situation a changé avec la crise. D'un point de vue somatique, nous avons pu constater que la prise en charge fut rapide, avec un renforcement des capacités et un milliard d'euros investis dans les hôpitaux. En santé mentale, les associations font de leur mieux. Mais les autorités suivent à peine la situation. Seulement 16 millions d'euros ont été investis en première ligne. Sur les 250 millions nécessaires au bon fonctionnement de la première ligne, ce sont des cacahuètes ! "

Dans notre pays, 6 % seulement des dépenses en matière de soins de santé vont en santé mentale. Selon l'OCDE, ce chiffre devrait être de 10 % minimum. Ce qui revient à augmenter le budget actuel de plus d'un milliard d'euros.

Quelles solutions ?

Les participants sont unanimes : il faut refinancer la santé mentale. " À quoi peut servir le refinancement de la santé mentale ? À revoir la réforme 107 par exemple ", explique Yahyâ Hachem Samii. " Une série d'observateurs ont pointé les manquements voire les échecs de la réforme entamée il y a dix ans. La réforme est inachevée pour deux raisons : son financement insuffisant et un appui insuffisant sur les services ambulatoires qui existent depuis 50-60 ans et qui produisent ce que le Fédéral peine à réaliser depuis dix ans. Réussir la réforme passe par la rencontre entre l'hospitalier et l'ambulatoire. Cela passe, également, par des équipes mobiles pour diversifier les connaissances et les ressources. "

Pour Mentalwijs, refinancer est la clef. Chaque euro investi en santé mentale peut potentiellement en rapporter quatre. " Cela a été prouvé au niveau mondial ", assure Peter Kraewinkels, qui s'appuie sur une étude de l'OMS. " Un euro investi en santé mentale permet d'économiser un euro de frais hospitalier, un autre de frais justice, ainsi qu'une augmentation de la productivité et, in fine , de la croissance économique. La réciproque est d'ailleurs vraie : ne pas investir d'euro coûte à la collectivité. "

Mentalwijs estime que le gouvernement doit dégager un budget d'urgence spécifique pour les soins de santé psychique permettant de parer aux besoins les plus urgents. En concertation avec les professionnels du secteur. " Que voulons-nous ? Augmenter l'offre de soins en santé mentale ", répond Peter Kraewinkels. L'association demande un budget d'urgence d'un milliard d'euros afin d'investir de manière plus efficiente sur le monitoring, la recherche et l'innovation. " Cet argent servira également à un remboursement généralisé des soins de santé mentale et à mettre sur pied des centaines d'équipes mobiles. Il y en a une dizaine actuellement. Contre 500 aux Pays-Bas. "

" La crise a montré combien les psychiatres et psychologues de liaison sont nécessaires, tant pour la population que pour les soignants ", confirme le Dr De Witte. " Incorporer la santé mentale dans le parcours des soins généraux devrait être la norme. Soins somatiques et soins psychiques ne font qu'un. "

L'objectif est que les auditions aboutissent à une résolution du Parlement demandant une augmentation des dépenses de soins de santé psychique pour que celles-ci atteignent au moins 10% des dépenses en soins de santé et que des mesures d'urgence soient prises immédiatement. Il reste une audition, cette semaine, pour faire entendre leur appel aux autorités.

