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Deuxième partie de cet ensemble intitulé Plateforme 10 et accueillant le musée des Beaux-Arts dans la première, le second édifice, situé à quelques mètres sur l'esplanade, présente l'aspect d'un cube monolithique comme fracturé par une immense zébrure de verre dans sa partie inférieure. Le bâtiment, ouvert l'été dernier, abrite la galerie Photo Élysée, musée dédié comme son nom l'indique à la photographie, ainsi que le MUDAC, consacré pour sa part au design. Le premier, situé au sous-sol et donc à l'abri de la lumière, propose de façon permanente une exposition qui invite le visiteur à découvrir la magie et la technique photographique de manière très pratique et ludique. À coté de cela, la galerie développe des expos temporaires, dont l'une est consacrée à Gabriel Lippmann, physicien d'origine luxembourgeoise et inventeur de la photographie holographique, très en vogue désormais, et qu'il mit au point au début du siècle dernier. La seconde est de plus grande ampleur, et se consacre au flou dans l'histoire de la photographie et de l'art tout court. Sujet orignal et passionnant s'il en est. Du flou involontaire (un cavalier dont le cheval ne peut s'empêcher de secouer la tête en 1855, floutant celle-ci durant le temps de pause) à celui voulu d'un Nadar fixant Théophile Gauthier, l'expo s'amuse à des allers-retours entre "La grande vague à Sete" par Le Gray saisie en 1856, et "Les saules" également embués en peinture par Corot à la même époque, bref, entre photo et peinture. Montrant comment la photographie anglaise subit, fin du 19e, l'influence du symbolisme ambiant, l'expo oppose ensuite le flou manipulé d'un Léonard Misonne ("Paysage sous la neige") avec le dessin d'un village provençal d'Eugène Carrère. Si l'on est surpris de trouver un Alfred Stieglitz en utilisateur du flou, on l'est plus encore par le portrait, flou en lisière, d'Anatole France par le Luxembourgeois d'origine Edward Steichen. Le flou peut être scientifique, dans les premières radiographies, les premiers clichés d'éclipses de Lune dès 1856, permet des subterfuges pour faire apparaître des fantômes, est amateur et involontaire dans le cas de Zola se faisant photographier maladroitement à Verneuil. Il peut être, bien entendu, artistique dans le cas de Eugène Atget, de Raoul Ubac, de Moholy-Nagy ou de Cartier-Bresson, l'objet de contorsions surréelles avec Man Ray ou d'André Kertez, contemporain dans le cas de William Klein ou des oeuvres hantées - fantomatiques, au vrai sens du terme -, de Sugimoto. Une expo sur le flou, loin des clichés, et qui fait sur ce sujet une belle... mise au point.