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J acqueline Herremans, présidente de l'asbl Droit de mourir dans la dignité (ADMD), commente l'actualité récente sur l'euthanasie. Selon elle, la loi évolue et est assez solide en Belgique. "Elle a résisté aux 20 ans. Bien sûr, certaines choses devraient encore être améliorées. La question de l'anonymat par exemple. Si l'anonymat avait été demandé par le corps médical à la base, c'est parce que l'euthanasie était alors considérée comme stigmatisante pour le médecin la pratiquant. Aujourd'hui, cela pose moins de problème. Il ne faut plus se cacher. Cette avancée serait importante, notamment pour la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie. Cela permettrait d'éviter toute suspicion quand la Commission doit évaluer une euthanasie pratiquée par l'un de ses membres par exemple."La loi euthanasie aura 20 ans le 28 mai prochain. Le 15 mars 2020, la loi a été modifiée. Ce qui change? Les déclarations anticipées d'euthanasie, auparavant limitées à cinq ans, ont désormais une durée de validité illimitée. Ensuite, aucune clause écrite ou non écrite ne peut empêcher un médecin de pratiquer une euthanasie dans les conditions légales. Enfin, si le médecin consulté refuse, sur la base de sa liberté de conscience, de pratiquer une euthanasie, il est tenu d'informer le patient en temps utile et au plus tard dans les sept jours de la première formulation de la demande d'euthanasie. Ce sont ces trois éléments qui ont été visés par un recours et analysés par la Cour constitutionnelle. La Cour a considéré que deux d'entre eux ne sont pas contraires à la Constitution. Quant à la troisième disposition, relative à l'atteinte à la liberté des institutions de soins ne pratiquant pas d'euthanasie, la Cour a refusé d'examiner le recours, le jugeant irrecevable. "Je suis étonnée qu'il y ait eu ce recours", reconnaît Jacqueline Herremans. "Ce sont des modifications à la marge."Le recours contestait en premier lieu l'obligation faite au médecin qui refuse de pratiquer une euthanasie (en vertu de la loi ou pour motif de conscience) d'informer le patient de l'existence d'un centre ou une association spécialisé en matière de droit à l'euthanasie. Les requérants considéraient que "cette obligation porte injustement atteinte à la liberté de conscience du médecin concerné en le contraignant à participer à une euthanasie, dès lors que les centres ou associations en question militent en réalité pour l'extension de la loi sur l'euthanasie". La Cour rejette toutefois ces arguments, considérant que "la liberté de conscience du médecin et son choix de ne pas pratiquer l'euthanasie, ainsi que les droits du patient" sont respectés en l'occurrence. "Ce que le législateur précise, ce qui n'était pas le cas à l'origine, c'est d'une part l'existence d'un délai de sept jours pour informer le patient - sans préciser de sanction en cas de non-respect de ce délai - et l'obligation, en cas de refus, d'informer le patient", précise Jacqueline Herremans. "Informer, ce n'est pas nécessairement renvoyer vers un collègue qui pratique l'euthanasie et obliger d'entrer dans une forme de collaboration à une procédure qu'il réprouve. Informer, c'est dire que des centres et des associations comme l'ADMD existent, simplement. Le médecin qui refuse l'euthanasie reste donc dans son rôle."Concernant le deuxième point, "aucune clause écrite ou non écrite ne peut empêcher un médecin de pratiquer une euthanasie", l'Institut européen de bioéthique, partie intervenante au recours, estime "qu'une telle restriction porte injustement atteinte à la liberté de des institutions de soins (dont le projet de soins exclut le fait de pratiquer l'euthanasie, ndlr) ". Pour la présidente de l'ADMD, "le législateur a simplement clarifié une situation et affirmé le principe que la prise de conscience est individuelle, et non institutionnelle. Une institution ne peut pas interdire à un médecin de pratiquer une euthanasie demandée par un de ses patients ou résidents".Enfin, le recours contestait également la durée de validité désormais illimitée de la déclaration anticipée d'euthanasie, considérant qu'une telle validité pourrait mener à ce que soient pratiquées des euthanasies sur des personnes dont la position a évolué entre-temps mais qui avaient oublié de modifier leur déclaration. La Cour a rejeté cet argument, indiquant que "conférer à la déclaration anticipée une durée de validité limitée ne fait pas disparaître le risque que le déclarant oublie de renouveler sa déclaration. Rien n'empêche les personnes concernées, le cas échéant en concertation avec leurs proches et les professionnels concernés, de réévaluer régulièrement leur position. " Une position à laquelle souscris Jacqueline Herremans. " D'autant plus que l'on peut retirer cette déclaration à tout instant. N'oublions pas que c'est une procédure lourde, tant administrativement qu'humainement"."La faiblesse de la loi se situe au niveau des sanctions", souligne Jacqueline Herremans, qui pointe l'absence actuelle de sanction spécifique en cas de violation des conditions de la loi euthanasie. La Cour constitutionnelle doit justement se pencher sur le sujet dans le cadre de l'affaire Tine Nys. "La loi dépénalise l'euthanasie, mais expose le médecin soupçonné de ne pas avoir respecté la loi à des poursuites pour homicide volontaire avec préméditation ou pour empoisonnement ayant causé la mort. C'est ça, ou rien, car aucune sanction n'est prévue, même en cas de manquements sur des points non essentiels. On attend donc le prochain arrêt avec intérêt.""C'est 20e anniversaire, si l'on veut revoir la copie, il faut prévoir des sanctions pour les manquements qui se trouvent en dehors des conditions essentielles de la loi, telles que des sanctions administratives en cas de non-respect de délai, pour éviter la Cour d'assise, à l'instar de ce qui est fait aux Pays-Bas", conclut Jacqueline Herremans.