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Comme toujours, l'organisateur Europa Expo mêle allègrement objets rares (bicorne, porte-carte, étui dentaire de voyage - Napoléon avaient les dents longues)... et scènes spectaculaires (reconstitution d'un bivouac, celui de Waterloo, bataille qui scelle le sort de Bonaparte le 18 juin 1815) dans une conception labyrinthique sinueuse qui empreinte les méandres de l'histoire napoléonienne. L'exposition cherche et parvient à embrasser le mythe, l'homme, la légende et les faits dans une présentation assez complète. Un récit qui débute par la fin: le catafalque, le cortège funéraire à Longwood, la vue par Mauzaisse de l'empereur déchu sur son lit de mort. Né sur une île après avoir transité par une autre, Napoléon y meurt le 5 mai 1821: il parlait à peine français à neuf ans, régna pourtant sur la France à 30, empereur à 35 et mort seize ans plus tard. Un parcours à la "hussard" dont on peut admirer l'uniforme et l'armement, voire au "cuirassier". Un destinée au galop en effet, que l'expo explique et reprend avec la révolution: Napoléon est nommé capitaine du roi au moment ou celui-ci passe sur un pique en 1792 ; il déloge les Anglais de Toulon en décembre 93, devient général à 24 ans et matte une révolte royaliste deux ans plus tard à Paris. Le directoire l'envoie en Italie combattre les Autrichiens, où il vole de victoire en victoire, construisant au passage sa légende, devient Premier Consul (par un coup d'état oublié par l'expo) puis Empereur, et part à la conquête de l'Europe. Bonaparte est obsédé par le blocus continental de l'Angleterre alors que tout se joue sur la mer, où, depuis Trafalgar notamment, l'ennemi héréditaire domine les mers sans partage: des gens des îles comme lui (qui soutenaient Paoli, seul dirigeant d'une Corse indépendante, dont le père de Bonaparte fut le secrétaire particulier avant de faire allégeance à la France). Peintures et portraits (signés Gros ou Girodet), il en figure bien entendu (et des bustes au sens propre), mais aussi un autre plus intime: celui d'une Napoléon intellectuel membre de l'Institut de France qui entraîne une centaine de scientifiques dans son sillage au cours de la campagne d'Égypte (dont Champollion) ; un grand lecteur (de Guibert et de son "essai général de tactique" notamment ; par ailleurs, il lut notamment sept fois Le jeune Werther de Goethe) à la mémoire photographique, qui savait haranguer ses troupes, mais qui, victime de lapsus, confondait par exemple amnistie et armistice - sa langue maternelle n'était pas le français. Un Napoléon éblouit par l'Égypte et dont les modèles furent tirés de l'Antiquité, César et Alexandre - pas de grands démocrates. Leur influence respective se retrouve jusque dans le style Empire qu'il suscite et utilise à des fins de propagande lustrée. Vaisselle (de la manufacture de Sèvres notamment), parures, grand habillement, grand couvert, grand aumônier, rien n'est plus assez grand... tout s'empire pour Napoléon devenu Ier qui se sacre empereur "pour le peuple" dans une mise en scène qui annonce le péplum! (deux arcs de triomphe, la colonne Vendôme détruite par les Communards il y a tout juste... cent cinquante ans). L'exposition reprend des images du sacre et dévoile un portrait du Pape Pie VII: Bonaparte se serait "souverainisé" pour déjouer les complots après un attentat royaliste manqué de la rue Saint-Nicaise en 1800 et par souci de propagande. Sous son règne, il fait fermer près de 70 journaux, il rétablit l'esclavage, alors qu'il crée le Code civil, la Légion d'honneur (qui ne sert pas encore les amis - Goffin un mineur liégeois qui sauve 70 comparses la reçoit), les préfets (toujours "baillys" des présidents centralisateurs d'aujourd'hui), les départements, des canaux, le baccalauréat, les lycées, décrète la liberté religieuse (y compris pour les Juifs ) développe la betterave sucrière pour déjouer le blocus naval anglais de la canne à sucre en 1812... et impose les premiers vaccins! En même temps, l'expo passe en revue la lignée familiale du "despote" nommant toute sa famille rois et reines de ses conquêtes...territoriales, tout en montrant que les maréchaux Ney et Murat par exemple sont de très petites extractions et resteront fidèles à l'empereur jusque dans la mort (ils seront fusillés en 1815), ce qui était sans doute le but... Des batailles bien sûr, et du maître tacticien orfèvre en effet de surprise et en vitesse (ce qui dû marquer un petit moustachu au siècle suivant)- sa vie en témoigne -, il est question: de Ligny en 94, et de son usage pour la première fois d'une montgolfière! , en passant par Aboukir, Tilsit, Iena, Lodi, la campagne de Russie (390.000 morts côté français! ), ainsi que de l'erreur de la conquête de l'Espagne (toujours dans l'optique du blocus continental de l'Angleterre). Concernant la Russie, Hitler, lequel fit revenir les cendres de l'Aiglon aux Invalides le 15 décembre 100 ans après le retour des cendres du père, commettra la même erreur... Bien sûr, Waterloo est évoqué comme les antagonismes successifs de Napoléon avec la Prusse (il crée la Confédération du Rhin comprenant notamment Bonn et Trèves ce qui à le don d'énerver les Prussiens, pièce centrale d'une Allemagne encore morcelée), l'Autriche, la Russie alors qu'il se lie presque d'amitié avec le Tsar et bien sûr avec les Anglais (il rêvera de conquérir cette île, encore une! disait Guitry) comme le signal un monument à sa gloire construit à Boulogne, d'où il aurait du embarquer pour défier la perfide Albion. Reste que la baignoire de l'empereur de la dite campagne en zinc imaginée et offerte par Jean-Jacques Dony, un industriel liégeois, un lit pliant à baldaquin, un luxueux tabouret des sabres, un pistolet à patte de canard et à quatre canons, le détail du havresac de 25 kilos du grognard et son contenu, figurent parmi les pièces les plus spectaculaires d'une exposition qui n'en manque pas, met bien en exergue les ombres, un peu, les lumières (parfois clinquantes) surtout, d'un personnage contrasté, jupitérien, intellectuel, qui concentrait tous les pouvoirs d'un État à peine jacobin et devenu depuis lors... napoléonien.