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J'avais suivi les consultations en santé sexuelle et reproductive durant toute la matinée avec les sympathiques infirmières. Dans cette clinique, les femmes et les jeunes filles venaient consulter pour différentes raisons : j'en avais vu passer une vingtaine pour un dépistage du VIH, du soutien en matière de planification familiale, une première visite prénatale ou encore un dépistage du cancer du col de l'utérus. Certaines patientes combinaient même dépistage du VIH et du cancer du col de l'utérus ainsi que planification familiale au cours d'une même visite.Puis nous avons reçu Maura* (40 ans), la dernière patiente de la matinée. J'ai tout de suite remarqué qu'elle était très mince et avait les ganglions gonflés au niveau du cou. L'infirmière a demandé à Maura la raison de sa visite. " J'ai mal au ventre ", a-t-elle répondu, " et une substance dégoûtante s'écoule de mon vagin. " Immédiatement, j'ai croisé les doigts pour qu'il s'agisse " juste " d'une maladie sexuellement transmissible, que l'on pourra traiter. Mais pendant l'examen, l'infirmière et moi-même avons remarqué une masse importante provenant du col de l'utérus et colonisant le vagin. La suite de l'examen a révélé qu'elle s'étendait jusqu'à la paroi pelvienne.Une fois Maura rhabillée, nous lui avons conseillé d'effectuer un test de dépistage du VIH. L'infirmière s'est assise avec Maura et lui a expliqué avec délicatesse qu'elle souffrait de deux maladies graves : le cancer du col de l'utérus et le VIH. L'infirmière lui a assuré que nous ferions tout notre possible pour l'aider et lui a indiqué qu'elle allait être transférée à la clinique VIH, où elle pourrait commencer son traitement le jour même.En ce qui concerne son cancer, en revanche, la situation était plus compliquée. La tumeur était inopérable et la radiothérapie était sa seule chance de survie. Malheureusement, ce traitement n'est pas disponible au Mozambique. En théorie, les patients devraient être transférés dans des hôpitaux sud-africains, mais ce système ne fonctionne pas dans la pratique, car il est trop coûteux, trop complexe et les distances sont trop importantes.Il y a deux ans, j'ai serré Maura dans mes bras et lui ai souhaité bonne chance, puis je suis rentrée chez moi le coeur lourd. Les graves problèmes de santé de cette patiente auraient clairement pu être évités. Si seulement elle avait pu effectuer un test de dépistage du cancer du col de l'utérus, si seulement sa séropositivité avait été connue plus tôt, si seulement...Aujourd'hui, dans le monde, davantage de femmes meurent du cancer du col de l'utérus que de complications liées à la grossesse et à l'accouchement. En 2018, le cancer du col de l'utérus a tué 311.000 femmes, principalement dans des milieux à faibles revenus et avec un accès limité à des soins de santé de qualité, pour des raisons financières, culturelles ou géographiques.Ce chiffre devrait encore augmenter dans les années à venir. Et pourtant, ces décès ne causent pas vraiment de vague d'indignation. Le pire de tout, c'est que des mesures préventives, comme le vaccin contre le papillomavirus humain, et des traitements, comme la cryothérapie (destruction par le froid des cellules anormales), sont disponibles et, dans le dernier cas, abordables.En juillet dernier, je me suis rendue au Zimbabwe, où MSF gère un programme de dépistage et de traitement du cancer du col de l'utérus, en collaboration avec le ministère de la Santé. Les dépistages sont effectués dans six cliniques où les femmes peuvent aussi participer à des séances de planification familiale, réaliser des tests de dépistage du VIH et recevoir des traitements si nécessaire. L'année passée, dans le district de Gutu, 5.751 femmes ont passé un test de dépistage du cancer du col de l'utérus. Nous avons désormais atteint 75 % des femmes de la zone d'intervention. Nous menons des activités de promotion de la santé au sein de la clinique et avons investi dans la technique d'excision électrochirurgicale à l'anse diathermique afin de pouvoir mieux traiter les lésions précancéreuses que nous détectons grâce à la méthode VIA (inspection visuelle à l'acide acétique).Toutes ces mesures ont généré de bons résultats. Année après année, de plus en plus de femmes viennent se faire dépister et nous détectons de moins en moins d'anomalies. Cela s'explique peut-être par la combinaison de dépistages plus précoces, du travail de proximité de nos équipes et du personnel mieux formé à identifier les anomalies. Nous savons aussi qu'un traitement efficace et à long terme du VIH contribue à l'élimination spontanée des lésions précancéreuses.L'année dernière, à Gutu, MSF a également mené une campagne de vaccination scolaire contre le HPV, pour les fillettes de 9 et 10 ans, et a fourni des vaccins à un millier d'adolescentes et de jeunes femmes séropositives âgées de 15 à 26 ans. Cette population vulnérable a désormais de très bonnes chances d'être protégée à vie contre cette maladie mortelle.Ainsi, en vaccinant les jeunes filles et en proposant des dépistages et des traitements sur place, nous n'offrons pas seulement de l'espoir, nous évitons réellement le développement de cas de cancer du col de l'utérus et ce, afin que davantage de patientes comme Maura aient une chance de survie.Mais le chemin est encore long.