Les patients dont l'asthme est mal contrôlé malgré un traitement de fond par corticoïdes inhalés à fortes doses et LABA et/ou qui prennent des corticostéroïdes oraux de façon chronique peuvent être de bons candidats pour les biothérapies.
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Les biothérapies prescrites pour un asthme sévère sont des anticorps monoclonaux dirigés contre des récepteurs cellulaires ou des molécules circulantes (protéines ou peptides) qui jouent un rôle dans le processus inflam-matoire asthmatique. Ces traitements connaissent un essor certain, portés par une recherche active et le développement de nouvelles molécules. À ce jour, quatre catégories de biothérapies ont démontré leur efficacité dans l'asthme (1). Trois ont été approuvées par l'Agence européenne du médicament (EMA) et deux sont remboursées en Belgique. Passons en revue leurs mécanismes d'action et leurs indications. L'immunoglobuline E (IgE) est produite par les lymphocytes B (qui se différencient en plasmocytes) en réaction à l'exposition à un allergène. En induisant la dégranulation des mastocytes, cet anticorps joue un rôle central dans le déclenchement de la cascade de réactions inflammatoires responsable des symptômes de l'asthme lors d'un contact avec un allergène. "Contrairement aux antihistaminiques qui agissent en aval, les anti-IgE bloquent en amont une série de mécanismes allergiques", rappelle le Pr Renaud Louis, chef du service de pneumologie du CHU de Liège. "Ce qui en fait de puissants antiallergiques."L'omalizumab a été la première molécule remboursée par l'INAMI pour les cas d'asthme sévère allergique, que l'on n'arrive pas à contrôler malgré un traitement de fond à base de LABA/ICS. Les anti-IgE sont administrés sous forme d'injection sous-cutanée, une à deux fois par mois. "Ce traitement est privilégié chez les patients présentant un contexte allergique perannuel (acariens, moisissures, poils d'animaux domestiques)." Ce contexte doit être confirmé un taux d'IgE sérique compris entre 76 et 700 UI/ml et par des IgE spécifiques ou des tests cutanés positifs à l'égard d'un des pneumallergènes perannuels. L'absence de contrôle de l'asthme par les ICS/LABA se signale par une histoire de deux exacerbations l'année précédente et un volume expiratoire maximum par seconde inférieur (VEMS) inférieur à 80% des valeurs prédites. Les interleukines-5 (IL-5) sont des cytokines essentielles dans la différenciation et la survie des éosinophiles. Elles stimulent la production des éosinophiles par la moelle osseuse et leur "captation" dans les tissus où les éosinophiles sont responsables de symptômes asthmatiques. En les ciblant, les anti-IL-5 perturbent donc grandement l'"organisation" de l'inflammation - d'où leur intérêt dans l'asthme. "Ce sont des médicaments puissants, qui font s'effondrer le taux d'éosinophiles circulants ainsi que celui des voies aériennes, en quelques jours à quelques semaines", commente le Pr Louis. Les anti-IL5 peuvent être rangées en deux catégories: - Le mépolizumab (administré en injection sous-cutanée toutes les quatre semaines) et le reslizumab (une fois par mois par voie intraveineuse) ciblent l'IL-5 à proprement parler. - Le benralizumab (administré chez l'adulte en sous-cutané toutes les quatre semaines pour les trois premières doses et, ensuite, toutes les huit semaines) empêche l'IL-5 d'interagir avec son récepteur. Ce faisant, il accélère la lyse des éosinophiles. Les anti(récepteurs)-IL-5 sont destinés aux personnes qui présentent un asthme sévère persistant avec un taux (très) élevé d'éosinophiles (supérieur à 300 cellules/ml). Comme pour l'anti-IgE, les critères de remboursement exigent ainsi au moins deux exacerbations l'année précédant l'initiation du traitement et un VEMS inférieur à 80% des valeurs attendues. Deux autres catégories de biothérapies méritent d'être évoquées. Le dupilumab cible les récepteurs à interleukines-4 et 13. Il est prescrit en Belgique dans certaines indications dermatologiques (dans la dermatite atopique, par exemple), mais n'est pas encore remboursé pour traiter l'asthme. Son efficacité dans cette indication a toutefois été démontrée, grâce à trois mécanismes d'action: - un effet antiallergique grâce au blocage du rôle joué par les IL-4 dans la production des IgE ; - une réduction de la production de mucus par blocage de l'IL-13 et l'IL-4 ; - une action relaxante sur la contraction des muscles lisses bronchiques par blocage de l'IL-13. Une quatrième catégorie de biothérapie, les anti-TSLP (Thymic stromal lymphopoeitine), semble prometteuse. Le tezepelumab (2) a d'ailleurs été approuvé par la FDA et l'EMA. Il vise le TSLP, une cytokine produite par l'épithélium respiratoire lorsqu'il est agressé. Ce qui a pour effet de réguler l'inflammation respiratoire sous-jacente à l'épithélium. "Cette nouvelle molécule pourrait être intéressante pour les patients qui ne sont ni allergiques, ni éosinophiliques et qui, donc, ne répondent pas aux autres biothérapies", commente le Pr Louis. Les biothérapies sont globalement bien tolérées. Des effets indésirables faibles à modérés sont toutefois possibles: réactions cutanées au site d'injection, céphalées, pharyngites, fatigue, douleurs musculaires, etc. Des réactions anaphylactiques ont aussi été observées chez moins de 0,1% des patients. Reste la question des éventuels effets à long terme de ces traitements, "eu égard notamment au rôle que semblent avoir les éosinophiles dans l'immunité innée", précise le Pr Louis. "Car, si nous avons un assez bon recul sur les anti-IgE - disponibles en Belgique depuis une quinzaine d'années - les anti(récepteurs)-IL-5 ne sont remboursés que depuis 2016. Seul le temps nous informera sur d'éventuelles toxicités à long terme. À cet égard, les médecins de première ligne sont fortement encouragés à rapporter tout évènement indésirable survenant chez des patients asthmatiques sous biothérapie, particulièrement la survenue ou l'aggravation d'une éventuelle maladie liée au système immunitaire." Cela étant dit, les biothérapies induisent un meilleur contrôle de l'asthme et diminuent la fréquence des exacerbations et des hospitalisations qui y sont liées. Elles permettent aussi de diminuer le recours aux corticostéroïdes oraux (CSO) et, par conséquent, de limiter les effets secondaires que ces médicaments entrainent sur le long terme. En effet, au-delà de deux cures annuelles (une cure = 200 mg de méthylprednisolone, par exemple), les CSO augmentent notamment les risques de diabète de type 2, de cataracte, de pneumonie et d'ostéoporose. Or, en Belgique, environ 20% des patients asthmatiques sévères prennent des CSO de façon chronique en traitement de maintenance et plus de la moitié (53%) des asthmatiques sévères reçoivent une dose cumulée de CSO supérieure à 400 mg par an (3). "Selon les recommandations actuellement en vigueur (4), l'objectif n° 1 chez ces patients est de suspendre la prise de ce traitement", rappelle le Pr Louis. "Pour ce faire, il est nécessaire de les adresser à un pneumologue. En première ligne, un critère simple permet de les repérer: si du Medrol®ou tout autre CSO a dû être prescrit pour une maladie respiratoire inflammatoire, même pour quelques jours, il est utile d'envoyer ces patients faire un bilan chez le spécialiste."