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En mai dernier, l'Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) a estimé qu'on ne pouvait plus considérer le dioxyde de titane comme sûr en tant qu'additif alimentaire, évoquant notamment des problèmes de génotoxicité. (1)L'additif E171 qui est constitué de particules de dioxyde de titane est utilisé dans les aliments (biscuits, chewing-gums, plats préparés, confiseries...), mais aussi les médicaments, dentifrices et cosmétiques, pour ses propriétés colorantes et d'absorption des rayons ultraviolets. Pour Test-Achats, la Commission européenne ne pouvait dès lors que proposer la suppression du dioxyde de titane de la liste des additifs alimentaires autorisés. "Nous soutenons depuis longtemps que le dioxyde de titane (E171), ainsi qu'autres additifs alimentaires comme le dioxyde de silicium (E551) et l'argent (E174), n'ont pas leur place dans les aliments", expliquait l'association de consommateurs en mai dernier (2), ajoutant "qu'il n'existe pas de besoin technologique justifiant l'utilisation du nanodioxyde de titane". De fait, la France applique depuis janvier 2020 le principe de précaution vis-à-vis du dioxyde de titane et l'interdit dans les aliments. En Belgique, le Conseil supérieur de la Santé considère le dioxyde de titane comme "cancérigène possible". Test-Achats élargissait alors également le débat en réclamant une définition plus claire des nanomatériaux au niveau européen, en estimant que la mention "nano" devrait obligatoirement apparaître sur l'emballage des produits qui en contiennent et que leurs fabricants devraient être tenus d'en démontrer la sécurité. Dans la foulée, en attente d'une décision de la Commission européenne, le SPF Santé recommandait à tous les opérateurs de commencer d'ores et déjà à stopper l'utilisation du E171 dans la fabrication ou le développement de produits alimentaires ou à rechercher des alternatives légalement autorisées. En octobre dernier, la Commission européenne a donc proposé d'interdire le dioxyde de titane dans les aliments mis sur le marché européen dès 2022, et cette proposition a été approuvée par les États membres. Ce texte devrait entrer en vigueur au début de l'année prochaine et les fabricants et distributeurs disposeront d'un délai de six mois pour retirer progressivement du marché les produits contenant cet additif. "On s'étonne que, au vu des effets toxiques évoqués, les instances européennes n'aillent pas plus loin en interdisant le dioxyde de titane dans les médicaments et dans les cosmétiques susceptibles d'être ingérés, tels que les dentifrices ou baumes à lèvres", a fait observer l'association française des consommateurs Que Choisir.(3)Pour l'instant, l'industrie pharmaceutique n'est pas concernée par cette interdiction, de façon à "prévenir toute pénurie" de produits médicaux. C'est l'argument qui semble prévaloir à l'Agence européenne du médicament (EMA) qui estime la substitution du dioxyde de titane dans les médicaments peu faisable. L'EMA a sondé l'industrie pharmaceutique via trois organisations (AESGP, EFPIA, Medicines for Europe). Il ressort de cette enquête publiée en juillet dernier que "les recherches d'alternatives n'ont pas identifié d'excipient ayant des propriétés comparables en ce qui concerne la blancheur, l'indice de réfraction, la solubilité dans l'eau et la taille des particules disponibles qui conduisent à la même qualité de film uniforme que le TiO2. Par conséquent, chaque médicament nécessite une approche au cas par cas lors de la conception d'une formulation sans TiO2 puisqu'aucun autre excipient ne peut le remplacer directement". (4) "Dans les portefeuilles de médicaments des entreprises, le remplacement du TiO2 représente un défi important et multifactoriel, note encore le rapport. (...) Il ne doit pas avoir d'impact négatif sur le coût des produits, afin que le patient puisse se procurer ses produits préférés au même prix qu'auparavant".Pour les auteurs du rapport, l'identification d'une alternative au dioxyde de titane prendra plusieurs années et chaque nouvelle formulation devra être soumise à l'approbation des autorités sanitaires compétentes. La mise en oeuvre de cette substitution dans tous les produits devrait ainsi prendre 7 à 12 ans. L'EMA relève aussi l'aspect mondial de cette reformulation: "Nous nous attendons à des problèmes en ce qui concerne les processus réglementaires pour les produits mondiaux, car la plupart des entreprises fournissent des produits à la fois aux marchés de l'UE et hors UE. Si la reformulation est imposée par l'UE, il faudra alors maintenir un traitement parallèle des produits avec/sans dioxyde de titane pour les différents marchés (version UE sans TiO2 et version hors UE avec TiO2), ce qui n'est pas toujours justifiable pour les entreprises du point de vue des patients, de la technique et de l'économie"."Les chaînes d'approvisionnement sont mondiales et donc toute proposition de restriction ou d'interdiction entraînerait un défi pour les entreprises fabriquant et fournissant des produits pour l'UE. En outre, cela affecterait l'approvisionnement mondial des produits concernés et pourrait entraîner des pénuries de médicaments pour les produits existants ainsi que des retards dans la mise au point de nouveaux médicaments innovants", conclut l'Agence européenne. "Une procédure lourde, certes, mais qui ne devrait décourager ni les laboratoires ni les agences étant donné l'enjeu de santé publique", a commenté Que Choisir. (3)