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A lain Loute, maître de conférence au Centre d'éthique médicale de l'Université catholique de Lille se demande quoi faire avec un patient qui, "dans le cadre d'une consultation médicale, vient avec des informations issues d'une application mobile sur son smartphone qui n'est pas forcément reconnue comme un dispositif médical". Faut-il, se demande-t-il, "mettre totalement de côté ces informations et faire comme si elles n'existaient pas?" Il prend en exemple aussi le séquençage du génome: "Il y a des sites étrangers mais accessibles en Belgique ou en France où l'on peut, pour une centaine de dollars, pratiquer ce séquençage sans justification ni prescription médicale. Quid des résultats de cet examen lorsque le patient les soumet à son médecin?"Face à la politique du maintien à domicile versus l'hospitalisation, il souligne qu'une fois mise en place une télésurveillance à domicile, "tous les lieux ne permettent pas de reproduire les conditions d'intimité du colloque singulier, comme dans un cabinet médical".Quant à l'empowerment du patient très à la mode, cela ressemble à l'Etat social actif cher au Frank Vandenbroucke d'il y a 20 ans. Mais "s'agit-il de donner au patient un plus grand pouvoir d'action et de participation ou s'agit-il d'un transfert de responsabilités vers le patient?"Question santé interroge plusieurs chercheurs de la LUSS (Ligue des usagers des services de santé) du point de vue de l'utilisateur du DMI, le patient et du point de vue de la responsabilité de médecins encore réticents à l'utiliser pour cette raison. "Un certain nombre de médecins, généralistes et spécialistes, sont réticents à partager certaines informations", pointe la LUSS. "En Région bruxelloise, il y a encore beaucoup de questionnements sur la responsabilité juridique des médecins si le patient accède à certaines informations auxquelles il ne serait pas préparé ou qu'il pourrait mal comprendre. Dès lors le DMI n'est pas forcément exhaustif." Bernadette Pirsoul, chercheuse à la LUSS croit savoir que "de plus en plus de médecins considèrent que les données du DMI sont les données du patient. Mais certains d'entre eux rechignent encore à partager ces données: cela demande un changement de mentalité chez les professionnels."A Bruxelles, comme le souligne Fabrizio Cantelli, directeur de la LUSS, "depuis seulement un an, nous sommes membre du comité de suivi d'Abrumet. En 2017, la LUSS a aussi réalisé un inventaire 'Fracture numérique et e-santé' et des sources d'inquiétudes ou de difficultés sont ressorties dans ce cadre, notamment par rapport à la fracture numérique et le risque d'augmenter les inégalités de santé, en rendant les patients plus responsables, mais pour cela il faut qu'ils aient accès à ces outils et qu'ils puissent s'en servir. Or on le sait, à Bruxelles, toute la population n'a pas accès au matériel et n'a pas les compétences requises pour s'emparer de ces informations"."Parmi les patients qui présentent des pluripathologies ou des maladies rares", explique Bernadette Pirsoul, "il y a un réel intérêt, notamment pour l'accès au dossier, aux examens qui ont déjà été effectués ou lorsqu'ils sont pris en charge dans un autre hôpital. Ce DMI est un outil dont ils se sont emparés. En revanche, d'autres patients donnent leur consentement et ensuite s'en remettent aux soignants, sans jamais consulter leur dossier informatisé ou ne savent même pas comment procéder. Or cet accès au dossier partagé peut permettre un meilleur dialogue et un empowerment accru dans le chef du patient."A Bruxelles, 844.000 patients sur 1,2 million d'habitants disposeraient d'un DMI, mais selon Cécile Palies, responsable Communication d'Abrumet, "la consultation de ces DMI par les Bruxellois reste assez faible: seulement quelque 3.000 accès mensuels". Avec la consultation des résultats des tests Covid dans les DMP (dossiers médicaux partagés), ces connexions ont toutefois doublé...