...

Dans le cadre de travaux portant sur le développement du cortex cérébral, l'équipe de Pierre Vanderhaeghen (Institut de Recherche Interdisciplinaire en Biologie Humaine et moléculaire, Faculté de Médecine de l'Université Libre de Bruxelles) a découvert un facteur moléculaire, appelé Bcl6, qui favorise la différenciation des cellules souches neurales." C'est le résultat d'une recherche au cours de laquelle nous avons voulu comprendre ce qui détermine le passage de la croissance à la différenciation des précurseurs neuraux et que nous avons entamée à la suite de travaux sur Bcl6 précédemment publiés ", commente Jérôme Bonnefont, post-doctorant dans le laboratoire du Pr Vanderhaeghen et premier auteur de la nouvelle publication." Au cours des précédents travaux, nous avions identifié un gène cible majeur réprimé par Bcl6 pour induire la neurogenèse dans le cortex, mais des gènes cibles différents dans le cervelet, celui repéré dans le cortex n'ayant apparemment que peu d'impact dans la neurogenèse du cervelet. En cumulant les résultats de ces deux études, on s'est demandé si l'effet de Bcl6 était spécifique du contexte cellulaire ou bien plus large. C'est ainsi qu'a démarré notre nouvelle étude qui a finalement validé la deuxième hypothèse. "Le cerveau est un organe extraordinairement complexe, constitué de milliards de cellules aux fonctions diverses. Pendant son développement, on assiste à un jeu d'interactions compliquées au cours duquel les cellules progénitrices neurales commencent par se multiplier. Mais à un certain stade de la croissance cérébrale, ces progéniteurs doivent arrêter la multiplication et se spécialiser pour devenir chacun un type spécifique de cellules.Les chercheurs bruxellois ont découvert que cette différenciation s'opère, entre autres, grâce à Bcl6 qui n'est exprimé que dans certaines cellules progénitrices et certains neurones." Les progéniteurs sont soumis à deux forces opposées ", précise Jérôme Bonnefont. " D'une part, les signaux extrinsèques qui ont généralement un effet prolifératif et qui les empêche de se différencier. D'autre part, les signaux intrinsèques qui, eux, ont un effet différenciateur. Suivant le stade où on se situe dans le processus de développement, l'un prend le pas sur l'autre. "" Dans un modèle murin, nous montrons que, même si de nombreux signaux extérieurs à la cellule sont encore présents, dont certains sont même contradictoires, à un moment donné, tout d'un coup, elle ne va plus y faire attention pour passer en mode de différenciation ", poursuit le post-doctorant." L'instigateur de cette transition, c'est la protéine Bcl6 qui agit en quelque sorte comme un ingénieux interrupteur. Elle joue un rôle de répresseur global pour une série d'éléments et de voies de signalisation, dont on sait qu'ils favorisent la multiplication des cellules ".Pour aboutir à cette trouvaille, les scientifiques de l'ULB ont fait appel à une large gamme d'outils génomiques et cellulaires, entre autres le ChIP-Seq (ChIP-sequencing), une méthode servant à identifier les gènes cibles de Bcl6 dans l'ensemble du génome." Nous sommes allés au Royaume-Uni où une équipe du Crick Institute nous a permis d'optimiser notre protocole de ChIP-Seq. Pour les analyses bio-informatiques de ces données, nous avons ensuite bénéficié de l'expertise de collègues de la VIB-KU Leuven, en Belgique. "Étant donné que les cellules souches et les cellules cancéreuses répondent généralement aux mêmes signaux de prolifération qui sont justement inhibés par la protéine Bcl6, le résultat de cette étude pourrait également avoir une importance dans le domaine de la biologie du cancer. "En effet, les cellules souches et les cellules cancéreuses répondent généralement aux mêmes signaux de prolifération qui sont justement inhibés par la protéine Bcl6 ", dit encore Jérôme Bonnefont.Ce dernier s'attend par ailleurs à découvrir dans d'autres cellules souches chez l'embryon et même chez l'adulte, des mécanismes similaires à ceux qui ont été trouvés en se concentrant sur les cellules souches neurales." Notre modèle a peut-être une portée plus générale. De futurs travaux devraient permettre de déterminer si d'autres répresseurs, présents dans différentes parties du système nerveux ou d'autres tissus, peuvent également moduler la sensibilité aux signaux prolifératifs et, si c'est le cas, de quelle manière. Cela permettrait de mieux comprendre la différenciation non seulement pendant le développement, mais également chez l'adulte. Dans un premier temps, nous allons essayer de voir si Bcl6 est aussi impliqué dans la génération des nouveaux neurones chez l'adulte... "