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L'appartement qu'occupe Erwin Van Der Veken à Jette est la demeure d'un artiste. Sa fonction première de chirurgien pédiatrique se floute sur le seuil de la porte d'entrée. Si ce n'est deux appels téléphoniques de collègues médecins durant l'interview, rien ne laisse deviner ici le vert de la tenue de bloc. Passé un couloir ou de premiers travaux sont accrochés, une pièce de vie s'ouvre sur une baie vitrée. Entre la cuisine, le salon et la salle à manger, des réalisations d'autres artistes sont savamment placées à côté d'une seule photographie du maître des lieux. Une recherche du beau anime cette adresse. D'une pièce que l'on devine être une chambre, le Dr Van Der Veken sortira tout au long de la rencontre quelques impressions photographiques sur ChromaLuxe. Une frénésie particulière qui trahit la passion. "J'ai toujours eu un certain intérêt pour la photo", confie-t-il. Mais c'est lorsque sa compagne lui demande de photographier sa palette de peintre qu'il se lance dans la macrophotographie. "Le lendemain, dans le train, que j'emprunte très rarement pour me rendre à Jolimont, je n'ai pas arrêté de photographier ce que je voyais par la fenêtre", raconte-t-il. Il s'en suit le début d'un travail qui aura un objectif: "ce qui est délaissé ou qu'on laisse dans la nature". Si les sujets sont reconnaissables au départ, le travail de Van Der Veken s'éloignera progressivement du sujet au gré de ses expériences. Désormais, les taches de couleur photographiées dans l'atelier du peintre Maurice Frydman semblent être les clichés d'un télescope aux confins de la galaxie. La palette d'un peintre a plongé l'artiste dans la macrophotographie. Très vite les déchets, fruits d'une approche consumériste ou, a contrario, du recyclage, vont devenir le sujet de ses photographies. Un travail dans l'air du temps où le chirurgien refuse d'emblée de prendre les insectes comme sujet. "Mon objectif est que les gens regardent ce qui les entoure autrement." Une approche philosophique où le composte ou la rouille d'une voiture croisée en Grèce deviendront quelque chose de beau. Des objets apparemment bannis sur lesquels les regards pourront à nouveau se poser pour s'émerveiller. "On vit à 100 à l'heure, on voit mais on ne rêve pas ce que l'on voit."En quittant son appartement, l'escalier en métal semble se tordre sous la pression du froid et du poids des corps. Le temps qui passe semble avoir été mesuré quelque part à Jette. Dans un ancien bâtiment industriel, rongé jadis par le temps et réhabilité pour que la vie s'y installe à nouveau, la roue tourne tel le collier d'un objectif, le temps l'accompagne. Il n'y a pas de hasard.