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Début septembre, l'agence britannique du médicament ( UK's Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency, MHRA) avait déjà reçu plus de 30.000 notifications concernant des troubles de la menstruation survenus peu après l'administration du vaccin Covid. La majorité concernait une perte de sang anormalement abondante ou un allongement du cycle. Chez la plupart des femmes concernées, il s'agissait d'un problème ponctuel dans la foulée de la vaccination ; le plus souvent, le cycle suivant était à nouveau normal. D'après la MHRA, les notifications ne permettent pas de conclure à un lien entre la vaccination et la perturbation du cycle menstruel. Les autorités britanniques soulignent que le nombre de cas signalés reste faible par rapport au nombre de personnes vaccinées... et ne représente qu'une goutte d'eau dans l'océan de l'incidence globale des troubles menstruels. Les décideurs aimeraient néanmoins en avoir le coeur net. Les National Institutes of Health américains ont ainsi dégagé un budget de 1,7 million de dollars pour la recherche, en vue de réaliser une comparaison précise des troubles menstruels survenant chez les femmes vaccinées et non vaccinées. Entre-temps, la littérature a déjà formulé un certain nombre d'hypothèses quant aux mécanismes qui pourraient sous-tendre cette perturbation du rythme menstruel. Le phénomène ayant été signalé aussi bien avec des vaccins à ARNm qu'avec des vaccins à vecteur viral, on peut raisonnablement avancer qu'un lien de cause à effet - si tant est qu'il existe - ne s'explique pas par les composantes du produit lui-même. Le facteur responsable serait donc plutôt la réponse immune déclenchée par le vaccin... et dans ce cas, il ne s'agirait pas d'une première, puisque des troubles menstruels ont également été rapportés après vaccination contre le HPV et l'hépatite B. Soulignons que, plus largement, le cycle féminin est sensible à l'activation du système immunitaire par toutes sortes de stimuli, dont les infections virales. Une étude a notamment rapporté une perturbation du cycle chez un quart des femmes réglées hospitalisées avec une infection au Covid-19. L'effet perturbateur de la réponse immunitaire sur les règles pourrait s'expliquer par son action sur le système hormonal qui régule le cycle menstruel. On sait par exemple que la sécrétion de gonadotrophines est inhibée par des hormones du stress comme le cortisol et la (nor-)adrénaline. Le rôle de ce mécanisme est surtout bien démontré en cas de stress chronique (p.ex. entraînement physique intensif). Dans les situations aiguës, il est rare que son intensité soit suffisante pour entraîner des manifestations cliniques... et lorsque celles-ci existent, elles disparaissent généralement très rapidement, comme on l'a vu dans les cas lié au Covid-19. Une autre explication possible réside dans une réactivité accrue des cellules immunitaires impliquées dans la formation de l'endomètre. Il est aussi possible que l'inflammation déclenchée par la réponse immunitaire au vaccin abaisse temporairement la fonction ovarienne. Il s'agit d'une réaction physiologique normale: confronté à une période de stress, le corps s'efforcera d'éviter une grossesse pour économiser l'énergie. Un unique cycle perturbé n'est-il qu'un phénomène anecdotique? Pas tout à fait, réplique l'immunologiste Victoria Male dans le British Medical Journal, soulignant que le succès de la campagne de vaccination contre le coronavirus pourrait en partie dépendre d'une bonne information concernant ces troubles menstruels. Le scepticisme des jeunes femmes face au vaccin reste en effet largement lié aux informations erronées concernant son prétendu effet néfaste sur la fertilité... et un manque de clarté concernant son impact sur les règles risque d'alimenter encore plus leurs doutes. En outre, il est important que les médecins disposent des données nécessaires à une information correcte des patientes qui tablent sur la régularité de leur cycle pour planifier ou éviter une grossesse. Enfin, répétons-le pour tordre le cou aux bobards une fois pour toutes: les vaccins Covid n'ont aucun effet démontré sur la fertilité. Les essais cliniques ont observé autant de grossesses non planifiées dans les groupes vaccinés que dans les groupes non vaccinés, et les centres de la fertilité aussi ont mesuré les mêmes paramètres de fécondité et les mêmes taux de grossesse dans les deux groupes. Il y a néanmoins une leçon à retenir des notifications concernant les perturbations du cycle après vaccination, observe Victoria Male en guise de conclusion. Nous allons aujourd'hui devoir mettre sur pied de nouvelles études contrôlées pour confirmer et clarifier - ou pour infirmer complètement - l'effet de la vaccination sur la menstruation, alors qu'il eût été préférable d'examiner cet aspect d'emblée dans les grands essais cliniques consacrés à l'efficacité et aux effets secondaires des vaccins. Les femmes pensent trop rarement à mentionner spontanément leurs troubles menstruels lorsqu'elles participent à un essai clinique et il faudrait donc que le protocole prévoie explicitement de les interroger à ce sujet.