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"J e prends cette décision avec beaucoup d'amertume, ayant eu à coeur de mettre mon temps, mon expérience et mon intégrité au service de l'intérêt général et prémunir ainsi les citoyens contre des utilisations abusives, opaques et illégitimes de leurs données personnelles", écrit Alexandra Jaspar dans une lettre adressée à la présidente de la Chambre et à la présidente de la commission Justice. "Je n'ai pu que constater, hélas, que l'APD s'efforce de ne pas contrôler ce et ceux qu'elle devrait et ne protège pas les données mais ceux qui en font mauvais usage, pour peu qu'ils soient liés aux autorités publiques."Il y a un peu plus d'un an, Alexandra Jaspar avait déjà dénoncé - avec sa collègue Charlotte Dereppe, directrice du service première ligne - les dysfonctionnements criants de l'APD, dont elle estimait, alors, qu'elle n'était pas en mesure d'accomplir sa mission correctement. Mission qui consiste à veiller à ce que la Belgique respecte le Règlement général sur la protection des données (RGPD), en vigueur en Europe depuis 2018. La suite des événements leur a donné raison: la Commission européenne a constaté que l'État belge viole effectivement l'article 52 du règlement. La Belgique dispose d'un peu plus d'un mois pour se mettre en conformité avec le RGPD, auquel cas elle pourrait se voir assignée devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Et devenir le premier État condamné pour infraction au RGPD. Les dénonciations se suivent et se ressemblent. Depuis novembre, l'APD et eHealth ont reçu une volée de bois vert non seulement d'Alexandra Jaspar mais aussi de la coopérative Medispring (lire jdM n°2691) et de l'association de défense des libertés et de la vie privée Charta21 (lire jdM n°2693). C'est maintenant la LDH qui s'inquiète du "manque de réactivité et de sérieux du Parlement fédéral sur le dossier de la protection des données. Cela a débouché sur l'annonce de la démission d'Alexandra Jaspar, après avoir dénoncé durant un an et demi les dysfonctionnements et le manque d'indépendance de l'APD.""Ce ne sont pas les lanceurs d'alerte qui doivent quitter l'institution, mais ceux et celles qui mettent à mal l'indépendance de l'APD", indique la Ligue par communiqué. Selon l'association, deux des cinq codirecteurs de l'APD (Alexandra Jaspar et Charlotte Dereppe) tirent la sonnette d'alarme depuis près de deux ans, notamment auprès de la Chambre censée contrôler l'APD, et dénoncent, avec d'autres, l'illégalité des mandats et les conflits d'intérêts de certains membres de l'APD et l'impact de celle-ci sur l'indépendance de la jeune institution. "Force est de constater qu'Alexandra Jaspar et Charlotte Dereppe n'ont pas été entendues ni soutenues dans ces dénonciations. Or, ce défaut d'indépendance a été confirmé et constaté par la Commission européenne, saisie dans le cadre d'une procédure d'infraction lancée contre la Belgique", ajoute la Ligue des droits humains. Toujours d'après la Ligue, la Commission a constaté la violation de l'article 52 du règlement général sur la protection des données (RGPD) et affirme que "certains membres de l'Autorité belge de protection des données ne peuvent actuellement pas être considérés comme exempts d'influence externe". La situation pouvait déjà s'apprécier objectivement, à l'égard de quelques membres dont Frank Robben, que l'on retrouve aux manettes de la Smals, la Banque carrefour de la sécurité sociale et la plateforme e-Health. De plus, David Stevens, le président de l'Autorité de protection des données, a participé à la Taskforce Data against corona pour le compte du gouvernement. Après des mois d'inaction et une injonction de la Commission, le Parlement a finalement entamé une procédure de levée de mandats et il planche, en parallèle, sur une proposition de loi pour modifier la composition du Centre de connaissances de l'APD. "Ces réponses ne vont pas dans la bonne direction", aux yeux de la Ligue, car la procédure de levée de mandats pour faute grave a été lancée indistinctement à l'égard des cinq membres du comité de direction dont Charlotte Dereppe et Alexandra Jaspar alors qu'elles avaient dénoncé les incompatibilités légales et les conflits d'intérêts. "Les autres membres du Centre de connaissances, dont Frank Robben et Bart Preneel, ne font, quant à eux, l'objet d'aucune instruction, or il existe des doutes sérieux les concernant", souligne la Ligue. Selon celle-ci, la proposition de loi déposée en commission Justice et visant à composer le Centre de connaissances de l'APD uniquement d'académiques et de magistrats prévoit aussi de créer un conseil consultatif composé d'experts pour lesquels aucune incompatibilité légale ne serait prévue. La Ligue des droits humains a par conséquent appelé le Parlement fédéral à prendre des décisions concrètes pour mettre fin aux conflits d'intérêts et incompatibilités légales qui gangrènent l'APD et l'empêchent de fonctionner de manière indépendante.