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À Baden-Baden, à deux pas des bâtiments des thermes, du théâtre et du casino construit au 19e siècle, le long d'une allée charmante et arborée qui accueille d'autres musées, l'édifice conçu par l'architecte et artiste abstrait américain Richard Meier s'intègre, malgré sa forme ultracontemporain et grâce à sa structure blanche, aérienne, de verre, de vides et de pleins, dans le paysage et se révèle une sorte de musée du BAM réussi... À l'intérieur, se niche et se cache même, la collection de Frieder Burda, héritier notamment de la créatrice de patrons de mode Anna Burda, enfant de la Forêt-Noire qui bâtit un empire médiatique et commença très tôt à collectionner de l'art contemporain sous toutes ses formes. À l'heure de sa mort il y a trois ans, il avait réuni plus de 1.000 tableaux, tous représentatifs et éloquents, notamment de l'abstraction américaine de Jackson Pollock et Willem de Kooning notamment, des Picasso de la fin de vie, des oeuvres bien sûr d'artistes allemands, notamment de Georg Baselitz, et surtout de Gerhard Richter qui fut le conseiller artistique de Burda, lequel de toute manière faisait preuve dans ses choix d'un oeil acéré et très sûr, préférant se concentrer sur la qualité plutôt que la quantité. Hélas, la fondation qui gère également la collection d'expressionnistes allemands dont avait hérité son frère Franz, lequel l'avait enrichie, ne montre des oeuvres de la collection seulement lorsqu'elle s'intègre dans une exposition temporaire que le musée propose constamment, ou les échange avec d'autres musées comme le Beyeler à Bâle, ce qui lui permet de mettre sur pied des propositions renouvelées trois fois l'an. L'expo actuelle, ouverte le 15 juillet dernier, s'intéresse aux peintres du Coeur-Sacré, à savoir à cinq artistes que l'on qualifie, erronément selon le commissaire Udo Kittelmann, de naïfs. Des artistes français - Burda qui vécut à Baden Baden (situé à 15 km de la frontière française) épris de francophilie et mort un 14 juillet voici trois ans, n'a eu de cesse de multiplier les contacts entre les deux pays (la ville accueillit le quartier général des forces françaises en Allemagne après la Deuxième Guerre) - promus par le marchand d'art allemand Wilhelm Uhde, lequel s'installa jeune à Paris. Cinq artistes présentés au travers de la collection Charlotte Zander principalement. Dans un accrochage sobre et aérien, Camille Bambois, le premier de ces cinq peintres autodidactes à être présenté, se révèle d'une "naïveté" aux reflets réalistes notamment dans sa toile "le Moulin à eau". Ce fils de batelier, dont les oeuvres furent présentées à la première documenta de Kassel en 1955, a travaillé dans un cirque et un théâtre, et multiplie dès lors les images circassiennes et théâtrales avec un mélange de Botero à venir et de Douanier Rousseau (La Parade) qui émeut par l'expressivité du regard, notamment celui de son épouse dont il tire le portrait en 1944. Le Douanier Rousseau, présent avec seulement trois tableaux dont Le Lion, ayant faim, se jette sur l'antilope, prêté par la fondation Beyeler, se révèle remarquablement contrasté au point que le tableau semble en relief. À ses côtés, une rareté: une petite toile datant de 1888, une scène de guerre (il fut sous-officier en 1870) d'un classicisme réaliste assumé. Les grands bouquets de fleurs vibrants, pleins de souffle, violemment colorés, démontrent le caractère psychiquement instable de son auteur: Séraphine Louis qui terminera internée durant la guerre et vit ses oeuvres présentées de façon posthume également à Kassel après la guerre. Louis Vivin, fonctionnaire des postes qui exposa à la Foire aux croûtes (sic! ) en 1922 est sans doute celui qui répond le plus justement à l'appellation de naïf, au travers de scènes de villages, de chasse, de combats d'animaux, qui frisent la bande dessinée voire le dessin d'enfant dans sa description des monuments de Paris comme le Trocadéro, dont le style évoque les cités imaginaires de Marcel Storr, cantonnier parisien catalogué "art brut". Enfin, André Bauchant, mobilisé lui aussi à 41 ans durant la guerre de 14 et qui découvre la Grèce avec son régiment, est sans doute le plus doué techniquement, qui décrit une scène de braconniers dans la neige porteuse de réminiscences de Bruegel en plus mélancolique, propose une vision de la mythologie et l'histoire antique, notamment de La Bataille de Marathon d'une naïveté teintée de symbolisme et bien sûr d'académisme. Ses portraits, notamment La Famille, se révèlent quant à eux d'un semi-réalisme troublant, voire dérangeant. Bref, naïfs mais pas trop...