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Le 13 mars, l'hydroxychloroquine est recommandée pour tout patient hospitalisé à cause du Covid-19 et mis sous oxygène. Des milliers de patients, souvent âgés (deux tiers ont plus de 65 ans), reçoivent alors une dose assez faible du produit, comparable à ce qui était donné en prophylaxie contre la malaria dans les années 1970-1980, durant cinq jours. Dix semaines plus tard, l'aura de l'hydroxychloroquine a baissé. Elle n'est manifestement pas le produit miracle espéré et des patients qui la reçoivent continuent de mourir. Les praticiens la donnent de moins en moins, puis plus du tout. Pour en avoir le coeur net, Sciensano, l'Institut de santé publique belge entame une étude rétrospective pour évaluer son effet sur les patients. Le 24 mai, la base de données de Sciensano contient 15.544 cas de patients provenant de 109 hôpitaux belges. En général, les participants étaient gravement malades avec plus de 80% de pneumonie radiologique, de grandes proportions présentant des paramètres de laboratoire de gravité, y compris une hypoxémie prononcée, et 5% nécessitant une admission immédiate en unité de soins intensifs (USI). Le délai médian entre l'apparition des symptômes et le diagnostic du Covid-19 était de cinq jours. Par rapport aux survivants, les non-survivants étaient plus âgés, plus susceptibles d'être des hommes et de souffrir de maladies préexistantes. De plus, ils présentaient plus souvent des marqueurs biologiques de gravité tels que des taux élevés de lactate déshydrogénase (LDH> 350 UI / L) et de protéine C-réactive (CRP> 150 mg / L), et une hypoxémie sévère (paO2 <60 mmHg). Le délai entre l'apparition des symptômes et le diagnostic était plus court chez les non survivants (médiane 3 jours, contre 6 jours chez les survivants, p <0,0001). La durée du séjour à l'hôpital était similaire. Les patients dans le groupe HCQ étaient plus jeunes et le sexe masculin était prédominant. Plusieurs comorbidités étaient significativement moins fréquentes dans le groupe HCQ, notamment les maladies cardiovasculaires, l'hypertension artérielle, l'insuffisance rénale chronique, les troubles neurologiques et cognitifs, le cancer solide, l'obésité ainsi que la proportion de fumeurs actifs. En revanche, à l'admission, les patients du groupe HCQ semblaient plus malades, comme en témoignent la fréquence plus élevée de pneumonie radiologique, le syndrome de détresse respiratoire aiguë, le transfert en USI dans les 24 h suivant l'admission et l'assistance en ventilation invasive ainsi que la fréquence plus élevée de niveaux élevés de LDH et de CRP. Résultat de l'étude : l'hydroxy à 2.400 mg sur cinq jours est " indépendamment associée à un taux de mortalité hospitalière plus faible que les patients traités avec des soins de support uniquement, même après ajustement pour l'âge, les comorbidités majeures et la gravité de la maladie à l'admission ". Surtout, la mortalité a été réduite quel que soit le moment entre le début des symptômes et le diagnostic et le début du traitement. La réduction de mortalité et de gravité de la maladie est impressionnante La réduction de mortalité et de gravité de la maladie est impressionnante : en moyenne, 22% de ces patients sont décédés. Mais tandis que plus d'un patient sur quatre (27,1%) qui n'avait pas reçu l'hydroxy mourait, le taux de létalité n'était que 17,7% chez ceux qui ont reçu le médicament. Soit un tiers de décédés en moins chez ceux qui ont reçu l'hydroxychloroquine. De quoi conclure à la causalité ? Non. A l'association, certainement. " Notre étude apporte un soutien supplémentaire à l'affirmation selon laquelle l'hydroxy n'est pas associé à un risque accru à court terme de cardiotoxicité et de mortalité en milieu hospitalier. Au 17 juin, l'Agence fédérale des médicaments et des produits de santé a enregistré au total huit déclarations d'effets indésirables suspectés d'être associés à son utilisation pour le traitement du Covid-19 en Belgique, parmi lesquels trois cas de toxicité cardiaque (ayant tous reçu des médicaments concomitants) et aucun décès signalé ", explique le Dr Nicolas Dauby, spécialiste en maladies infectieuses à l'hôpital universitaire St-Pierre (ULB). " Notre étude n'est pas un essai clinique, qui compare deux bras de patients à tout point identiques, sauf qu'ils reçoivent un placebo ou la vraie molécule. Une étude comme celle-là est la seule qui aurait pu établir une relation causale. Et il n'y en aura pas, puisque l'hydroxy n'a pas d'activité antivirale ", tranche clairement le Dr Nicolas Dauby. Conclusion ? " Le plus probable est que l'hydroxychloroquine a une excellente activité anti-inflammatoire. L'efficacité clinique pourrait cependant être provoquée par des mécanismes immunomodulateurs, empêchant la progression vers une maladie grave avec des réponses sur-inflammatoires en amortissant la fameuse tempête de cytokines ", explique Nicolas Dauby . " Il a en effet été démontré que l'hydrochloroquine diminue la production de cytokines pro-inflammatoires, à la fois ex vivo et dans un modèle pulmonaire. Dans le même ordre d'idées, l'utilisation de la dexaméthasone à faible dose a récemment été rapportée pour diminuer significativement la mortalité des patients Covid-19 nécessitant de l'oxygène. En outre, il a été suggéré que le produit possède certaines propriétés anticoagulantes qui pourraient être bénéfiques pour prévenir les événements thrombotiques en complément de l'héparine de bas poids moléculaire ."