Quelques 350 médecins ont participé au webinaire de l'Aviq "Utilité de la troisième dose de vaccin au milieu de la tempête Omicron". Ils ont également été nombreux à suivre le webinaire du Collège de médecine générale (CMG) sur la vaccination contre le Covid-19. De nombreux médecins se posent des questions quant à l'efficacité des vaccins face à Omicron, et de l'utilité d'une troisième dose face à ce variant coriace.

Trois doses, un schéma optimal

La troisième dose fait peu débat pour les personnes fragiles (personnes âgées, patients immunodéprimés) et les professionnels de soins au sens large. Mais est-elle utile pour la population globale? "La dose supplémentaire de vaccin permet d'améliorer la réponse humorale (la production d'anticorps). C'est une erreur de l'appeler "booster". En fait, c'est un schéma optimal: une vaccination à trois doses comme pour les vaccins HPV et de l'hépatite B", explique le Pr Jean-Michel Dogné, directeur du département de pharmacie à l'UNamur, membre du Comité mondial de sécurité des vaccins à l'OMS, du Comité de sécurité des médicaments à l'EMA et de la Taskforce Vaccination. "Les données épidémiologiques montrent que la troisième dose diminue les formes sévères et les hospitalisations de manière significative."

Les chiffres parlent d'eux-mêmes: Sciensano relève une diminution du risque d'hospitalisation chez les personnes vaccinées de 99% chez les 12-17 ans, de 83% chez les 18-64 et de 41% chez les +65 ans dans les données d'hospitalisation du 20 décembre 2021 au 2 janvier 2022. Cette efficacité est encore plus marquée en soins intensifs où l'on retrouve majoritairement des non-vaccinés.

"Par ailleurs, une analyse supplémentaire de l'EMA permet d'affirmer qu'un schéma de vaccination hétérologue, surtout pour la troisième dose, est aussi efficace qu'un schéma de vaccination classique", précise Jean-Michel Dogné. D'un point de vue pratique, cela veut dire que ceux qui ont reçu deux doses AstraZeneca et une Moderna sont tous aussi bien protégés que ceux qui ont reçu trois doses Pfizer.

50% des Européens touchés d'ici deux mois

Le Dr Hans Kluge, directeur régional pour l'Europe de l'OMS, estime que 50% de la population européenne serait confrontée au variant Omicron dans les deux mois à venir. Quelles sont les conséquences? "Omicron a une structure complètement modifiée par rapports aux précédents variants. Il est beaucoup plus infectieux, entre deux et quatre fois plus que le variant Delta, déjà particulièrement infectieux par rapport à la forme initiale du virus. Le risque de sévérité est cependant moindre." Les chiffres diffèrent selon les publications. L'EMA estime la réduction de la sévérité entre un tiers et 50%. Cette baisse de sévérité serait liée à deux éléments: premièrement, le variant affecterait davantage les voies aériennes supérieures et moins les poumons. Deuxièmement, la vaccination porte ses fruits.

"L'efficacité du vaccin est maintenue car l'immunité se constitue par la réponse humorale et la réponse cellulaire", détaille le Pr Dogné. Certes, la réponse humorale est moindre face à Omicron. Pour paraphraser Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral de la lutte contre le Covid, "la clef ne tourne pas parfaitement dans la serrure" avec Omicron. Par contre, la réponse cellulaire est nettement moins tributaire des variations de la protéine spike. "Ce qui explique pourquoi la plupart des vaccins ARN gardent une efficacité sur les formes sévères quel que soit le variant analysé.Même dans le cas d'Omicron, une seule dose de vaccin prévient déjà de 52% des hospitalisations quatre semaines après injection, de 72% après une deuxième dose et de 88% avec une troisième dose. Il est donc faux de ne penser que se faire vacciner en première dose est inutile. C'est même un point essentiel sur lequel il faut insister."

Si l'efficacité du vaccin est prouvée, la protection acquise en cas d'infection antérieure a par contre du plomb dans l'aile face à Omicron. " Les premières données confirment queles personnes contaminées précédemment par d'autres variants du virus ne sont pas protégées en termes d'anticorps neutralisants. La vaccination est donc une arme efficace." Un constat partagé par Yves Van Laethem. "Ce n'est pas parce qu'on a fait une infection naturelle que l'on doit négliger une dose de rappel."

Varia

Omicron signe-t-il la fin prochaine de la pandémie?

"En un an, on a eu cinq variants. Ceux qui pensent qu'Omicron signifie la fin du virus n'apprennent rien de l'histoire", répond le Pr Dogné . "Les mutations du virus surgissent là où la vaccination n'est pas pleinement déployée. Des variants peuvent continuer à apparaître dans ces pays."

"Il est par contre possible d'atteindre une forme d'immunité collective qui générera beaucoup moins d'hospitalisations, voire une maladie davantage endémique que pandémique. Mais le virus a plus d'un tour dans son sac. Je reste donc très prudent."

