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Toutes les 40 secondes, une personne meurt par suicide dans le monde... La Belgique n'est bien sûr pas épargnée, elle occupe la 4e place des pays où le taux de suicide est le plus élevé (OCDE, 2016-18) (lire également en page 6). " La prise de médicaments est le 2e moyen le plus utilisé par les femmes pour se suicider après la pendaison et le 3e chez les hommes après la pendaison et les armes à feu. Selon les données les plus récentes, 14% des personnes sont décédées par intoxication médicamenteuse volontaire en 2015 (Observatoire wallon de la santé cellule NADE, 2015)", indique Un pass dans l'impasse, le Centre de référence de prévention du suicide (CRePS). L'une des méthodes les plus efficaces pour réduire le nombre de décès par suicide est de limiter l'accès aux moyens létaux, estime l'Organisation mondiale de la santé qui conseille notamment de sensibiliser les professionnels de la santé concernant la prescription, la vente et l'usage excessif des médicaments par les publics à risque. Afin d'élaborer des recommandations de bonnes pratiques pour soutenir les médecins généralistes et les pharmaciens dans leur travail, il convenait de déterminer comment ils appréhendent le suicide par médicaments. Le CRePS a réalisé, en avril dernier, une enquête en ligne auprès de ces deux groupes: 120 pharmaciens et 21 MG y ont répondu (le faible nombre de réponses de ces derniers est une des limites de ce travail). Résultats? Parmi les généralistes participants, plus de la moitié (57%) trouve que les futurs professionnels de la santé doivent être sensibilisés au suicide par intoxication médicamenteuse et 62% estiment que le MG doit avoir un rôle dans la prévention du suicide (notamment par médicaments). Enfin, 52% souhaiteraient suivre une formation à l'écoute pour faciliter la prise en charge des patients dépressifs. Du côté des pharmaciens, ceux qui ont répondu à l'enquête estiment que la population ne dispose pas d'une connaissance réelle concernant une consommation inadéquate/excessive des médicaments ni de leur létalité. Ils ne pensent pas que les professions de la santé sont davantage des métiers à risque de suicide par médicaments, ni qu'il existe une relation entre surconsommation ou automédication et taux de suicide par médicaments. 95% disent ne pas avoir assez d'informations sur les structures d'accueil et de prise en charge des personnes ayant fait une tentative de suicide ou à risque suicidaire, 63% estiment que la pharmacie est un lieu propice de prévention du suicide (notamment par médicaments) et un même pourcentage souhaiterait bénéficier d'une formation à l'écoute des patients dépressifs et être davantage informés des outils préventifs. En moyenne, les répondants affirment être confrontés une fois par an à un suicide (avéré) par intoxication médicamenteuse volontaire, mais ils estiment que le caractère 'tabou' de cet acte est un biais important. Ainsi, le nombre de décès par suicide serait sous-estimé dans les statistiques officielles, par absence de critères précis pour déclarer un suicide et par manque d'autopsies qui permettraient de vérifier la cause du décès. "La propension à déclarer un suicide peut dépendre du type de médecin en charge de la certification ou des caractéristiques socio-démographiques du sujet décédé. Elle peut également varier en fonction de critères d' ordre culturel ou religieux", précise le CRePS. Enfin, les réponses à l'enquête ont mis en évidence le caractère peu satisfaisant de la communication entre médecins et pharmaciens, alors qu'elle permettrait parfois d'éviter des problèmes de surconsommation. Quant aux médicaments les plus fréquemment utilisés, les généralistes citent les benzodiazépines, antidépresseurs, paracétamol et somnifères ; et les pharmaciens, les benzodiazépines, paracétamol, antidépresseurs, anxiolytiques, insuline et somnifères. Ces résultats et une revue de la littérature ont permis à Un pass dans l'impasse d'élaborer des recommandations à destination des médecins généralistes, les six principales sont reprises sur une affiche (voir ci-contre). La première invite à prendre le temps d'informer les patients sur les aspects dangereux du médicament. "Il existe une relation non négligeable entre la perception de la létalité et la récidive de conduite suicidaire ; dans la majorité des cas, le lien entre l' intentionnalité suicidaire et la faible létalité médicale peut être expliqué par le choix impulsif du patient et par la méconnaissance de la dangerosité réelle du produit", commente le CRePS qui attire l'attention sur la banalisation actuelle de la prescription des médicaments: "dans la perception des jeunes, le médicament de par sa fonctionnalité première est considéré comme une substance 'secure', d' autant plus qu' elle est sans risque de sanction légale". Les recommandations incitent donc à la vigilance dans la prescription d'antidépresseurs et à sensibiliser les patients à l'aide que pourrait leur apporter les professionnels de la santé mentale (psychothérapie...). Quant aux recommandations internationales, elles invitent à se former à identifier les idéations suicidaires, la dépression et d'autres troubles mentaux ou liés à l'usage de substances psychoactives, à évaluer le niveau de risque et être à même de réagir (éloigner le moyen létal...). Enfin, certains groupes à risque (endeuillés par suicide, victimes d'abus et de discrimination, personnes âgées isolées, adolescents en rupture, réfugiés, détenus...) doivent faire l'objet d'une attention particulière, estime l'OMS.