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Sachant déjà que le sommeil lent profond joue un rôle important dans le renforcement des apprentissages chez l'enfant et chez l'adulte et que pour un temps de sommeil équivalent, il est plus abondant chez l'enfant par rapport à l'adulte, une équipe du centre de recherche Cognition & Neuroscience, au sein du Neuroscience Institute (UNI) de l'ULB, a émis l'hypothèse que la consolidation des apprentissages au cours du sommeil est accélérée chez l'enfant d'âge scolaire par rapport à l'adulte. " En 2016, la doctorante Anna Peiffer, nouvellement aspirante FNRS, a commencé à récolter l'ensemble des données que nous avons analysées avant de publier notre étude ", explique Charline Urbain qui outre son travail de chercheuse au centre Cognition & Neuroscience est également professeur à la faculté des sciences psychologiques et de l'éducation de l'ULB. Pour tester leur hypothèse, les scientifiques ont évalué les performances de rappel de nouvelles associations apprises par 30 enfants (7-12 ans) et 34 adultes (20-30 ans) avant et après une nuit de sommeil ou une journée d'éveil d'une durée équivalente (environ 11 heures). " Comme nous testions des enfants, il nous fallait une tâche ludique mais il fallait aussi qu'elle égalise la performance initiale dans les différents groupes d'âge, " explique Charline Urbain . " Raison pour laquelle nous avons opté pour des objets inventés, tout à fait nouveaux, que nous avons associés à des fonctions magiques : un objet permet d'ouvrir une porte, un autre de corriger des fautes d'orthographe, etc." " Pour certains enfants et certains adultes, l'apprentissage initial s'est fait le matin et ils ont à nouveau été testés en soirée après une journée d'éveil. Pour les autres, cet apprentissage s'est déroulé le soir et ils ont été retestés le matin après une nuit de sommeil normale qui respectait leurs habitudes. Et pour éviter que nos résultats ne soient biaisés, entre autres par le fait que certains participants seraient plus reposés ou à l'inverse plus fatigués, tous ont été contrôlés via des questionnaires et des analyses de vigilance attentionnelle. " Outre un rappel de l'importance du sommeil aussi bien chez l'enfant que chez l'adulte, les résultats montrent surtout que les enfants bénéficient plus du sommeil que les adultes pour consolider leurs apprentissages. " Nous confirmons que le sommeil tient un rôle très actif dans le renforcement des apprentissages et cette sorte de super pouvoir est encore plus puissant chez les enfants que chez les adultes. En effet, si les performances de rappel des uns et des autres sont similaires après la journée d'éveil, tous oubliant de la même manière certaines informations, elles sont par contre meilleures chez les enfants au réveil, après une nuit de sommeil, les adultes retenant moins bien certaines informations et les enfants n'en perdant aucune. Cela démontre que le sommeil des enfants est particulièrement puissant pour le renforcement des apprentissages réalisés en cours de la journée. " " Et cet effet pourrait potentiellement être mis en lien avec la présence d'une période de sommeil lent profond proportionnellement plus longue chez l'enfant par rapport à l'adulte pour une durée équivalente de sommeil. Mais cela reste à prouver. Ce à quoi nous nous attelons aujourd'hui avec Anna Peiffer. Grâce à des techniques de neuroimagerie, nous sommes en train d'étudier ce qui se passe au cours du sommeil lent profond chez des enfants, avec ou sans troubles d'apprentissage, et chez des adultes afin de comparer d'un point de vue cérébral les processus en jeu au cours du sommeil et d'évaluer leur impact sur la mémorisation de l'information. " Compte tenu des résultats obtenus, Charline Urbain considère qu'il est important de valoriser l'importance du sommeil auprès des enfants qui rechignent à aller dormir et de conscientiser les parents à cet égard. " Avoir une alimentation saine, éviter les écrans le soir, accueillir le sommeil comme une opportunité, etc..., tous ces éléments sont de nature à mettre les enfants dans des conditions optimales de sommeil et à faire en sorte qu'ils puissent passer une bonne nuit. De quoi les aider à mémoriser ce qu'ils ont appris durant la journée ou, dans le chef de certains enfants avec des troubles de l'attention et de l'apprentissage ou des troubles du langage, d'éventuellement rattraper le niveau des performances de mémorisation de leurs pairs sans trouble. " " Diverses études ont aussi suggéré que pour toute une série d'autres pathologies, comme l'épilepsie, les enfants vont avoir plus d'activités liées à leur pathologie durant le sommeil et que ces activités ont probablement un lien avec leurs difficultés d'apprentissage et de mémorisation. D'où l'intérêt de considérer le sommeil non pas comme une période de repos au cours de laquelle le cerveau serait éteint mais au contraire comme une période d'intense activité neurophysiologique influençant nos apprentissages... " Scientific Report, 19 juin 2020, doi : 10.1038/s41598-020-66880-3 https://www.nature.com/articles/s41598-020-66880-3