Vaccination des femmes enceintes

"Toutes les études montrent que l'on peut employer le vaccin ARN chez les femmes enceintes", répond Jean-Michel Dogné. "Le vaccin aura un double effet: il préviendra les formes sévères de la maladie chez la mère, et fournira des anticorps au foetus. Toutes les études montrent qu'il n'y a aucun impact, quel que soit le nombre de doses, le mois où elles sont inoculées, sur une naissance prématurée."

On peut également vacciner la femme allaitante. "L'ARN messager ne va pas se retrouver dans le lait maternel, et quand bien même il s'y retrouverait, il serait détruit au niveau du tube digestif de l'enfant."

Vaccination des 5 -11 ans

"L'objectif de la vaccination est ici de réduire l'impact direct du Covid-19 chez l'enfant, même si le risque d'hospitalisation est moindre", explique le Pr Dogné . "Selon une étude parue jeudi dernier, les enfants qui développent le Covid-19 ont deux à fois plus de chances de développer des formes de diabète dans les 30 jours qui suivent l'infection."

À noter que le vaccin utilisé, Pfizer uniquement, est dilué. Un tiers de la dose adulte est administrée, notamment pour éviter de potentielles myocardites. " Même plus faiblement dosé, chez ce groupe d'âge, une efficacité de 93% est conservée sur les formes graves." On notera par ailleurs que les effets secondaires et autres évènements indésirables sont pour l'heure les mêmes que ceux constatés chez les adultes, dans les mêmes proportions. "La vaccination de ce groupe est recommandée, mais pas prioritaire. La 3e dose est davantage nécessaire."

Obligation vaccinale

Le Conseil d'État a validé l'obligation vaccinale des soignants (lire jdM 2698). Pourquoi est-ce qu'on ne l'impose pas à tous ceux qui sont en contact avec les patients? "Les Régions peuvent prendre des mesures pour qu'il y ait une obligation vaccinale pour le personnel non soignant en contact avec les patients. Cette question a fait l'objet de recherches juridiques poussées qui mènent à ce stade à des problèmes en termes de discriminations", répond Christie Morreale, ministre wallonne de la Santé. "Nous avons toutes les raisons de penser que des mesures régionales seraient cassées par des juridictions. Raison pour laquelle nous plaidons pour une obligation vaccinale généralisée de la population adulte. Nous avons demandé à Pedro Facon, commissaire Covid national, de rédiger une note qui devrait nous parvenir dans les prochains jours pour envisager l'obligation vaccinale."

Report des soins

Des patients doivent reporter leurs soins parce que des lits hospitaliers sont pris par des patients Covid non vaccinés. "C'est le résultat de l'égoïsme des non-vaccinés par rapport à la transmission", rétorque Jean-Michel Dogné. "Ils estiment que le vaccin prévient moins la transmission, et donc cela ne sert à rien de se faire vacciner car il y a moins de risque de se faire hospitaliser de toute manière avec Omicron. Or, en réalité, on réduit tout de même la transmission, y compris d'Omicron. Pas de 100%, mais quelque part entre 20 et 30%. Ce n'est pas grand-chose, mais à chaque fois que l'on rajoute une couche de protection, nous réduisons le risque de transmettre le virus à d'autres personnes. Le but est bien sûr de réduire les hospitalisations, mais surtout de réduire la pression sur les soins intensifs afin que les lits soient utilisés à bon escient."

Risques d'anaphylaxies et d'allergies

"Il y a peu d'allergènes potentiels dans les vaccins ARN: le polyéthylène glycol (PEG) et le trométamol dans le cas de Moderna", explique le Pr Antoine Froidure, professeur de pneumologie à l'UCLouvain et président de la Société belge d' allergologie. "Les vaccins à adénovirus (dont le Novavax) contiennent quant à eux du polysorbate 80. Ce dernier a malheureusement la particularité de parfois présenter des allergies croisées avec le PEG."

Tous les centres de vaccination sont équipés et formés pour prendre une réaction allergique, même sévère. "Le risque d'anaphylaxie est très faible (entre un et quatre cas par million de doses), et comparable aux autres vaccins que l'on utilise depuis des dizaines d'années."

Concernant les réactions immunes retardées (syndromes de Guillain-Barré et myocardites), elles sont imprévisibles. Néanmoins, ces réactions sont très rares, et plus fréquentes avec le virus (le risque de myocardite est ainsi cinq à six fois plus élevés) par rapport au vaccin. La vaccination reste donc conseillée.

"Les cas sont rares, mais si vous avez un patient qui a une allergie connue à un des composés du vaccin, ou si un patient a fait une réaction anaphylactique après injection du vaccin, il faut en référer à un centre de référence avant l'administration d'une dose de vaccin. Même démarche si l'on suspecte une réaction retardée sévère."

Pour rappel, les personnes allergiques à un composé de vaccin ou qui ont développé une réaction immune grave suite à un vaccin peuvent recevoir un certificat qui leur ouvrira la porte à un remboursement des tests PCR dans le cadre du voyage, ou de l'accès à certains événements, et à l'obtention d'un CST valable en Belgique.