La pandémie Covid-19 a d'ores et déjà un impact économique sur notre société (lire en page 2). Mais elle a également un impact sur la santé mentale de la population. Les enquêtes menées depuis le début de la crise témoignent une détérioration significative de la santé psychique des Belges. Selon le rapport du Bureau fédéral du Plan, environ 50 % des personnes interrogées présentent des symptômes indiquant un éventuel trouble mental. En commission, chaque acteur de terrain le confirme : si une vague de demandes de soins parvenait aux services de santé mentale, notre pays ne sera pas capable d'y faire face. " De nombreux services manquent de places, à tel point que l'on parle aujourd'hui d'hyper-saturation. Le maillage actuel est très en deçà des besoins ", confirme Yahyâ Hachem Samii directeur de la Ligue bruxelloise francophone pour la santé mentale, qui regrette que le groupe d'experts en charge du déconfinement, le GEES, n'ait pas inclut d'expert en santé mentale " malgré des appels en ce sens à sa création. Un groupe de travail santé mentale a enfin été mis sur pied, mais trop tardivement. "Le Dr Andy De Witte, chef du service de psychiatrie adulte des hôpitaux du GasthuisZusters Antwerpen (GZA) et également président de l'ASBL Dokters for dokters (D4D), constate sur le terrain la santé déclinante de ses patients. " Je perçois tous les jours l'urgence des patients. Elle traduit leur fatigue, leur douleur mentale mais aussi physique face à la situation. Les mesures d'isolement et de quarantaine ont rendu notre santé mentale vulnérable. Des mesures préventives sont nécessaires afin de prévenir de ce que d'aucuns nomment déjà le 'coronaburnout', la dépression ou plus grave encore, stress post-traumatique. "Florence Ringlet, directrice thérapeutique au sein du Centre wallon de prévention du suicide et d'accompagnement (ASBL Un pass dans l'impasse), confirme la tendance. " Il faut rappeler que le suicide est un acte fréquemment lié à la perte de repères identitaires ou à une fracture sociale. La crise actuelle attaque précisément ce lien social. Il s'agit d'une véritable force de déliaison. On constate, dans nos services, une très nette baisse de consultations (-31%) pour les mois de mars-avril par rapport à l'an passé et près de la moitié des suivis " en attente " voire carrément interrompus à l'heure actuelle. Quant aux nouvelles demandes, elles ont chuté de 53%. "" Avant le coronavirus, nous figurions parmi les leaders mondiaux des soins somatiques, un secteur financé de manière adéquate et qui ne générait pas de files d'attente ", analyse Peter Kraewinkels. " Concernant les soins de santé mentale, la situation est très différente. Nous étions en dessous du niveau des pays voisins, avec un sous-investissement chronique et des files d'attente généralisées. "" La situation a changé avec la crise. D'un point de vue somatique, nous avons pu constater que la prise en charge fut rapide, avec un renforcement des capacités et un milliard d'euros investis dans les hôpitaux. En santé mentale, les associations font de leur mieux. Mais les autorités suivent à peine la situation. Seulement 16 millions d'euros ont été investis en première ligne. Sur les 250 millions nécessaires au bon fonctionnement de la première ligne, ce sont des cacahuètes ! "Dans notre pays, 6 % seulement des dépenses en matière de soins de santé vont en santé mentale. Selon l'OCDE, ce chiffre devrait être de 10 % minimum. Ce qui revient à augmenter le budget actuel de plus d'un milliard d'euros. Les participants sont unanimes : il faut refinancer la santé mentale. " À quoi peut servir le refinancement de la santé mentale ? À revoir la réforme 107 par exemple ", explique Yahyâ Hachem Samii. " Une série d'observateurs ont pointé les manquements voire les échecs de la réforme entamée il y a dix ans. La réforme est inachevée pour deux raisons : son financement insuffisant et un appui insuffisant sur les services ambulatoires qui existent depuis 50-60 ans et qui produisent ce que le Fédéral peine à réaliser depuis dix ans. Réussir la réforme passe par la rencontre entre l'hospitalier et l'ambulatoire. Cela passe, également, par des équipes mobiles pour diversifier les connaissances et les ressources. "Pour Mentalwijs, refinancer est la clef. Chaque euro investi en santé mentale peut potentiellement en rapporter quatre. " Cela a été prouvé au niveau mondial ", assure Peter Kraewinkels, qui s'appuie sur une étude de l'OMS. " Un euro investi en santé mentale permet d'économiser un euro de frais hospitalier, un autre de frais justice, ainsi qu'une augmentation de la productivité et, in fine , de la croissance économique. La réciproque est d'ailleurs vraie : ne pas investir d'euro coûte à la collectivité. "Mentalwijs estime que le gouvernement doit dégager un budget d'urgence spécifique pour les soins de santé psychique permettant de parer aux besoins les plus urgents. En concertation avec les professionnels du secteur. " Que voulons-nous ? Augmenter l'offre de soins en santé mentale ", répond Peter Kraewinkels. L'association demande un budget d'urgence d'un milliard d'euros afin d'investir de manière plus efficiente sur le monitoring, la recherche et l'innovation. " Cet argent servira également à un remboursement généralisé des soins de santé mentale et à mettre sur pied des centaines d'équipes mobiles. Il y en a une dizaine actuellement. Contre 500 aux Pays-Bas. "" La crise a montré combien les psychiatres et psychologues de liaison sont nécessaires, tant pour la population que pour les soignants ", confirme le Dr De Witte. " Incorporer la santé mentale dans le parcours des soins généraux devrait être la norme. Soins somatiques et soins psychiques ne font qu'un. "L'objectif est que les auditions aboutissent à une résolution du Parlement demandant une augmentation des dépenses de soins de santé psychique pour que celles-ci atteignent au moins 10% des dépenses en soins de santé et que des mesures d'urgence soient prises immédiatement. Il reste une audition, cette semaine, pour faire entendre leur appel aux autorités.