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Pour les cancers colorectaux et les cancers du sein, on dispose de suffisamment d'arguments en faveur d'un dépistage systématique, explique le Dr Burrion. "Pourvu qu'il soit correctement mis en place, et couvre une partie suffisante de la population cible (définie par la tranche d'âge qui concentre le plus de risques de perte d'années de vie en bonne santé), un dépistage systématique de ces cancers diminue en effet la mortalité spécifique, avec une balance bénéfices-inconvénients qui reste favorable." Ces dépistages organisés font d'ailleurs l'objet de recommandations européennes. La situation est différente pour les cancers de la prostate. "Bien qu'il existe des arguments en faveur d'un dépistage, il n'y a pas à ce jour suffisamment de preuves qu'un dépistage systématique puisse avoir un impact significatif sur la mortalité spécifique sans générer d'importants inconvénients (principalement les surdiagnostics). C'est pourquoi ce dépistage continue d'être considéré uniquement sur une base individuelle."Les tentatives de dépistage des cancers bronchopulmonaires, dès les années 70, ont toutes été vouées à l'échec, précise le médecin. Jusqu'à l'avènement des essais randomisés utilisant le scanner à basse dose dans les années 2000 (Low Dose Computed Tomography, LDCT). "Toutefois, deux études principalement ont changé la donne: la NLST (USA) et la NELSON (NL/BE), confirmant que, chez les grands fumeurs de plus de 50 ans, un dépistage systématique pouvait diminuer de 20 à 25% la mortalité par cancer du poumon. Des projets pilotes de faisabilité sont en cours dans plusieurs pays de l'UE."En dehors des quatre grands tueurs, il existe un autre cancer pour lequel un dépistage systématique est recommandé: le cancer du col de l'utérus. "Bien que peu fréquent (600 cas par an en Belgique), ce cancer meurtrier est très vulnérable au dépistage. Celui-ci consiste en un test cytologique sur frottis endocervical tous les trois ans, dès l'âge de 25 ans. Cette stratégie est en passe d'être supplantée par un test de recherche de HPV sur frottis également. Ce test est plus sensible chez les femmes à partir de 30 ans. À ce dépistage systématique s'ajoute la vaccination contre le Human Papillovirus (HPV) chez les filles et les garçons dès l'âge 13-14 ans. La stratégie de dépistage/prévention du cancer du col de l'utérus fait elle aussi l'objet d'une recommandation européenne."En Belgique, les programmes de dépistage des cancers sont organisés sur une base régionale (lire par ailleurs). Les populations cibles et les techniques de dépistage sont celles recommandées par l'Union européenne. "Les programmes régionaux reposent sur les mêmes principes. Cependant, ils peuvent varier dans leur organisation pratique. C'est l'Inami qui finance les mammographies du dépistage organisé pour les cancers du sein. Ces mammographies ont un numéro de nomenclature spécifique (mammographies de dépistage, "mammotests"), gratuit pour les bénéficiaires. Les examens histopathologiques du dépistage du cancer du col de l'utérus sont remboursés par l'Inami à raison d'un tous les trois ans. Les vaccins sont financés par les Régions. Les tests de dépistage des cancers colorectaux (tests immunologiques de présence de sang dans les selles) sont à charge des Régions. Pour tous les programmes de dépistage, les coûts de l'organisation sont assurés par les Régions."En Région bruxelloise, deux dépistages font l'objet de programmes organisés: le dépistage des cancers du sein et le dépistage des cancers colorectaux. L'organisme en charge de la mise en place de ces dépistages est Bruprev asbl (anciennement Brumammo). Le programme de dépistage du cancer du sein s'adresse aux femmes de 50 à 69 ans (depuis l'année civile de leur 50e anniversaire jusqu'à l'année civile de leur 69e anniversaire), précise le Dr Burrion. "Tous les deux ans, les femmes de ce groupe d'âge sont invitées par courrier personnalisé à prendre rendez-vous pour un ''mammotest'' auprès d'une des 30 unités de mammographies de dépistage agréées. Ces unités doivent répondre à des critères de qualité vérifiés chaque année. Le protocolage des clichés est réalisé successivement par deux radiologues différents, trois si les conclusions des deux premiers divergent. Les femmes reçoivent le résultat de leur "mammotest" dans les dix jours ouvrables. Leur médecin traitant également. Les résultats sont publiés sur le réseau santé "mysante.be" ("abrumet"). Bruprev vérifie que les femmes avec un résultat nécessitant des examens complémentaires sont effectivement prises en charge par leur médecin traitant (11% des cas = "taux de rappel"). Neuf fois sur dix, les examens complémentaires (mammographie, échographie, ponction, biopsie) ne montrent pas de lésion maligne."Selon le Dr Burrion, les performances du programme bruxellois sont similaires à celles du programme wallon. "Le taux de participation de la population invitée demeure invariablement de 10-11% depuis le début du programme, il y a une vingtaine d'années. À cela s'ajoutent 40 à 45% de la population cible qui pratique, sur prescription, un dépistage ''opportuniste'', c'est-à-dire un dépistage personnalisé utilisant une nomenclature Inami normalement réservée aux mises au point cliniques."La recommandation de la Commission européenne (ECIBC) est aujourd'hui d'élargir le dépistage à la tranche d'âge 45-74 ans. Mais la Belgique n'a pas encore revu son programme en conséquence. "D'autres développements se profilent, comme la notion de dépistage adapté au niveau du risque individuel, l'utilisation du ''score de risque polygénique''. L'utilisation pour le dépistage de l'imagerie mammaire par tomosynthèse se développe également. Mais ceci dépasse le cadre de cet article."Le programme de dépistage du cancer colorectal s'adresse aux hommes et aux femmes de 50 à 74 ans (le risque avant 50 ans ne justifie pas un dépistage systématique, et au-delà de 74 ans, l'intérêt d'un dépistage est fonction de l'état de santé général). "Ce dépistage utilise un test immunologique de détection de sang dans les selles ("colotest") à répéter tous les deux ans. Ce test a une sensibilité de plus de 80% et une spécificité de plus de 90%. Il se présente sous forme de kit et est facilement réalisé à domicile."La particularité du programme bruxellois est qu'il repose sur un partenariat avec les pharmaciens. Bruxelles compte plus de 500 officines qui participent ainsi au programme, en délivrant aux personnes éligibles leur kit "colotest" sur présentation de l'invitation personnelle au dépistage envoyée par Bruprev. "Lorsqu'une personne a déjà effectué un test, le colotest suivant est envoyé directement à domicile deux ans après. Les médecins généralistes sont également impliqués en envoyant leurs patientes/patients éligibles chez leur pharmacien. Tout comme leurs patients, ils reçoivent le résultat du test et assurent le suivi en cas de résultat anormal (prescription d'une coloscopie de contrôle)."Le colotest est gratuit pour l'utilisateur. Mais son prix de revient est d'environ 15 euros. Le programme est quasi intégralement financé par la Région bruxelloise (il bénéficie aussi d'une discrète contribution de la Région flamande). "Les performances du programme sont semblables à celles de la Wallonie. Le taux de participation de la population invitée est de 12%."Le dépistage du cancer du col ne fait pas encore l'objet d'un programme régional organisé, basé sur une invitation personnalisée, ajoute le Dr Burrion. "La mise en place d'un dépistage basé sur la présence du HPV dans les frottis endocervicaux est en cours de discussion entre l'État fédéral et les Régions. Sa mise en place est en principe prévue pour 2024-2025."