Décès rapportés liés à la vaccination

"Il y a eu deux ou trois cas liés à des thromboses sévères", répond Antoine Froidure. "Il n'y a pas encore eu de décès rapportés à ma connaissance liés aux vaccins ARN. La pharmacovigilance est très efficace, et les retours sont plutôt rassurants, également concernant les cas de myocardites."

Dose de rappel pour les patients ayant eu récemment le Covid

Il faut agir au cas par cas. "Il faut attendre au minimum 15 jours après la résolution des symptômes", explique Yves Van Laethem. "Mais c'est du cas par cas. Le rôle des médecins généralistes prend ici tout son sens: il peut conseiller à son patient d'attendre un mois ou deux sans problème. Mais il n'y a pas de raison d'attendre six mois non plus, l'immunité humorale retombant après un certain temps. C'est du bon sens."

"Aucune infection au Covid, même sévère, n'est une raison de ne pas se faire vacciner dans des délais raisonnables", ajoute le Pr Froidure.

Quelques 350 médecins ont participé au webinaire de l'Aviq "Utilité de la troisième dose de vaccin au milieu de la tempête Omicron". Ils ont également été nombreux à suivre le webinaire du Collège de médecine générale (CMG) sur la vaccination contre le Covid-19. De nombreux médecins se posent des questions quant à l'efficacité des vaccins face à Omicron, et de l'utilité d'une troisième dose face à ce variant coriace. La troisième dose fait peu débat pour les personnes fragiles (personnes âgées, patients immunodéprimés) et les professionnels de soins au sens large. Mais est-elle utile pour la population globale? "La dose supplémentaire de vaccin permet d'améliorer la réponse humorale (la production d'anticorps). C'est une erreur de l'appeler "booster". En fait, c'est un schéma optimal: une vaccination à trois doses comme pour les vaccins HPV et de l'hépatite B", explique le Pr Jean-Michel Dogné, directeur du département de pharmacie à l'UNamur, membre du Comité mondial de sécurité des vaccins à l'OMS, du Comité de sécurité des médicaments à l'EMA et de la Taskforce Vaccination. "Les données épidémiologiques montrent que la troisième dose diminue les formes sévères et les hospitalisations de manière significative."Les chiffres parlent d'eux-mêmes: Sciensano relève une diminution du risque d'hospitalisation chez les personnes vaccinées de 99% chez les 12-17 ans, de 83% chez les 18-64 et de 41% chez les +65 ans dans les données d'hospitalisation du 20 décembre 2021 au 2 janvier 2022. Cette efficacité est encore plus marquée en soins intensifs où l'on retrouve majoritairement des non-vaccinés. "Par ailleurs, une analyse supplémentaire de l'EMA permet d'affirmer qu'un schéma de vaccination hétérologue, surtout pour la troisième dose, est aussi efficace qu'un schéma de vaccination classique", précise Jean-Michel Dogné. D'un point de vue pratique, cela veut dire que ceux qui ont reçu deux doses AstraZeneca et une Moderna sont tous aussi bien protégés que ceux qui ont reçu trois doses Pfizer. Le Dr Hans Kluge, directeur régional pour l'Europe de l'OMS, estime que 50% de la population européenne serait confrontée au variant Omicron dans les deux mois à venir. Quelles sont les conséquences? "Omicron a une structure complètement modifiée par rapports aux précédents variants. Il est beaucoup plus infectieux, entre deux et quatre fois plus que le variant Delta, déjà particulièrement infectieux par rapport à la forme initiale du virus. Le risque de sévérité est cependant moindre." Les chiffres diffèrent selon les publications. L'EMA estime la réduction de la sévérité entre un tiers et 50%. Cette baisse de sévérité serait liée à deux éléments: premièrement, le variant affecterait davantage les voies aériennes supérieures et moins les poumons. Deuxièmement, la vaccination porte ses fruits. "L'efficacité du vaccin est maintenue car l'immunité se constitue par la réponse humorale et la réponse cellulaire", détaille le Pr Dogné. Certes, la réponse humorale est moindre face à Omicron. Pour paraphraser Yves Van Laethem, porte-parole interfédéral de la lutte contre le Covid, "la clef ne tourne pas parfaitement dans la serrure" avec Omicron. Par contre, la réponse cellulaire est nettement moins tributaire des variations de la protéine spike. "Ce qui explique pourquoi la plupart des vaccins ARN gardent une efficacité sur les formes sévères quel que soit le variant analysé.Même dans le cas d'Omicron, une seule dose de vaccin prévient déjà de 52% des hospitalisations quatre semaines après injection, de 72% après une deuxième dose et de 88% avec une troisième dose. Il est donc faux de ne penser que se faire vacciner en première dose est inutile. C'est même un point essentiel sur lequel il faut insister."Si l'efficacité du vaccin est prouvée, la protection acquise en cas d'infection antérieure a par contre du plomb dans l'aile face à Omicron. " Les premières données confirment queles personnes contaminées précédemment par d'autres variants du virus ne sont pas protégées en termes d'anticorps neutralisants. La vaccination est donc une arme efficace." Un constat partagé par Yves Van Laethem. "Ce n'est pas parce qu'on a fait une infection naturelle que l'on doit négliger une dose de rappel."